M. Qui fait aujourd’hui ce travail de mise en avant d’artistes féminines, selon toi ?
A. R. Beaucoup de podcasts, j’ai l’impression. J’écoute La Poudre, Kiffe ta race et Les Couilles sur la table, ce que la Terre entière devrait faire à mon avis, et aussi Transferts sur d’autres questions. Si on faisait encore aujourd’hui ce travail, je pense que ce serait sous la forme d’un podcast. En tout cas, des supports qui ne mettent en avant que des femmes, j’ai l’impression qu’il y en a plein, même sur Instagram avec Les Glorieuses.
M. Le premier numéro de Peach avait pour thème la “blank generation”. C’est quoi ?
A. R. J’ai l’impression que ma génération, qui a aujourd’hui autour de 30 ans, s’est retrouvée schématiquement entre une génération qui a connu le plein-emploi et l’insouciance écologique, et une nouvelle aujourd’hui très politisée et ultra-consciente. Entre les deux, on se retrouve à un endroit bâtard, “blank” (vide en français, ndlr). Je suis contente de ne pas avoir grandi avec internet, mais ça ne me donne pas du tout la même vision du monde que les millennials – ni que nos parents, qui d’ailleurs utilisent davantage Facebook que nous. Je ne suis pas née avec la conscience du féminisme que donnent aujourd’hui les réseaux sociaux aux gamines de 20 ans, par exemple. On s’y met tard et c’est un peu flottant.
M. Aujourd’hui, si Peach existait, qui y aurait-il dedans ?
A. R. Il y aurait les artistes talentueuses qui m’entourent. Et j’aurais envie de faire un numéro uniquement avec les femmes qui sont autour de moi. Il y aurait Rebecca Baby, la voix du groupe Lulu Van Trapp, qui écrit et dessine en plus d’être une chanteuse exceptionnelle. Il y aurait Eleonore Wismes, qui fait des photographies magnifiques agrémentées d’aquarelle. Je mettrais aussi en avant Jesse Daubertes, anciennement connu sous le nom de Jessica, un illustrateur transgenre qui travaille au sein du duo Fortifem, principalement dans l’imagerie metal.
M. Tu as beaucoup oeuvré dans la mode, que ce soit comme créatrice, mannequin, photographe. Quel est ton rapport à elle aujourd’hui ?
A. R. Je trouve que c’est un milieu passionnant, assez drôle. Il y a beaucoup de gens très intéressants et cultivés qui y travaillent, parce que pour être styliste ou photographe, il faut avoir lu, il faut avoir vu des films, avoir voyagé. Le souci que ça me pose aujourd’hui, c’est que c’est un secteur extrêmement polluant. On y fait des choses magnifiques, c’est clair, mais je pense qu’à notre époque il y aurait moyen de réaliser des collections et des défilés avec des dépenses énergétiques bien moindres, sans faire appel à des mannequins des quatre coins du monde. Par ailleurs, je n’achète plus d’habits neufs depuis trois ans. Juste une paire de chaussures de temps en temps, et de préférence pas en cuir. De nombreuses marques de luxe abandonnent aujourd’hui la fourrure, ce qui est une bonne mesure, même si ça arrive très tard. Il y a beaucoup de choses à repenser…