Valentino Couture SS23

Après une semaine de la mode masculine estampillée KidSuper, la fashion crowd enchaîne avec les présentations des maisons inscrites au prestigieux calendrier de la Haute Couture. Loin de la discipline conservatrice qu’elle fût un temps, la Couture est LE laboratoire artistique par excellence et un haut lieu de préservation de savoir-faire de prestige. D’une Doja Cat couverte de diamants Swarovski aux lions presque réels de Schiaparelli, difficile de savoir par quoi commencer pour raconter le Paris en ébullition de ces derniers jours. Recap à chaud.

1. Célébrer les combats des femmes

DIOR
Nul besoin de raconter encore l’importance des luttes émancipatrices des femmes dans la création de Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de Dior. Mais cette collection, en collaboration une fois encore avec l’artiste américaine Mickalene Thomas, en l’honneur de la chanteuse et résistante américaine Joséphine Baker raisonne d’une certaine mélancolie. Plus sobre, plus épurée que les précédentes peut-être, Chiuri signe une collection sensible réinventant le vestiaire des illustres chanteuses de jazz, modernisant les années folles avec des silhouettes rappelant sans détour l’époque des garçonnes. Certains diront que la collection était loin de la grandiloquence attendue d’un show couture, pourtant, les connaisseurs de chiffons auront pu admirer le travail impeccable des matières et des coupes. Velours de soie, broderies et dévorés, tous les ingrédients de la couture étaient bien présents, et peut-être auraient-ils justement été desservis par trop d’atours superflus.

IRIS VAN HERPEN
Pas de défilé physique pour la hollandaise Iris Van Herpen cette saison, mais un film produit avec l’artiste française Julie Gautier. Les deux femmes réfléchissent ensemble à la place et à l’utilisation du corps des femmes comme outil de revendication et de contrôle. Celle qui aura bientôt une exposition dédiée au Musée des Arts Décoratifs de Paris présente des pièces toujours à l’avant-garde et aux textiles toujours plus techniques. Cette collection, mise-en-scène comme une danse dans l’eau fait une allusion claire au combat des femmes iraniennes face à un régime qui fait de la libération de leur corps une affaire politique. Van Herpen nous rappelle avec subtilité du rôle réflectif que doit jouer la mode sur nos sociétés.

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2. Uncanny : quand la mode nous joue des tours

SCHIAPARELLI
Si nous ne devions citer qu’un défilé, ce serait celui-ci car il a en quelques jours seulement fait couler beaucoup d’encre. Ode à la nature ou fétichisation du totem animal ? Daniel Rosberry propose robes et manteaux à têtes d’animaux à l’hyperréalisme déroutant qu’il qualifie de trompes l’oeil contemporains. Portée d’abord par Kylie Jenner en route pour la place Vendôme, la fameuse robe lion laisse un arrière-goût, un malaise propre à ce qui nous rappelle un peu trop la réalité; uncanny, diraient nos confrères anglophones. Que l’on valide ou non ces créations que le designer considère comme l’expérience ultime d’un surréalisme tant apprécié d’Elsa, elles ne doivent pas pour autant nous faire oublier le génie créatif et les prouesses de technique, de beauté et de savoir-faire caractéristiques de Schiaparelli. Inspiré par Inferno de Dante, la collection présente avec cohérence bustiers, vestes matelassées aux épaules exorbitantes, gants de cuir, drapés de velours monumentaux, décolletés plongeants aux coupes absolument parfaites. Qui aime la Couture, apprécie ce genre de chef d’oeuvre.

VIKTOR & WOLF
Mode et humour, deux notions incompatibles ? En tous cas, Viktor Horsting et Rolf Snoeren ont démontré cette semaine, qu’ils en avaient, eux, de l’humour. Avec Doja Cat faisant une fois de plus sensation dans un look androgyne (pas de sourcils vous aviez dit?) et des robes qui semblaient au premier abord un peu trop premier degré, on sentait venir quelque chose. Et en effet, les robes de tulles se séparent rapidement des corps dans une sorte de fantasme dystopique, invitant l’assemblée à la réflexion. Qu’attendons-nous de la couture aujourd’hui? Entre réalité et imaginaire, le show repense les codes traditionnels de la couture du 20ème siècle et leur ouvre la voie vers le 21ème..

FENDI
La collection couture FENDI by Kim Jones est peut être moins instagrammable mais probablement l’une des plus belles de cette semaine de la mode. Le styliste américain nous emmène dans un univers d’opposés: un set design aux élans futuristes installé au coeur du Palais Brogniart et une bande sonore presque techno, assez inhabituelle pour la couture, mais des robes au romantisme presque antinomique. Dévoilant les corps à travers des robes lingerie brodées, Jones prête aussi une attention toute particulière aux bijoux, asymétriques et modernes. Un exercice de style réussi.

3. Retrouver l’essence de la Couture

JEAN PAUL GAULTIER BY HAIDER ACKERMANN
Comme chaque saison maintenant, Jean Paul Gaultier propose à l’un de ses amis couturiers de repenser les codes de sa maison. Après les collections remarquées de Glenn Martens et Olivier Rousteing, c’est à Haider Ackermann d’investir la légendaire maison de la rue Saint-Martin. Ackermann signe une collection qu’il dit avoir voulu recentrer sur l’essence du travail de Gaultier : de coupes précises et de pièces valorisant le corps de celle ou celui qui les porte. Costumes au tailoring impeccable, robe du soir élégantes et soutien-gorge coniques, Jean Paul Gaultier par Ackermann renoue avec les codes propres à la discipline de haute couture. Et cela se voyait aussi dans la mise en beauté des mannequins, les cheveux tirés, défilant lentement à la manière des premiers salons de couture du début 20ème, laissant ainsi aux vêtements tout le loisir de s’exprimer.

VALENTINO
Pierpaolo Piccioli n’a jamais été connu pour faire les choses à moitié. Après le départ de Maria Grazia Chiuri pour Dior, il reprend seul la maison romaine et lui insuffle son identité si appréciée du grand monde, avec des collections toujours plus monumentales. Celle-ci, bien sûr, ne faisait pas exception, avec presque 90 looks présentés. Rare, en Haute Couture. Passant au peigne fin tous les classiques du genre, il les revisite sous le prisme du club et de la fête. D’où le nom de la collection, Club Couture. Ce qui donne des robes typiquement couture aux volumes démesurés portées par des mannequins tatouées, dont une color block fuchsia que l’on verra très certainement sur les prochains red carpet. Côté accessoires, on note les collants-chaussures qui finissent d’assumer l’influence ouvertement années 80 du show de Piccioli – et des autres d’ailleurs.

ROBERT WUN
Robert Wun était designer invité de cette semaine de la couture. Gagnant de l’ANDAM, le londonien présentait sa première collection au calendrier. Lui qui soulignait l’importance de produire des pièces qu’il faudrait toucher avec des gants, tant elles seraient délicates, fait démonstration de sa maîtrise des codes de couture. Manteaux, robes bustiers, plumes et volants, traines et même une robe brulée à la main – et donc unique. A cela, il ajoute une touche de surréalisme : un sac en forme de chaussure, un couvre-chef en perle de verre, un autre en forme de parapluie, un autre enfin construit .. avec des couteaux.

4. Last but not least

MUGLER
D’accord, Mugler n’est pas au calendrier de la Haute Couture. Mais la collection prêt-à-porter présentée par Casey Cadwallader marquait le retour de Mugler sur les podiums, cela valait donc bien quelques lignes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’iconique maison fondée en 1974 par Thierry Mugler nous a rappelé ce que « show » voulait dire. Dans les années 80, la maison était connue pour ses présentations-performances de 45 minutes. Il semble que Cadwallader ait souhaité renouer avec cette tradition. Un show spectaculaire d’une trentaine de minutes filmé en live faisait défiler parmi les mannequins les plus en vogue de l’époque Mugler et de la notre – Shalom Harlow défilait aux côtés de Raya Martigny – ambiance très années 2000, designs à la limite du porno chic des années 90, vestes de cuir, dévorés, dentelles, transparence, les codes Mugler sont bien là, revisités, électrifiant. La salle est conquise. Avec Casey Cadwallader, Mugler signe un retour plus que prometteur.