ESSAYAGES POUR LA COLLECTION HOMMES BABEL,
PRINTEMPS-ETE 2019, PALAIS BOURBON, PARIS,
19 JUIN 2018 SS19 BABEL MEN’S FITTING,
PALAIS BOURBON, PARIS, 19 JUNE 2018 © OWENSCORP

Pour la première fois, le créateur californien bénéficie d’une rétrospective au Palais Galliera. Quatre salles, plus de cent silhouettes, des documents d’archives inédits, et des créations spécialement conçues pour l’occasion : du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026, l’exposition Temple of Love investit l’intégralité du musée parisien. Plus qu’un accrochage, un manifeste.

Dès l’avenue du Président-Wilson, le ton est donné : trois figures monacales monumentales, surnommées Sisters of Mercyet drapées de tissus brodés de paillettes, veillent à l’entrée. Inspirées de la statuaire néo-classique parisienne – notamment la Sainte-Geneviève de Landowski – ces sculptures, peu communes dans un musée de mode institutionnel, ne sont pas l’œuvre d’un.e plasticien.ne contemporaine, mais du créateur lui-même. Rick Owens, trop souvent réduit à l’adjectif « gothique », y affirme sa posture d’artiste total.

Palais Galliera X Rick Owens (c) Léa Gaspin
COLLECTION FEMMES PORTERVILLE AH24, PALAIS BOURBON, PARIS, 29 FEVRIER 2024 © OWENSCORP.

Intitulée Temple of Love, la rétrospective imaginée par Alexandre Samson – responsable des collections haute couture post-1947 au musée, déjà commissaire de Dos à la mode ou de l’exposition Margiela – est le fruit de trois ans de travail et d’un long dialogue avec Owens. L’ambition est claire : sortir le créateur des caricatures, rendre lisibles ses références, mais aussi montrer la cohérence d’un parcours qui va de ses débuts à Los Angeles aux collections explicitement politiques du tournant 2015 et des collections aujourd’hui laissant deviner plus de référence intimes.

4_FAYE, LAS PALMAS AVE, HOLLYWOOD, COLLECTION SLAB AH01 © GINO SULLIVAN
JIMMY, PREMIER CROQUIS, COLLECTION HOMMES BABEL PE19 © OWENSCORP

Le parcours, en quatre sections, se prolonge dans les jardins où sont installées trente sculptures en ciment aux allures brutalistes : une liturgie de l’ombre à ciel ouvert. La première salle revient sur ses origines californiennes, quand Owens vivait à la marge, recyclant des stocks militaires pour créer des silhouettes allongeant les corps. Le cinéma hollywoodien des années 1930, le catholicisme comme théâtre intérieur, l’art déco, et le pli de Vionet sont autant de références qui structurent déjà sa vision du vêtement.

COLLECTION HOMMES LUXOR AH23, 19 JANVIER 2023 © OWENSCORP
COLLECTION HOMMES PORTERVILLE AH24, PALAIS BOURBON, PARIS 18 JANVIER 2024 © OWENSCORP

On redécouvre ses premières parutions dans Vogue Paris en 2001, Kate Moss porte une de ces vestes, photographiées par Corinne Day. Puis, le parcours s’attarde sur sa période parisienne : silhouettes sculpturales, explorations de la corporalité, moments de rupture comme le défilé homme de 2015 exposant frontalement les sexes. Le corps, ici, n’est jamais neutre et sert à ouvrir des questions sur les normes de genres et de beautés.

TERRY-ANN, PARIS, 2002 © RICK OWENS
RICK OWENS PORTRAIT, DANIELLE LEVITT 2024

Les salles latérales s’autorisent une forme de frontalité radicale. L’une, interdite aux moins de 18 ans, présente une fontaine surmontée d’une statue de Rick Owens urinant – reconstitution exacte de l’objet exposé dans sa première boutique parisienne. L’autre recompose la chambre californienne du couple Owens–Lamy dans ses moindres détails : lumières tamisées, effluves de Shalimar, et bibliothèque en pagaille.

MUR DU BUREAU DE RICK OWENS, PALAIS BOURBON, 2024 © OWENSCORP
AUTOPORTRAIT, LAS PALMAS AVE, 2002 © RICK OWENS

Plus qu’un théâtre de l’extrême, Temple of Love est aussi un exercice de pédagogie. L’exposition de Samson rappelle que derrière les paillettes noires, les références fétichistes ou mystiques, Owens est d’abord un technicien du vêtement. Un patronnier rigoureux, un couturier à la ligne exigeante, dont les structures et les volumes dessinent un corps recomposé. L’exposition parvient à articuler les tensions : entre artisanat et manifeste, underground et institution, obscurité et clarté formelle. Une exposition rigoureuse, dense, parfois dérangeante – mais nécessaire. Parce qu’elle rappelle qu’en 2025, la mode peut encore penser et sert à ouvrir des discussion nécessaire.

COLLECTION FEMMES DIRT PE18, PALAIS DE TOKYO, PARIS, 28 SEPTEMBRE 2017 © OWENSCORP
MOLLY, COLLECTION FEMMES SPHINX AH15, PALAIS DE TOKYO, PARIS, 5 MARS 2015 © OWENSCORP

Rick Owens – Temple of love, Palais Galliera – Musée de la mode de la Ville de Paris, du 28 juin 2025 au 4 janvier 2026.