Au cinéma, j’aime voir les mains, les nuques, les dos, les danses… Pour le film, je voulais de la douceur. Je trouve aussi que les corps, imparfaits pour la société, sont magnifiques. Je regarde souvent les fesses des hommes et des femmes dans la rue. Pas parce que j’ai envie d’eux, mais parce que je les trouve beaux.
M. Vous avez tourné le film sans aucun financement. Pourquoi cette urgence ?
H. H. Au départ, je pensais réaliser Bonne Mère, mais comme je n’avais pas obtenu suffisamment de financement, j’ai produit celui-ci dont j’avais écrit le scénario deux ans plus tôt. Je l’ai vécu comme un challenge artistique. J’ai décidé de me lancer le 14 juillet 2018 et le 18 on tournait. Nous avons travaillé cinq jours par mois, entre juillet et septembre. Je pouvais donc m’organiser au fur et à mesure. Alors que je m’étais promis de ne plus jouer dans un de mes films après mon court métrage Rodba, en 2010, je me suis résignée. C’était plus pratique d’incarner l’héroïne question planning. Comme j’ai participé à pas mal de films fauchés, je connaissais les petites astuces pour faire des économies. Par exemple, nous avons quasiment tout filmé à Belleville, je m’étais arrangée avec les commerçants. Et malgré sa réticence, le patron du café La Veilleuse a accepté de jouer son propre rôle et m’a accordé une heure et demie pour tourner dans son établissement. Pareil pour le restaurant de couscous. Au total, nous étions seulement quatre dans l’équipe : le chef opérateur, le cadreur, l’ingénieur du son et moi. Ni maquillage, ni coiffure, ni scripte, ni déco… Et toute l’équipe technique a joué dans le film. Grâce à l’achat du film par Arte, j’ai pu rentrer dans mes frais et payer tout le monde.
M. En tant qu’actrice, vous tournez en général trois films par an. Comment avez-vous trouvé le temps d’écrire votre premier long ?
H. H. En fin de compte, j’ai beaucoup de temps pour moi. Trois tournages, c’est trois mois et demi de travail répartis sur l’année. C’est le maximum, surtout quand il s’agit de films d’auteur. Le reste du temps, je me lève vers 6 ou 7 heures et je me fixe des objectifs : écriture entre 8 et 14 heures, sinon je n’avance pas. Parfois, le week-end, je fais mes courses et prépare mes repas pour toute la semaine de façon à pouvoir me concentrer. J’ai toujours été rigoureuse, même à l’école. Petite, je rêvais de devenir actrice, mais je pensais que ça ne collait pas avec la réalité de la vie. Je tiens ça de ma mère, qui était femme de ménage. Elle ne savait ni lire ni écrire et travaillait dur pour élever seule ses quatre enfants. Bonne Mère, qui sera en partie produit par Abdellatif Kechiche, parlera d’une femme courage comme elle, à Marseille.