Nyome Nicholas-Williams – @curvynyome

Sur Instagram, Facebook ou TikTok, plusieurs contenus émanant d’utilisatrices et utilisateurs racisé.e.s, plus-size, et/ou LGBTQ+ ont récemment été censurés, mettant en lumière des politiques d’algorithmes discriminatoires avant tout pensés pour diminuer la représentation de la diversité. Heureusement, grâce à la mobilisation, ça commence à changer.

Cette semaine, Jennifer Lopez a breaké Internet. Comment ? Simplement en publiant la pochette de son nouvel album sur son profil Instagram. Résultat : plus de 7 millions de likes en 24h. Normal, la chanteuse y est nue, en mode full frontal et adoptant une pose lascive dans laquelle on aperçoit clairement le début de son sein et de sa chute de reins. On pourrait s’en réjouir. Malheureusement, n’est pas J-Lo qui veut et pour Instagram, ce passe-droit érotico-pop ne s’applique pas à tout le monde.

Il y a quelques semaines, un scandale a éclaté accusant le réseau social d’avoir censuré et réduit au silence la mannequin britannique plus-size noire Nyome Nicholas-Williams. Des photographies d’elle assise sur une chaise, portant un short de cyclisme et couvrant ses seins avec ses bras, ont été retirées de la plateforme pour avoir prétendument enfreint les règles de semi-nudité du réseau social.

Nyome Nicholas-Williams – @curvynyome

Face au lever de boucliers, Instagram (appartenant à Facebook) a dû réagir et proposer un changement et une mise à jour de sa politique de nudité afin de lutter contre la discrimination que subissent les femmes noires plus-size mais aussi d’assurer une juste représentation de tous les types de morphologies. Car ce n’est évidemment pas la première fois que les réseaux sociaux sont accusés de discriminer les Noir.e.s, les utilisatrices et utilisateurs plus-size et celles et ceux issu.e.s d’autres communautés marginalisées (LGBTQ+, invalides…) en supprimant leurs photos, le tout en autorisant sur leur feed la publication de photos similaires de femmes blanches minces et semi-nues. Vous voyez le problème ?

Pochette d’album de JLO

Cette fois-ci pourtant, suite au tollé, une vague de soutien sans précédent de la part des créatrices et créateurs de contenu a été observée en Grande-Bretagne : une pétition a été lancée et signée par près de 17 000 personnes, et des dessins et illustrations en soutien à Nyome Nicholas-Williams ont été créés. Stephanie Yeobah, une autre influenceuse noire plus-size, a directement invectivé Instagram, tout comme la militante Gina Martin (à l’origine d’un combat pour punir par la loi la pratique de l’upskirting), qui a aussi rejoint la cause. Une campagne d’affichage et de graffitis a même été vue dans les rues de Londres pour dénoncer la politique raciste, sexiste et grossophobe de ces algorithmes et exiger un changement de ces mesures qui sentent la mysoginoir à plein nez mais aussi ce qu’on appelle le « shadow-banning« , soit une façon d’effacer ou de cacher les contenus qui ne plaisent pas au monde édulcoré des réseaux sociaux.

Selon un article de The Guardian, Facebook a nié que Nyome Nicholas-Williams avait été victime de discrimination raciale (shocker…), mais a reconnu cependant que son ancienne règle de semi-nudité appelée “boob-squizing” (le fait de s’attraper et maintenir les seins) avait entraîné la suppression de ses photos. Et un porte-parole d’Instagram a bien confirmé que les photos de Nyome avaient été initialement retirées: “Nous n’autorisons pas le boob-squizing car il peut être le plus souvent associé à la pornographie”. Avant d’ajouter : “En examinant cela de plus près, nous nous sommes rendus compte que c’était un cas où notre politique appliquée au boob-squizing n’avait pas été correctement appliquée. Les commentaires de Nyome nous ont aidés à comprendre en quoi cette politique était insuffisante et comment nous pouvions l’améliorer.”

Grâce à la mobilisation, la nouvelle politique de nudité d’Instagram et Facebook a été mise en place dès le début du mois de novembre. “Nous avons mis tout notre cœur et tout notre âme dans cette campagne et la voir se concrétiser est insensé !”, a déclaré Nyome sur les réseaux. Avant d’ajouter :”Il reste encore beaucoup de travail à faire, car les femmes noires plus-size continuent d’être censurées à bien des égards ; et les femmes blanches ont TOUJOURS essayé de détourner ce combat et d’en faire leur propre campagne. Il y a bien sûr un énorme déséquilibre racial dans l’algorithme qui existe encore car les corps blancs, eux, sont promus et n’ont pas à s’inquiéter de la censure de leurs messages sur les réseaux, tandis que les corps noirs doivent encore y justifier leur présence”.

Si vous avez encore du mal à percevoir la véracité des propos de Nyome, il suffit de regarder le compte  @nude_yogagirl qui lui, comme beaucoup d’autres qui postent des photos de femmes blanches nues faisant du Yoga, n’a par exemple jamais été victime d’une telle censure… Preuve de plus (s’il en fallait une) : en mai dernier, lors des mouvements antiracistes nés de la mort de George Floyd, TikTok avait été accusé de cacher les contenus produits par des créateurs et créatrices noir.e.s avec, comme point d’orgue, le hashtag #Blacklivesmatter censuré à plusieurs reprises.

Les internautes noir.e.s s’étaient alors mobilisés pour protester contre cette censure en lançant un “Black Out Day” et le hashtag #IamBlackMovement afin de mettre en avant leur propre contenu. Mais selon le réseau social, cet effacement de la communauté Noire n’était dû qu’à un bug informatique. Bien sûr, et la marmotte elle met le chocolat dans le papier d’alu…

Difficile à croire quand on sait que quelque temps auparavant déjà, selon une enquête édifiante réalisée par The Intercept, la plateforme chinoise avait été accusée de supprimer les contenus d’utilisateurs et utilisatrices jugées comme “moches”, “handicapés” ou “pauvres”, favorisant ainsi la représentation de modèles valides type mannequin à la peau et aux dents bien blanches.  Sans oublier qu’il y a à peine deux mois, le réseau social a officiellement reconnu avoir censuré plusieurs hashtags LGBTQ+, y compris “gay”, “lesbienne” et “transgenre”, après que l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), a révélé dans une étude la censure de ces hashtags dans des langues telles que le russe, l’estonien, le bosniaque et l’arabe, les utilisateurs mondiaux étant affectés quel que soit le pays dans lequel ils vivent. Que vous le vouliez ou non, la technologie et les réseaux sociaux, c’est comme la lessive, ça lave toujours plus blanc. Et plus hétéro.