Shia Lebeouf sur le tapis rouge du festival du film de berlin, 2014

Tapis rouge déserté, influenceurs critiqués, privilèges et statuts remis en cause : le Covid-19 a mis en lumière les travers d’une culture de la célébrité, qui à l’heure de la pandémie, devient de plus en plus décriée et hors-sujet.

On sous-estime probablement trop Shia LaBeouf. En plus d’être à l’origine de la tendance vestimentaire normcore et d’avoir inspiré Kanye West pour la création de sa marque Yeezy (pour le comprendre, il suffit de regarder le compte Instagram qui est dédié à ses meilleurs looks), l’acteur s’était pointé sur le tapis rouge du festival de Berlin en 2014 avec un sac en papier sur la tête sur lequel était écrit la mention suivante : “I’m not famous anymore”, je ne suis plus célèbre (pour les Allemand LV1). Une sorte d’étrange prémonition qui six ans plus tard est sur le point de se réaliser en pleine crise du coronavirus. Non pas pour lui spécifiquement mais pour une grande partie des célébrités de la planète et de toute la culture qui en découle.

C’est simple. Depuis l’arrivée de “Miss Rona”, les célébrités ne sont plus ce qu’elles étaient et le concept même de stardom a pris un sacré coup derrière la tête. Normal : les lieux et grands événements culturels et médiatiques ont tous été annulés sinon reportés (tournées, salles de concerts, théâtre, cinémas, Festival de Cannes, Festival de Venise, Cérémonie des Emmy Awards…). Résultat, les stars, au lieu de fouler le tapis rouge dans des tenues créées par les plus grandes marques, se retrouvent coincées chez elle comme le reste du monde. Et finissent par montrer malgré elles l’inutilité de leur statut et de leur influence dans un contexte politique et social délétère où plus personne ne s’intéresse de savoir ce qu’elles portent ou ce qu’elles achètent. Encore moins ce qu’elles pensent.

Le post Instagram de l’actrice Gal Gadot

L’une des premières “victimes” de réactions anti-notoriété de l’ère Covid-19 s’appelle Gal Gadot. L’actrice qui interprète Wonder Woman a publié sur Instagram une vidéo où elle assène “que nous sommes tous dans le même bateau” (“we’re all in this together”) avant de chanter une reprise du célèbre titre “Imagine” de John Lennon pour ses followers. Une action qui a provoqué beaucoup de moqueries sur les réseaux sociaux. En effet, comment sérieusement penser à chanter à propos d’un monde “sans possessions et en paix” alors que l’économie entière de la planète s’effondre et que des millions de gens perdent leur emploi ?

Puis il y a aussi eu Madonna qui a prêché depuis sa baignoire remplie de pétales de roses (…), expliquant au reste du monde que le Covid-19 “se fout de savoir si on est riche ou pas. C’est un grand niveleur d’égalité”. Like, really ? Une déclaration clairement à côté de la plaque venant faire écho à celle du milliardaire David Geffen, qui après avoir déclaré “J’espère que tout le monde se porte bien” en postant une photo de lui en confinement sur son super yacht d’une valeur de 590 millions de dollars, a dû supprimer son compte Instagram après la levée de réactions de ses followers à l’évidence insultés par de tels propos.

le post du compte mode instagram @dietprada

Sans oublier Kylie Jenner qui achète des villas à quelques dizaines de millions de dollars,  Ivanka Trump qui nous invite à nous laver les mains en utilisant un savon Aesop à 40 euros ou Ellen Degeneres qui, pensant faire une bonne blague, compare le confinement et le self-isolating à un séjour en prison. Comme le rappelle le compte mode Instagram Diet Prada, sa villa de Montecito en Californie possède une vue sur mer, une piscine à débordement et un jardin à la “balinaise”. Bref, la liste des stars qui flirtent avec l’indécence est aujourd’hui aussi longue et déroutante qu’une saison entière de Game of Thrones.

Loin d’être un “grand niveleur d’égalité”, le coronavirus a justement mis en lumière l’impossibilité d’ignorer les inégalités face à la maladie et à ses conséquences économiques et sociales, mais aussi à l’accès aux soins et au système de santé. Alors que les membres du personnel soignant en manque de moyens se démènent pour guérir des patients atteints par le virus, les personnes célèbres semblent elles avoir accès aux meilleurs soins, à l’image de Kris Jenner ou Tom Hanks, qui sans présenter de symptômes apparents, ont eu droit à des tests rapides et poussés.

Billy Porter sur le tapis rouge des golden globes 2020

Après tout, la culture de la célébrité ne glorifie pas ses membres uniquement sur leur performances ou leur propre personne mais aussi sur l’idée même de leur propre richesse, de leur consommation et de leurs privilèges (résidences secondaires, collections de voitures, opérations chirurgicales, garde-robe etc). Un concept qui à l’heure de la pandémie devient complètement caduque et hors-propos et qui risque fortement de bouleverser la relation qu’entretiennent les stars avec le reste de la population qui, avec moins de revenus et de moyens, va devoir elle se serrer la ceinture et affronter la dure réalité sociale.

“Les gens vont commencer par admirer et respecter des femmes et des hommes qui font de grandes choses”, déclarait le créateur de mode Christian Siriano, interrogé il y a quelques semaines par le magazine WWD sur l’après tapis-rouge à l’ère de la pandémie. Il ajoutait : “Porter une robe fabuleuse ne voudra plus dire la même chose. Quand les membres d’une famille sont malades et mourants, les gens se moquent clairement de l’apparence flamboyante que vous avez chez vous”.

L’enquête du magazine Wired

Une réflexion qui vient remettre en question le concept même de hype et de tendance (particulièrement dans la mode) et avec elles, l’ère et le marché des influenceurs. Alors qu’Arielle Charnas, une célèbre influenceuse américaine, a été fortement critiquée (et à juste titre) pour avoir fui New York pour sa villa des Hamptons sur Long Island juste après avoir été testée positive au Covid-19, c’est le très sérieux et très respecté magazine Wired qui vient d’annoncer la première récession économique dans le marché des influenceurs.

L’influence Arielle Charnas

Cela dit, toutes les stars n’ont pas arrêter de « briller ». Certaines (rares) célébrités prennent pleinement conscience de la situation. À l’image de Britney Spears qui a appelé à un changement social radical en postant sur son compte Instagram un manifeste de solidarité de l’artiste Mimi Zhu déclarant : “Nous nous nourrirons les uns les autres, nous redistribuerons la richesse (…)”. Britney a même ajouté en légende de son poste trois émojis roses rouges, un symbole ambigu faisant, pour beaucoup de ses followers, référence aux démocrates socialistes américains.

Un positionnement étonnant de la part d’une star de cette envergure qui ne nous a pas habitués à tant d’engagement politique et social. Cependant, depuis bientôt 12 ans, Britney Spears, ainsi que ses finances et ses déplacements, sont mis sous tutelle. Alors quand cette dernière poste une image cherchant à promouvoir la solidarité et la recherche du concept de communauté en captivité sociale, on peut lui faire confiance. Elle sait bien de quoi elle parle.