Alessandro Michele photographié par Tierney Gearon (courtesy of Gucci). 

Alors que Gucci vient d’annoncer le départ de son directeur artistique Alessandro Michele (en poste depuis début 2015), Mixte revient sur 10 moments clés pensés par le créateur et qui ont façonné l’esthétique et l’imaginaire Gucci.

C’est l’histoire d’une renaissance. Normal, vous nous direz, pour une marque qui a ouvert un musée à Florence, ville où elle a établi son siège… Une renaissance due à un créatif fantasque et anti-conformiste : Alessandro Michele. Avec son allure qui respire le flower-power, le romain quinqua a su donné bien plus qu’un nouveau souffle à Gucci. Pour les deux du fond, on vous rappelle qu’avant sa nomination à la tête de la direction artistique en 2015, la marque voyait ses ventes reculer partout dans le monde depuis plusieurs années malgré la présence de Charlotte Casiraghi, petite fille de Grace Kelly, comme égérie et une montée en gamme en termes de prix et de modèles. C’est à ce moment là que Marco Bizzarri, patron de Gucci, a l’idée un peu folle de nommer Alessandro Michele à la tête de la direction artistique.

Le créatif est inconnu du grand public, mais pas de la maison Gucci où il travaille au département accessoires depuis 13 ans. Il connaît la maison par cœur et a eu le temps de penser à un ADN de marque surprenant en faisant appel à l’imagination et à l’évasion. On lui laisse à peine 5 jours à son arrivée pour réaliser sa première collection qui est un succès. Pas mal pour le créatif chevelu qui pensait pourtant se faire virer après sa première collection tel un “vulgaire coup d’un soir qu’on aurait pas envie de retrouver au réveil” comme il l’a lui-même dit. Pourtant Alessandro Michele y est resté huit ans. Huit ans pendant lesquels il a apporté une vibe flamboyante, poétique et audacieuse au sein de la maison mais aussi plus largement dans une industrie de la mode qui, niveau couleurs et fantaisie, tirait un peu la gueule à l’époque. Il a aussi été l’un des fervents défenseurs de la gender-fluidity et un véritable mécène passionné de culture, toujours prêt à nous faire (re)découvrir d’autres artistes et inspirations. Retour sur les 10 moments clés où Alessandro Michele nous a embarqué dans son imaginaire de folie.

1. Quand il a créé une collection en une semaine
Gucci fall-winter 2015

Une semaine avant la présentation de la collection Homme Automne-Hiver 2015 à la fashion week de Milan, la directrice artistique de Gucci de l’époque, Frida Gainnini, déserte le poste. Appelé à la remplacer au pied levé, Alessandro Michele relève le challenge sans ciller. Le premier look du défilé, une blouse rouge vaporeuse portée avec un pantalon noir et une ceinture doré Gucci, signe le début d’une nouvelle ère, androgyne et romantique, caractéristique du style de Michele.

2. Quand il a célébré la culture noire
Gucci Soul Scene Pre-fall 2017

Pour sa collection pre-fall 2017, Michele dévoile la campagne “Soul Scene” réalisée par Glenn Luchford. Une campagne qui célèbre la culture soul et funk afro-américaine des 70’s et à cette occasion, il fait le choix (assez rare dans l’industrie, on doit malheureusement le reconnaître) d’avoir un casting entièrement noir. C’est l’occasion pour lui de nous faire découvrir un jeune talent désormais connu sous le nom de Alton Mason…

3. Quand il a remonté le temps
Gucci campaign SS18

Alessandro Michele a toujours revendiqué son admiration pour la période de la Renaissance ainsi que pour la peinture classique et s’en est inspiré pour rebâtir l’identité visuelle de Gucci. Pour la campagne Printemps-Été 2018 de la marque, ses modèles sont habillés avec les looks de la collection et mis en scène comme des sujets de la peinture classique. Intitulée “Utopian Fantasy”, la campagne mêlait la collection du label à une imagerie merveilleuse riche en références picturales évoquant de célèbres toiles de maîtres. C’est Ignasi Monreal, jeune dessinateur et graphiste espagnol, qui fut à l’origine de ces visuels inattendus invitant des créatures légendaires et proposant un monde fantastique dans lequel les sirènes se succédaient à des sorcières pratiquant la pêche à l’avion à réaction. Un univers surréaliste bouleversant les repères classiques de la campagne publicitaire mode.

4. Quand il nous a fait perdre la tête
Gucci Fw18

Saison automne-hiver 2018, on se rappelle tous de l’accessoire ultime vu sur les défilés : les têtes coupées de Gucci. Alors que certains mannequins avaient défilé avec pour accessoires des bébés dragons, un troisième œil sur le front ou des mains de faunes, d’autres, chanceux, portaient l’exacte réplique de leur chère tête dans les bras. Michele avait alors présenté son “Cyborg-Gucci”, un post-humain entre réalité et imaginaire, fascination et effroi, démontrant au passage l’étendu de son talent et de sa créativité. Ami d’Alessandro Michele et égérie de la maison Gucci, Jared Leto avait par ailleurs lui aussi eu le droit à sa tête-accessoire lors du Met Gala 2019 qui avait pour thème le camp. So fancy (and creepy).

5. Quand il a fait de l’écologie une priorité
Gucci Off The Grid

Vous ne savez plus quoi mettre ? Enfilez tout, couche que couche. Veste sur chemise, sur chemise, sur top à manches longues… Chez N°21, même les accessoires comme le collier et la ceinture se chevauchent les uns les autres. La règle d’or pour maîtriser l’art de la superposition ? Jouer sur la transparence comme chez Prada et Dsquared2 ou encore sur les longueurs comme chez Etro où la mini-jupe fendue ceinture à la chemise XXL. Les adeptes des imprimés sauront aussi se laisser tenter par le chaos artistique de Matty Bovan où la jupe fendue, elle-même rehaussée de jupons révèlent des cuissardes moulantes chamarrées. Ce n’est jamais trop.

6. Quand il a transformé le backstage en catwalk
Gucci FW20

À l’occasion de la présentation de sa collection Fall/Winter 2020, Alessandro Michele a pensé un décor en forme de carousel qui serait un backstage dans un écrin de verre visible au public. Les maquilleurs et les stylistes étaient des personnages aussi centraux que les mannequins et le spectateur était amené à prendre conscience de l’importance de leurs tâches, toujours réalisées avec minutie. Une fois préparés, les modèles s’approchaient des vitres avant de prendre vie et de circuler hors du petit théâtre de verre. Le tout sur “Bolero” de Maurice Ravel. L’espace d’un instant, sans même s’en rendre compte, on avait été embarqué dans la folie douce du maestro italien.

7. Quand il s’est émancipé du calendrier officiel

Tendance inattendue pour des collections estivales : l’été 2023 se fera tout en noir. D’après Tagwalk, plateforme de datas spécialisée dans la mode, le terme “grunge” a d’ailleurs connu une augmentation de plus de 267% comparé à la Fashion Week de Milan SS22. Le must ? L’ambiance “balck widow” italienne tout en voilage et porte-jarretelles comme chez Dolce&Gabbana et Versace. Bougies, miroirs et “rebelle attitude”, Donatella Versace admet s’être inspirée “des femmes confiantes, intelligentes et un peu divas” ambiance Madonna période “Like a virgin”. Pas prêt.e.s pour la dentelle ? Optez pour la version plus soft et contemporaine vue chez Philosophy di Lorenzo Serafini, MM6, Ports 1961 ou encore AC9.

8. Quand il nous a fait son cinéma
Harry Styles dans  GucciFest

Novembre 2020, la maison Gucci lance sa nouvelle collection été 2021 avec “Ouverture Of Something That Never Ended” lors du Gucci Fest, un festival 100 % digital mêlant mode et cinéma. Ce festival, qui se tenait en ligne, consistait en une mini-série de sept épisodes, imaginée autour de la collection et tournée à Rome. Réalisée par Alessandro Michele et le cinéaste Gus Van Sant, la mini-série mettait en scène l’artiste italienne Silvia Calderoni dans un quotidien aux accents surréalistes à travers la capitale italienne. Au fil des épisodes, on retrouvait des visages familiers de Gucci comme Harry Styles, Billie Eilish, Lu Han…. Le Gucci Fest mettait aussi en avant une quinzaine de jeunes créateurs indépendants, choisis par Alessandro Michele, dont un certain Charles de Vilmorin.

9. Quand il a redéfini le concept de collab’
Gucci X Balenciaga “The Hacker Project”

En avril 2021, Gucci casse Internet avec sa collection Aria présentée lors d’un défilé à Florence. La raison ? Il s’associe à Balenciaga pour proposer une collaboration inédite nommée “The Hacker Project”. L’idée est simple donner aux deux maisons de mode la possibilité de “hacker” les codes des deux maisons. Certes les collab sont aujourd’hui monnaies courantes dans la mode mais l’événement fait date car c’est la première fois que deux institutions du luxe acceptent de mixer et détourner de manière aussi flagrante leurs codes les plus emblématiques. Défini comme une “exploration des idées d’authenticité et d’appropriation dans l’industrie de la mode”, le Hacker Project a tout défoncé sur son passage et ouvert la voix à d’autres collab du même genre, à l’image de “Fendace”, la collab entre Versace et Fendi.

10. Quand il a squatté Hollywood Boulevard
Gucci The Love Parade

Avec son défilé “Love Parade” organisé en novembre 2021 sur le fameux “Walk of fame” d’Hollywood Boulevard à Los Angeles, la maison Gucci avait une fois de plus marqué les esprits et offert une collection qui a fait date en rendant hommage à la culture californienne et à l’iconographie glamour du cinéma hollywoodien. Résultat, 115 mannequins (dont Phoebe Bridgers, Macaulay Culkin, Jared Leto ou encore Steve Lacy) se sont pavané.e.s sur le célèbre bitume étoilé en sortant du légendaire cinéma TCL Chinese Theatre alors qu’un parterre de stars (Gwyneth Paltrow, Billie Eilish, Salma Hayek, Miley Cirus, Diane Keaton…) assis sur des chaises pliantes de tournages les regarder marcher. Autant dire que, rien qu’avec le décor et le front row, on était déjà au max de ce que Gucci pouvait offrir en termes d’opulence et de flamboyance. Mais c’était sans compter sur la collection elle-même qui a réinterprété avec brio et avec juste ce qu’il faut d’outrance les codes du cinéma hollywoodien et l’esthétique angeline : chapeau de cowboys, chemisettes californiennes, boas, robes à plumes, sequins, costumes trois pièces… L’un des “Gucci moments” les plus emblématiques.