Désormais artiste reconnu et influent – en témoignent ses multiples projets, ses différents passages à la télévision ou encore ses 37 000 abonnés sur Instagram – Nicolas Huchard met désormais à profit sa notoriété pour revendiquer pleinement son statut d’artiste noir et queer. Au cours de cette période charnière du passage de l’enfance à l’âge adulte, alors qu’il embrasse finalement et pleinement sa passion pour la danse, il se heurte – parfois avec violence – à la discrimination. Très tôt, il fait face au racisme, à l’homophobie, aux préjugés et, forcément, aux questionnements qui en découlent. D’abord quand, enfant, subjugué par Grace Jones, femme virile par excellence qui questionne le genre, il commence à s’interroger sur sa propre masculinité. Ensuite quand, adolescent, au collège, les regards et remarques de ses camarades lui font ressentir un sentiment de honte à l’idée de vouloir pratiquer la danse alors que les autres garçons jouent au football. Encore une fois quand, abreuvé de pop culture télévisuelle comme tous les kids des 90’s, il constate que, dans les films et les séries, l’acteur noir incarne la plupart du temps un voleur ou un criminel. Mais c’est au sein même de ce qui aurait dû être pour lui un safe space qu’il subit une énième discrimination, sonnant ainsi le glas des espérances et de l’innocence. Lors d’un cours de danse classique, son professeur lui assène qu’il ne pourra jamais être un danseur classique. La raison ? Ses fesses qui sont trop bombées ! Autrement dit, son corps qui est trop noir pour une institution trop blanche… Autant de prises de conscience qui ont encouragé Nicolas à développer largement son activisme et l’incitent encore aujourd’hui à devenir un modèle de représentation pour les futures générations : “Quand tu es victime de discrimination en tout genre, tu as envie de tout faire pour changer les choses. Et en tant qu’artiste, j’ai le privilège de pouvoir porter et exprimer mes idées. J’ai avancé dans ma carrière, travaillé avec beaucoup d’artistes, aujourd’hui, je veux aller plus loin et utiliser ma visibilité. Les homosexuels et les Noirs sont encore injustement mal vus et je veux devenir un de ces modèles positifs auxquels des jeunes peuvent s’identifier et qui donnent espoir”, confesse le danseur et chorégraphe.
Quand on regarde de plus près la carrière de Nicolas Huchard, on constate non seulement que le trentenaire a souvent côtoyé des artistes engagés sur les questions liées au racisme, au genre et au féminisme, mais qu’il les a souvent accompagnés dans leur évolution. À partir de 2014, il est en effet l’un des quatre danseurs de Christine and the Queens, chanteuse qui questionne régulièrement son propre genre, sur la tournée de l’album Chaleur Humaine. Durant trois ans, il danse aux côtés de l’icône de la pop française avec des mouvements très libres croisant influences contemporaines, voguing et hip hop, déconstruisant ainsi les codes viriles établis des chorégraphies pop. En 2018, la chanteuse belge Angèle, deux avant son coming-out, le sollicite pour le clip délicat et sensible Jalousie, au sein duquel il est le seul homme d’un quatuor vêtu de robes Rouje, puis pour la tournée de son premier album Brol. L’année suivante, c’est la rappeuse belge Shay – protégée de Booba, parmi les seules femmes à évoluer dans cet univers très masculin – qui fait appel à lui pour son clip Jolie. Puis il signe les mouvements d’Yseult, pour la vidéo Rien à prouver, dans un décor brut où elle impose enfin son statut de diva noire et plantureuse. Enfin, en juin dernier, il retrouve la chanteuse française et le rappeur Ichon, pour le clip du titre déjà culte Mélange, à l’ambiance moite et sensuelle. Une liste non exhaustive de collaborations avec des artistes qui, chacun.e à leur façon, s’émancipent du male gaze, ce regard d’homme hétérosexuel qui objective la femme, et se réapproprient leur image et le pouvoir sur leur corps. “Le fait que ces artistes désirent travailler avec moi reste encore une énigme. Je pense que je les inspire, qu’ils apprécient ce que je fais et ce que je représente et qu’ils veulent se l’approprier sur leurs projets”, note-t-il. Et son impact se ressent désormais au-delà de l’industrie de la musique ou de la danse, jusque dans le monde de la mode.