M. Hermès incarne la stabilité dans un contexte de plus en plus nerveux. Comment expliquez-vous ce succès et cette image rassurante ?
M. K. Pour moi, Hermès et ses collections sont hors norme, et même hors mode. Le mot tendance ne fait pas partie du vocabulaire de la maison. On est dans la continuité et dans cette recherche constante de l’excellence. On n’a pas à se soucier de ce que font les autres, ce qui m’inspire vraiment en tant qu’artiste.
V. N. Il faut suivre sa voie. J’ai une idée très précise : je suis mon instinct et ce que j’ai envie de faire depuis le début. Bien sûr, je regarde ce que font les autres, car je suis curieuse. Je me considère comme une écrivaine qui, de chapitre en chapitre et de saison en saison, écrit le même livre tout en continuant de l’enrichir. Les valeurs clés d’Hermès, qui sont l’artisanat, le savoir-faire et le travail de la main, parlent à un nouveau public aujourd’hui. On ne va pas mettre un gros logo pour faire de l’argent. Nous cherchons le bel ouvrage fait avec passion et sérénité. On vous donne les moyens de créer, et il y a une liberté totale ici – ce qui explique sans doute pourquoi je suis chez Hermès depuis si longtemps.
M. Justement, vous êtes presque une anomalie aujourd’hui.
V. N. Une exception, c’est plus joli (rires). Il existe une expression en équitation qui est devenue ma devise : “En avant, calme, et droit.”
M. Est-ce important de raconter des histoires dans votre profession ?
M. K. Pour moi, les corps racontent tout autant d’histoires que les voix. Il n’y a pas de texte dans la danse, mais c’est le corps qui nous parle J’ai envie d’explorer toute une gamme d’émotions dans mes spectacles, je veux que le public puisse vivre une expérience unique, qui ne soit pas exclusivement visuelle.
V. N. D’ailleurs, ton dernier spectacle à Chaillot était vraiment immersif.
M. Véronique, quel est le point de départ de vos collections ? Est-ce une image, une matière, une référence particulière ?
V. N. Il n’y a pas de recette. Ça peut être un déclic lié à une exposition, un film etc., un tissu ou une idée précise que j’ai déjà en tête. Après, c’est vrai que j’ai souvent le même processus, je commence par une gamme de couleurs, car elle raconte vraiment quelque chose. Puis, c’est l’émotion sensuelle du toucher qui m’emmène sur la forme. Le dessin vient par la suite.
M. K. J’interprète aussi beaucoup les émotions en termes de couleurs, et c’est un langage que Véronique comprend.