Pamela Tulizo est une battante, elle-même. Née en 1993 dans la province du Nord Kivu, en République Démocratique du Congo, elle grandit à Goma, ville médiatisée en Occident comme la « capitale du viol. » Parce qu’elle souffrait de l’image de son pays véhiculée par les médias et qu’elle jugeait les sources d’information peu satisfaisantes, Pamela s’est d’abord formée en journalisme. « Je voulais essayer de changer les choses, raconter le monde tel que je le voyais. Mais très vite, j’ai réalisé que je n’avais pas vraiment de liberté d’expression. Je travaillais pour une chaîne locale, il fallait suivre la ligne éditoriale, et les sujets que je proposais n’étaient pas souvent acceptés. Alors je me suis dit que la photographie me donnerait la liberté de travailler à mon compte, de dire ce que j’ai envie de dire. ». Malgré les réticences de son père, Pamela obtient une bourse pour aller étudier la photographie au Market Photo Workshop de Johannesburg en Afrique du Sud et est ensuite prise en apprentissage par un photographe congolais talentueux, Martin Lukongo, qui lui apprend toutes les bases et la technique. « Les débuts ont été vraiment difficiles. Je suis une toute petite femme, et il a fallu que je fasse mes preuves, que je me fasse accepter par la communauté des photographes, qui est une communauté d’hommes. » Mais Pamela s’accroche à ses ambitions et répond à l’appel d’offre du Prix Dior de la photographie 2020 duquel elle sort gagnante pour cette même série exposée à la MEP tout en autoportraits, collages et incrustations, qui montre la double identité de la femme congolaise de Goma. Cette double identité, Pamela l’exprime visuellement dans son travail notamment via les vêtements que portent ses sujets. « J’adore la mode, les couleurs. Mais ici il ne s’agit pas simplement de mode, il s’agit d’identité. Il fallait faire exister chaque personnage, chaque histoire, à travers les accessoires. C’était l’élément le plus important de la série. Il fallait un oeil très aiguisé pour choisir les couleurs, les tenues. C’était très réfléchi. Il fallait représenter cette femme à la manière congolaise, à la manière du Kivu, mais qu’elle soit aussi contemporaine, moderne. Les femmes s’habillent bien chez moi, elles sont stylées. La mode évolue et prend de l’ampleur à Goma. Il y a des stylistes, des mannequins, des maisons de mode. », explique Pamela. La MEP présente également sa dernière série « Enfer Paradisiaque » (2021), inspirée par la pandémie avec notamment des images de modèles portant des robes, conçues à partir de produits essentiels comme des ampoules, de la nourriture ou du charbon.
Pamela Tulizo, 21.01.2022 au 13.03.2022, Maison Européenne de la photographie.