Du 19 au 21 avril, la peintre Johanna Tordjman présente “Americana”, sa nouvelle série de portraits célébrant la diversité culturelle des États-Unis. Une façon pour l’artiste de rendre hommage aux minorités trop souvent marginalisées qui s’engagent et œuvrent pour la communauté.

Si Johanna Tordjman est bien française et née en banlieue parisienne en 1990, elle a toujours eu un pied aux États-Unis puisqu’une partie de sa famille, du côté de son oncle, vit à Los Angeles. Cette double-culture, qui lui a souvent permis de voyager outre-atlantique, est en réalité à l’origine de “Americana”. Une nouvelle exposition sponsorisé par adidas qui dévoile, du 19 au 21 avril à la Galerie Au Roi dans le 11e arrondissement de Paris, une série de 16 portraits célèbrant les minorités engagées et solidaires au pays de l’Oncle Sam (qu’elles soient afro-américaine, native-américaine ou latino-américaine), offrant ainsi une facette distincte des États-Unis et cassant par la même occasion les représentations habituelles véhiculées par les médias grand public.

Pour comprendre les 16 portraits qui composent la série “Americana”, il faut remonter en 2016 lorsque Johanna, repérée par la galerie 38 de Los Angeles, organise sa première exposition solo avant de participer deux semaines plus tard au prestigieux Art Basel Miami (big up). C’est là qu’elle décide de faire le voyage en voiture pour faire son premier vrai road trip et parcourir le pays par le sud. “J’ai rencontré des gens assez magiques qui ont défini mon voyage comme Raul que l’on peut retrouver dans l’exposition, nous raconte Johanna. C’est lui qui m’a notamment rapporté mon passeport que j’avais perdu à El Paso au Texas. Il est apparu comme un héros le soir de Thanksgiving sur un parking de 7eleven”. C’est là qu’elle décide de prendre Raul en photo sans trop alors savoir qu’il finira dans son exposition. Un acte qu’elle réitère au fur et à mesure de ses rencontres et de ses voyages, documentant et nourrissant ainsi sa future galerie de portraits jusqu’en 2022 où elle décide enfin de concrétiser ce projet avec une démarche plus écrite en retournant à Los Angeles, en Arizona et à New York.

Résultat, l’exposition “Americana” met en avant 16 portraits d’individus engagés localement et résolus à préserver et partager leur culture dans le contexte contemporain, à l’image des Compton Cowboys, ces cow-boys afro-américains qui dirigent un ranch où sont accueilli·e·s des enfants défavorisé·e·s pour les éloigner des rues et leur inculquer les valeurs équestres et agricoles. Idem avec les Navajos en Arizona qui partagent et transmettent fièrement à la jeune génération les aspects de leur culture à travers la danse et la création de vêtements. “Toutes les histoires que je conte sont différentes, mais elles sont toutes unies par la même chose : le sens de la communauté et la volonté d’exister à travers les mêmes valeurs du cœur”, nous indique Johanna. Avant d’ajouter : “Cela fonctionne aux États-Unis mais on pourrait également transposer le sujet chez nous. Le message principal que je souhaite transmettre avec cette exposition c’est qu’au-delà de voir, il faut regarder, il faut écouter, et à notre tour œuvrer pour nos propres communautés”.

En regardant les portraits de Johanna, on ne peut évidemment pas s’empêcher de faire un lien avec cette mouvance actuelle observée chez plusieurs artistes afro-américain·e·s qui, ont elles·eux aussi commencé à revendiquer et à se réapproprier les cultures western et southern américaines, que ce soit Pharrell Williams chez Louis Vuitton, ou plus récemment Beyoncé avec son album “Cowboy Carter” (elle qui avait déjà au passage mis en lumière les cow boys créoles de Louisiane dans son film Lemonade). Une simple coïncidence esthétique et culturelle ? Pas forcément pour Johanna qui y voit le besoin pour les personnes minorisées de retourner à leurs racines : “L’image du cowboy évoque une certaine puissance et une envie de liberté et le voir réapproprié de cette façon par les minorités est un symbole encore plus fort qui résonne davantage aujourd’hui”.

Invitée en janvier dernier au défilé Louis Vuitton automne-hiver 2024/25, elle a pu d’ailleurs voir de ses propres yeux cette volonté se concrétiser : “Lorsque j’ai assisté au défilé de Pharrell Williams, j’étais heureuse de voir ce qu’il a créé ; car plus qu’une question d’hommage, c’est avant tout une question d’héritage. Car comme on peut le voir dans les projets respectifs de chacun·e, c’est bien la culture qui est au cœur des différents arts — que ce soit la mode, la musique ou l’art plastique — et qui permet à chacun·e de faire référence à l’environnement dans lequel il·elle a évolué”. Soit la meilleure façon de contrer une certaine forme d’effacement culturel tout en remettant la lumière sur celles et ceux qu’on a tenté d’invisibiliser. De quoi continuer à faire taire les rageux.

“Americana” de Johanna Tordjman, du 19 au 21 avril 2024, à la Galerie Au Roi, 73-75, rue de la fontaine au roi, 75011 Paris.