“BOYHOOD” by ERICKE TJIUEZAA

Encore plus niche que la Fashion Week, ASVOFF (“A Shaded View On Fashion Film”) récompense les meilleures créations audiovisuelles parlant de mode, de culture et d’innovation. Focus sur cette édition présidée cette année par Michèle Lamy et qui mêlera projections, talks & rencontres.

Fondé en 2008 par Diane Pernet, grande figure tutélaire de la fashion sphère, le festival ASVOFF reste une occasion unique de découvrir la fine fleur de la création artistique du monde entier. Avec une 16e édition organisée du 7 au 10 novembre, ce sera l’occasion de repérer les 130 films allant des États-Unis à l’Afrique de l’Ouest, en passant par l’Asie et l’Europe. Soit 4 jours de célébration et de rencontres au sein du flambant neuf Dover Street Market, dans le Marais à Paris.

DIANE PERNET by Javier Beto Vargas
Michèle Lamy by Danielle Levitt
Une présidente hors-normes pour un festival unique

 

S’entourer de l’icône de mode iconoclaste Michèle Lamy, Diane Pernet l’a déjà fait il y a 10 ans, quand ASVOFF occupait l’écrin mécaniste du Centre Georges Pompidou. Une décennie plus tard, les deux dames en noir, l’une romantique, l’autre volontiers apocalyptique, font de nouveau la paire dans un but commun : marrainer le vivier de jeune talents qui toquent à la porte de l’univers impitoyable de la fashion. Présidente un jour, présidente toujours, Michèle Lamy aime se définir comme une Shéhérazade des temps modernes. Pêlemêle designeuse, performeuse, chanteuse et boxeuse, la Française aux multiples visages est connue pour avoir brisé les codes de la beauté traditionnelle. Un gage de confiance pour l’esthète Diane Pernet qui confie considérer Lamy comme la femme de 80 ans la plus sexy au monde. Qu’à cela ne tienne, elle continue de faire chavirer le cœur de son cher époux et acolyte, le designer Rick Owens.

“THE CASTLE” by Pandemonia

Au sein d’Owens Corp, c’est Michèle qui est à l’origine du mobilier futuriste au design brutaliste et des collections de bijoux. Une passion pour celle qui a transformé sa bouche en mine de pierres précieuses. Littéralement. Il se dit même qu’elle aurait inspiré le Rappeur A$ap Rocky à pimper son sourire. Qui de la poule ou de l’œuf ? Qu’importe, Lalamichmich, comme elle est connue sur les réseaux sociaux, ne mâche pas ses mots et ensorcèle les icônes pop de ce monde tels Rihanna, Kim Kardashian et Kanye West lui permettant de rester au diapason de la créativité actuelle. Pour ASVOFF 16, Madame la Présidente sera entourée d’un autre duo anticonformiste Fecal Matter, du créateur de contenu Élias Médini alias Lyas, du réalisateur Matt Lambert, de l’acteur Harry Goaz, de l’artiste et ex-président du jury ASVOFF 15 Jay-Jay Johanson, de la chanteuse Loane, ou encore de la photographe Sylvie Lancrenon.

“STILLNESS” by Nora Hase
En compétition, Black Spectrum et The Queer Archive attirent l’attention

 

Malgré son look d’apparence monacale presque sorti du fond des âges, Diane Pernet n’en reste pas moins hyperconnectée à la culture contemporaine et aux enjeux socio-politiques qui la travaillent avec une envie non dissimulée de mettre un coup de projo sur la diversité des talents du monde entier. C’est ainsi qu’est né Black Spectrum : une sélection thématique qui célèbre et explore les perspectives uniques et diversifiées de la communauté noire dans le domaine de la mode et du film. Curatée par la brillante Melissa Alibo, cette initiative est le fruit d’un travail de réflexion autour d’un espace dédié aux talents noirs qui de l’aveu de la curatrice reste une vision souvent absente ou sous-représentée dans l’industrie du cinéma : “Par ce biais, ASVOFF s’engage à enrichir sa programmation avec des œuvres qui renforcent le dialogue entre les cultures, promeuvent une diversité artistique, tout en offrant au public une meilleure compréhension des contributions, richesses et complexités de la ‘Black Culture’”.

Loin des clichés et des stéréotypes, Black Spectrum valorise les artistes noire·s qui subliment leur propre représentation et enrichissent la sphère artistique d’une vision intérieure, ancrée dans l’expérience vécue. “Je pense aussi que la représentation par des artistes noir·e·s inspire les jeunes générations, qui peuvent enfin se projeter dans des modèles créatifs qui leur ressemblent”, renchérit Alibo pour qui les réseaux sociaux représentent un inépuisable vivier pour sa curation. “L’objectif est de dénicher des perspectives uniques et de donner une plateforme aux voix émergentes. Les œuvres sélectionnées bénéficient d’une exposition médiatique, ce qui attire l’attention des producteurs, diffuseurs, et acteurs de l’industrie audiovisuelle”. Cerise sur le gâteau : la présence des réalisateur·rice·s internationaux·ales Herrana Addisu, Andy Madjitey et Andre Muir offre une occasion unique de découvrir leurs œuvres et d’échanger directement avec eux·elles afin de célébrer la diversité, l’inclusivité et la créativité dans toute sa splendeur.

“DO MY THING” by Ella Ezeike

Conjointement, The Queer Archive présente des films qui célèbrent et explorent l’intersection des identités queer et de la mode dans le but de remettre en question les normes de genre et d’accroitre la visibilité et l’acceptation de la communauté LGBTQ+. Curatée cette année encore par Konstantinos Menelaou, les projections incluent “Alok” d’Alex Hedison, un court métrage sur l’activiste queer Alok Vaid-Menon auquel Mixte a consacré une interview dans le numéro Empowerment Fall-Winter 22/23, “Shame” du réalisateur libanais Hadi Mousally, une œuvre explorant l’impact de la politique de respectabilité dans la culture arabe et revendiquant une nouvelle liberté d’expression, ou encore “Michele” de Ricardo Gomes, un film célébrant, comme son titre n’en fait point mystère, l’insaisissable Michèle Lamy. D’autres thématiques sont également abordées cette saison telles que la santé mentale dans la mode — vaste sujet, le film de mode chinois ou les réalisations par IA.

“HAPPY CLOTHES, A FILM ABOUT PATRICIA FIELD” by Michael Selditch
Hors compétition, on sort le popcorn

 

Autre temps fort du festival ASVOFF 16 — qui a récemment obtenu le soutien du ministère de la culture français : l’avant-première parisienne de “Happy Clothes, A Film About Patricia Field”. Ce documentaire déjà historique revient sur la très longue carrière de l’immense styliste et créatrice de costumes Patricia Field (“Le diable s’habille en Prada”, “Emily in Paris”, “Ugly Betty”) ; mais réussit, surtout, l’exploit de réunir à nouveau à l’écran Kim Cattrall et Sarah Jessica Parker. Les fans inconditionnels de “Sex & The City” et “And Just Like That” sauront capter l’immensité du bail. Avec plus de 60 ans de carrière, la designer à la chevelure de feu en a vu passé du beau monde dans sa boutique-galerie du sud de Manhattan à New York, de Jean-Michel Basquiat à Stevie Nicks, en passant par Madonna et un très jeune Rupaul.

“Quant, the story of an icon”by Sadie Frost

Les festivités qui débutent ce 7 novembre seront également marquées par la projection en avant-première de “Quant”, un film de Sadie Frost qui pose un regard perspicace sur Mary Quant, l’une des figures culturelles les plus renommées du Royaume-Uni. Quant fut à l’avant-garde de la révolution stylistique des Swinging Sixties en défendant des modèles révolutionnaires tels que la minijupe. Ce même jour de 15 heures à 18 heures, “Fashioned Out”, un projet commandé par les Galeries Lafayette en 2002, sortira des placards. L’occasion de voir ce qu’était la mode, il y a 22 ans, à Paris, Milan, New York et Londres. Une époque avant l’iPhone et les influenceurs. Tout un programme à découvrir sans plus attendre.

ASVOFF 16, du 7 au 10 novembre 2024, Dover Street Little Market, 35-37 Rue des Francs Bourgeois, Paris 4e.
Pass 1 jour tarif réduit : 10€ – 12€ / Pass 1 jour à partir de : 15€ – 17€. Réservation sur filmfreeway.com. Plus d’infos sur ashadedviewonfashion.com.