M. Il y a une autre forme d’art qui t’inspire : le cinéma. Dans Crèvecœur, plusieurs morceaux y font référence. Dans “Subutex”, tu dis : “Toute seule dans mon lit, j’écris un tas de films. J’imagine ma mort, merci pour la Caméra d’or.” Dans “Rien qu’ça”, tu chantes : “J’aime le cinéma, les poèmes, les beaux visages.” Est-ce un art qui t’a donné le goût du récit et de la mise en scène ?
A. C. Le cinéma, c’est clairement ce qui a le plus nourri mes fantasmes. Si ma musique m’aide à me rapprocher de qui je suis vraiment, le cinéma, lui, me permet de sortir de moi, de rêver à être quelqu’un d’autre. Je suis très attachée à cet art. Je me sens d’ailleurs un peu comme une réalisatrice en studio : j’adore créer une ambiance, choisir des sons qui évoquent un univers… Et puis, quand un morceau me plaît, j’ai tout de suite un visuel en tête – un lieu, une lumière, une scène. Je ne pense cependant pas qu’il y ait ce goût de la mise en scène dans ma façon d’écrire : mes deux albums se sont faits assez instinctivement. Mais pour le prochain, j’ai envie de réfléchir davantage à la narration, au scénario… qu’il y ait une vraie histoire.
M. Peux-tu nous en dire davantage sur ce futur projet ?
A. C. Je préfère rester mystérieuse, je peux vous dire juste une chose : ce ne sera pas une suite de Crèvecœur. Ce sera totalement nouveau, avec l’envie de prendre mon temps, de réfléchir en profondeur à l’univers visuel aussi… Jusqu’ici, je n’ai jamais ressenti d’alignement parfait entre la musique et l’image, et c’est ce que je vise maintenant. D’autant que je comprends de plus en plus l’importance des vêtements – ce qu’ils racontent de toi sur scène, comment ils influencent ta posture, ton énergie… Je suis toujours en train d’apprendre, mais je suis bien entourée, et ça me booste. J’ai envie que ce troisième projet marque une vraie évolution. Je suis à fond en studio, et c’est très excitant.
M. Qu’est-ce que tu aimerais que l’histoire retienne de toi ?
A. C. À vrai dire, je n’y pense pas vraiment beaucoup, car je crois que cette question peut nourrir une forme de narcissisme et que, d’autre part, le jour où l’on devra passer devant Dieu, il y a peu de chances qu’il nous dise : “Ah ouais, toi, t’avais fait plus de buzz que tel·le autre artiste avec telle chanson” (rires) ! Cela dit, maintenant qu’on en parle, je me rends compte que c’est une interrogation qui touche à quelque chose d’assez profond, chez moi mais aussi chez tou·te·s les artistes : pourquoi on fait de la musique. On a forcément envie de laisser une trace, qu’on retienne quelque chose de nous… Mais je ne saurais pas décrire exactement ce que j’aimerais que l’histoire retienne de moi. Ce que je sais, en revanche, c’est que je suis fière de laisser quelque chose à la culture française.