Marc Jacob SS20

Après quelques saisons aux allures de fin du monde (tendances survivalistes, warcore, décors post-acopalyptiques), New York se tape une bonne cure d’optimisme et retrouve enfin le sourire.

Depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, une bonne partie de l’Amérique tire la tronche ; l’industrie de la mode en tête qui s’est empressée ces dernières saisons d’illustrer son mal-être et son inquiétude à travers des shows et des collections de plus en plus politisés. La fin du premier (et dernier ?) mandat de Trump approchant, New York retrouve un peu d’insouciance et d’enthousiasme, et se permet enfin de rêver de nouveau à un futur radieux.

JUSTE CE QU’IL FAUT DE TOO MUCH

Dire que Jeremy Scott en fait des caisses est un euphémisme. Mais en ces temps incertains et maussades, l’extravagance jovial du créateur américain a du bon. Pendant son défilé, les mannequins ont foulé le catwalk en souriant et en faisant des clins d’oeil au invités du premier rang. Un seul mot d’ordre : OSEF. La morosité ambiante est allé se faire voir grâce à des silhouettes aux couleurs criardes, agencées d’accessoires lamés, d’imprimés psyché et de perruques peroxydées rappelant l’esthétique camp également abordée chez Christopher John Rogers. Pour son tout premier défilé officiel à la fashion week de New York, le jeune créateur originaire de Brooklyn a même reçu une standing ovation de la part des invités. Presque impensable à l’heure où les invités préfèrent filmer le final sur Instagram plutôt que d’applaudir à deux main. Clap clap.

Tomo Koizumi ss20

Cette déferlante de couleurs et de bonne humeur s’est particulièrement illustrée lors du défilé Marc Jacobs dont la dernière collection composée de looks ultra-bariolés et ultra-accessoirisés était clairement une ode à la vie, à la joie et à l’optimisme. Idem chez le jeune créateur japonais Tomo Koizumi dont le défilé a présenté une série de robes en organza japonais spectaculaires, complexes et volumineuses aux couleurs de l’arc-en-ciel. Chez Area, des robes bijoux architecturales en forme de cage en métal ont habillé les mannequins. Même chez Lonchamp, d’ordinaire plus classique, la créatrice Sophie Delafontaine a osé une palette de couleurs reflétant tous les nuances du “lever au coucher du soleil” ainsi que des accessoires fantaisistes comme le fameux sac pliage dans une version mini. Idéal pour emporter sa dignité partout en soirée.

Look 20, Jeremy Scott ss20
Look 3, Area ss20
Look 26, Longchamp ss20

L’ART DE L’ENTERTAINMENT

Cette saison, New York avait des airs de Broadway comme si la capitale américaine de la mode voulait nous rappeler qu’elle était reine et prescriptrice en terme d’entertainment. Chez Tommy Hilfiger, les modèles ont dansé et déambulé sur la scène de l’Apollo Theater, salle de spectacle mythique de Harlem, afin d’y présenter une deuxième (et dernière) collection, en collaboration avec l’actrice Zendaya, faite de pantalons pattes d’eph, blazers cintrés, écharpes à volants… Bref, tout ce à quoi ressemblait le New York uptown des décennies passées.

Pyer Moss ss20

Chez Tom Ford, on a vu des mannequins bourgeois-punk prendre possession du métro new-yorkais (on pouvait pas faire plus underground, like literally) alors que Ralph Lauren a privilégié les looks glamours des red carpets d’avant-premières hollywoodiennes entre smokings et robes du soir. Attendu mais efficace. Cela dit, la palme du show à l’américaine revient sans conteste au jeune créateur Kerby Jean-Raymond. Le fondateur de la marque Pyer Moss a proposé le show le plus puissant de la semaine en célébrant la culture rock afro-américaine des années 70, accompagnant le défilé d’une chorale gospel live mettant en transe tout le public.

Look 7, Tommy Hilfiger ss20
Look 4, Tom Ford ss20
Look 1, Ralph Lauren ss20

L’AFFIRMATION DE SOI

Qui mieux que New York pour booster son ego et célébrer toute sorte de corps et de personnalités ? Tout juste nommée à la tête de sa propre marque chez LVMH, Rihanna a enflammé New York avec un défilé dédié à sa marque de lingerie Savage X Fenty. Un show gigantesque qui sera bientôt diffusé en intégralité sur Amazon Prime. Les téléphones y étant interdit, les témoins pourront vous dire que Rihanna “herself” a ouvert le défilé accompagnée de Cara Delevingne, Joan Smalls, Normani, Laverne Cox et plusieurs modèles aux corps et formes variés, le tout entrecoupé des performances de Tierra Whack, Fabolous, Migos ou encore Big Sean. Les culottes et les soutifs reprennent un sacré coup de hype. Rihanna = 1, Victoria’s Secret = 0.

Rihanna lors du show Savage x Fenty ss20

Cette diversité des corps, des âges, des sexualités et des origines si propre à la marque de Rihanna s’est aussi retrouvée chez Chromat où des mannequins plus-size ont foulé le catwalk, tout comme chez Kate Spade où on a vu défiler Lyn Slater, influenceuse version carte vermeil, professeure de l’université de Fordham connue pour son blog Accidental Icon.  Sans oublier un soupçon de militantisme écologique et LGBT représenté par un couple de femmes portant des plantes. Tellement 2020.

Enfin, c’est chez Prabal Gurung que le tournant politique enthousiaste a été le plus fort et le plus marquant. Afin de célébrer les 10 ans de sa marque, le designer immigré d’origine népalaise a affublé ses mannequins d’écharpes en soie dignes d’un concours de beauté estampillées d’un : “Who gets to be american ?” (qui peut devenir américain ?). La réponse : tout le monde à en croire la cabine de mannequins. Une façon de redéfinir ce que sont les États-unis actuels, célébrer sa diversité et faire renaître son rêve américain, qu’on pensait, depuis l’arrivée de Trump, aussi inaccessible qu’un drop Supreme.

Looks 29, Kate Spade NY ss20
Look 16, Chromat ss20
Final Prabal Gurung ss20