M. Vous pensez être un modèle pour les plus jeunes ?
H. D. J’ai l’impression que pas mal de gens sont d’accord avec ce que j’ai à dire, et la manière dont je le dis. Je suis connue pour mon franc-parler, mais je n’aime pas trop le terme “modèle” car d’une certaine manière ça place la personne sur un piédestal, et je déteste ça. Je préfère la définition de l’actrice Laverne Cox, le “role possibilities”, quelqu’un qui propose une autre vision des choses, un autre regard sur la vie et ses possibles. En fait, je préfère donner aux gens les clés pour comprendre et agir sur leur propre vie plutôt que d’être dans le rôle du guide.
M. C’est pour ça que vous vous surnommez “mama” ?
H. D. J’aime beaucoup qu’on m’appelle “mama”, c’est vrai. Janis Joplin adorait ça aussi, je trouve que c’est très rock’n’roll. Même si certains ne comprennent pas l’allusion et pensent aussitôt à la grosse mama noire qui prend soin de tout le monde ! Je suis plutôt une mama MILF, et quand je vois comment les femmes mûres attirent les jeunes mecs, je peux vous dire que je suis prête (rires).
M. En tant que célébrité noire et transgenre, vous ressentez une pression ?
H. D. Mais dès que je passe la porte de mon appartement, je la ressens, pas vous ? ! Même si j’ai la même vie que beaucoup, tout semble amplifié, certainement parce que je porte des faux cils (rires). Ensuite, que les choses soient claires, quand on parle de célébrité, je pense à Beyoncé ou à Andy Warhol. Alors que moi je fais partie d’une minuscule bulle où se mélangent clubbing, mode, musique et art. Je ne m’en plains pas, je suis entourée de gens ouverts d’esprit et qui me respectent, mais soyons réalistes, je suis comme tout le monde, je n’ai pas le pouvoir de changer les lois, d’arrêter le dérèglement climatique, etc. Je vis dans un espace protégé, mes préoccupations tournent surtout autour de l’heure à laquelle je vais jouer en club (rires).
M. Quels sont les bons clubs, selon vous ?
H. D. Ceux où tout le monde danse, s’embrasse et a l’impression de passer le meilleur moment de sa vie, tout simplement. Et il y a beaucoup d’endroits dans le monde où c’est le cas, j’ai la chance d’être très polymorphe, sans avoir besoin de faire de concessions, et de mixer au Berghain à Berlin et ensuite à une fête disco à Ibiza, puis à un défilé de mode ou à une “Black Party” à New York. Sans me vanter, je pense que peu de DJs ont cette capacité de s’imposer sans rien renier de ce qu’ils jouent.
M. Vous êtes nostalgique du clubbing haut en couleur des 90’s ?
H. D. Non, je n’aime pas la nostalgie et le “c’était mieux avant“. Je pense que la plus grande erreur pour un artiste est de rester scotché dans le passé. On doit s’adapter au présent, le faire nôtre, au lieu de vivre dans les souvenirs. En fait, si, une chose me manque : que les gens s’habillent pour sortir. Toute cette folie à propos des sneakers me laisse de glace. Que ce soit à Los Angeles, à Mexico, à Paris ou à New York, c’est un peu comme si les gens n’avaient qu’un intérêt : le logo collé derrière leurs baskets ! Ça me déprime.
@honeydijon