Actuellement en résidence à l’espace parisien 3537 jusqu’au 21 novembre, le jeune peintre et activiste brésilien Samuel de Saboia nous a accordé une interview, histoire de nous expliquer un peu plus son processus créatif revendicatif indéniablement lié à son identité d’homme noir queer.  

“Depuis que je suis parti du Brésil, je n’ai plus de maisons. J’ai des maisons. Je transporte mes pinceaux, mes livres, mes vêtements et beaucoup de produits pour les cheveux. Je me balade un peu partout. Je vais faire mon art là où le vent m’emmène. C’est plutôt intense mais c’est quelque chose de merveilleux. C’est un schéma de vie qui me rend très heureux”. Voici ce que Samuel de Saboia nous répond, sourire radieux aux lèvres, quand on lui demande de nous expliquer son parcours et son mode de vie. Pourtant même s’il rayonne et qu’il communique une énergie joyeuse, l’histoire de ce jeune peintre brésilien à succès, qui a déjà exposé un peu partout dans le monde (Sao Paulo, Zurich, New York, Los Angeles, Paris) et qui est actuellement en résidence jusqu’au 21 novembre à l’espace 3537, n’a a priori rien de léger ni d’insouciant.

Originaire de Recife dans la région du Nordeste, Samuel, aujourd’hui âgé de seulement 24 ans, a déjà fait face à de nombreux coups durs et injustices à l’image du racisme systémique, de la violence de la société, ou de la mort de certains membres de sa famille comme de ses ami.e.s. C’est donc dans ce contexte lourd que l’art a été pour lui un exutoire, une façon de panser ses plaies afin de trouver une sorte de paix intérieure, comme en témoignent ses différentes oeuvres picturales poétiques aux couleurs flamboyantes qui empruntent de multiples références à la religion et à la spiritualité – il est issu d’une famille très pieuse et religieuse -, tout comme à la nature luxuriante de son pays d’origine. “Mon travail est simple, explique l’artiste. Il s’agît pour moi d’apporter une interprétation de ma vision spirituelle dans le monde réel. À chaque fois que je peins, c’est comme si j’occupais l’espace physique avec mes prières. Mon art est comme une extension de ma relation personnelle avec Dieu et avec le monde qui nous entoure”.

Ainsi, chaque moment difficile que Samuel a vécu a été transformé en une série d’oeuvres thérapeutiques, à la manière de son premier show international “Beautiful Wounds” (belles blessures) exposé à New York en 2018 et qui revenait sur les violences et les discriminations qu’il a vues et/ou subies tout au long de sa jeune vie (racisme, queerphobie, abus, rejet, exclusion). Ce processus artistique salvateur s’illustre aussi par exemple avec des oeuvres réalisées suite à la mort d’une de ses connaissances shootée une quinzaine de fois dans le dos parce que mêlée à un trafic de drogue ou encore avec son oeuvre “Heavy Haeven” (qu’on pourrait traduire ici par paradis éprouvant) réalisée en mémoire d’une de ses amies morte à la suite d’une agression transphobe.

Face à la vie et à l’adversité qui auraient pu peu à peu l’anéantir, Samuel de Saboia s’est efforcé de nourrir à travers ses coups de pinceaux des concepts réparateurs : “Travailler sur la beauté, l’amour ou encore l’innocence sont des choses qui me maintiennent en vie, analyse Samuel. Beaucoup de choses et d’événements dans le monde peuvent nous en priver. Mais je crois qu’on peut transformer l’horreur vécue en quelque chose de beaucoup plus spirituel et de plus poétique. En tant que jeune homme queer de descendance indigène américaine et africaine, mais aussi en tant qu’immigré qui voyage autour du monde, mon art est clairement une façon de dire au monde que j’existe et que j’ai le droit d’être qui je suis. Peu importe où et comment”.

Un positionnement plus que militant quand on sait que Samuel est devenu, dès qu’il a acquis un début de notoriété à l’international, l’une des cibles favorites de l’extrême droite brésilienne et de la famille du président Bolsonaro. Mais peu importe. Comme son travail prolifique le montre, rien ne pourra empêcher Samuel de vivre et de créer. “Il est évident que mon travail m’a permis de voyager, d’être connu et reconnu. Mais pour moi, mon véritable succès ne réside pas dans cette notoriété ou dans mon nombre de followers mais bien dans le fait d’avoir eu accès à des choses auxquelles je pensais ne jamais pouvoir accéder. Aujourd’hui, à chaque fois que j’ai l’occasion de m’approprier créativement un nouvel espace, je vois ça comme une victoire”. Preach boy !

Samuel de Saboia expose jusqu’au 21 novembre à l’espace parisien 3537, rue des Francs-Bourgeois, Paris 4e, 3537.org