Texte :  Florence Vaudron

Le Musée des Arts Décoratifs présente jusqu’au 23 janvier prochain une rétrospective sur la vie et le talent hors du commun d’Elsa Schiaparelli, couturière fantasque et avant-gardiste habitée par l’esthétique surréaliste, le goût du scandale et de la provocation artistique. Shocking, sublime, et à ne surtout pas rater.

Après la spectaculaire exposition consacrée à l’oeuvre de Thierry Mugler (RIP), c’est à un autre monstre sacré de la mode que le MAD Paris consacre une rétrospective sur plusieurs mois : madame Elsa Schiaparelli. Réunissant plus de 500 oeuvres dont des costumes, des accessoires, des peintures, sculptures, bijoux, flacons de parfum, affiches, etc. cette rétrospective met en lumière la richesse des sources d’inspiration de « Schiap », son avant-gardisme, son crew (qui comptait, entre autres, Salvador Dali et Jean Cocteau) et l’immense héritage que la couturière italienne a laissé aux créateurs d’aujourd’hui. Alors que le vernissage presse coïncidait avec le défilé Couture automne-hiver 2022-23 orchestré par Daniel Roseberry, directeur artistique de la maison depuis 2019, Mixte est allé, en avant-première, prendre la température de cette expo, consacrée à celle qui fut la grande rivale de Gabrielle Chanel.

 

« Schiap » et l’alignement des planètes

 

Elsa Schiaparelli, « Schiap » pour les intimes, nait à Rome, au Palais Corsini en 1890, entre un père professeur de littérature orientale, un oncle astronome et une mère descendant des Médicis. Un bon terreau pour façonner une personnalité créative et fantasque comme la sienne, autant fascinée par les astres que par les dorures. Elle grandit dans un milieu d’aristocrates et d’intellectuels et étudie la philosophie. Sa vie est plus que confortable mais Elsa, comme bien des artistes, est éprise de liberté et d’aventure. Après des virées à Londres, New York et Nice, Schiap s’installe à Paris en 1922, avec sa fille, Gogo. Le jour elle travaille chez un antiquaire, le soir, elle refait le monde au QG des artistes et intellos de l’époque, le restaurant Le Boeuf sur le Toit. C’est lors d’une visite chez Paul Poiret, le plus grand couturier de l’époque, que le destin se joue pour Elsa. Fasciné par l’allure et le charisme de l’italienne, Paul Poiret voit en elle une muse et décide de lui prêter plusieurs robes. Elle, est fascinée par les couleurs, les matières, les broderies et les formes des créations du créateur français. C’est une révélation, elle sera couturière, un point c’est tout. La rétrospective s’ouvre ainsi sur les fameuses robes prêtées à l’époque par Paul Poiret à Elsa, pour sceller le début de la grande histoire.

Une femme surréaliste

 

La suite du parcours raconte la genèse des créations d’Elsa au grès de ses coups de foudre amicaux et artistiques pour certains des plus grands artistes du Paris de l’avant-guerre. Ainsi le poète et peintre Jean Cocteau dessinera un vase rempli de roses brodé sur un manteau noir confectionné par Elsa, Salvador Dali lui soufflera l’idée d’une robe imprimée d’un homard, qui créera le scandale pour sa connotation sexuelle, ou encore l’idée d’un chapeau-chaussure, d’un cadran de téléphone-poudrier, d’une veste du soir entièrement recouverte de petits verres à shot (pratique pour aller en soirée). A chaque pièce se dessine un peu mieux le génie créatif et subversif de Schiap, qui, profondément inspirée par le mouvement artistique du surréalisme, se plaisait à transformer des silhouettes classiques en créatures fantasques à coups d’imprimés, de broderies ou encore d’ornements surréalistes. L’obsession du surréalisme pour le corporel et la représentation du corps se retrouve dans la collection de bijoux – gros coup de coeur – avec des paires d’immenses oreilles dorées en guise de boucles d’oreilles ou encore de broches faites de paires d’yeux scintillants.

Daniel Roseberry : la relève

 

Le parcours s’achève sur l’héritage Schiaparelli interprété par celui qui a les rênes de la direction artistique de la maison depuis 2019 et qui a su lui redonner un second souffle, le texan Daniel Roseberry. Car depuis son rachat en 2012 par l’homme d’affaires Diego Della Valle, la maison italienne était quelque peu… endormie. C’est en puisant dans l’ADN artistique et les influences de la maison, que Daniel Roseberry ait parvenu à la réveiller pour repartir de plus belle. Bijoux à motifs corporels, sacs ornés d’un six pack, robes aux seins coniques, rose shocking… à chaque saison le styliste américain se rapproche un peu plus des influences surréalistes d’Elsa Schiap. « A mes débuts dans la maison personne ne parlait de surréalisme et de mode. Aujourd’hui, c’est comme si à chaque interview, les journalistes voulaient faire un article sur les bijoux surréalistes, le surréalisme sur le tapis rouge, le surréalisme dans les accessoires et pourquoi le surréalisme et si compétitif maintenant, etc. » confirme Daniel Roseberry. Ce retour aux origines a valu à la griffe française d’habiller Beyoncé, Bella Hadid ou encore Lady Gaga lors de l’investiture de Joe Biden et de devenir l’un des shows les plus attendus lors de la semaine de la Couture à Paris. D’ailleurs, le soir même de l’inauguration de l’expo, le lundi 4 juillet, le MAD accueillait le défilé de la nouvelle collection Couture FW22-23 pour Schiaparelli signée Daniel Roseberry. Celui-ci n’a pas failli à sa réputation en présentant une collection glamour, sexy et surréaliste réunissant tous les codes et les influences de la maison.

« Shocking ! Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli » au Musée des Arts Décoratifs de Paris, du 6 Juillet 2022 au 23 Janvier 2023.