Quelque part entre l’hédonisme et le spleen, Sophie fait ainsi place à la notion de “care”, représenté par ces femmes qui se réconfortent, s’enlacent, s’effleurent mutuellement. La sororité, c’est justement le titre d’un de ses imposants tableaux de plus d’1m40 représentant six femmes, amies, muses, peintes individuellement durant un été. “Ces tableaux me tiennent vraiment à cœur car ils représentent toutes les étapes importantes de la guérison. Le premier tableau qui ouvre l’exposition est intitulé “Welcome to Heartbreak” : sur fond bleu, j’ai représenté une femme recroquevillée sur elle-même, cachée sous un voile, avec une larme en forme de perle qui ruisselle sur sa joue. Puis le ciel s’éclairci au fil de la visite et des œuvres : on passe du rose, orangé, violet, pour finir sur un ciel terra cotta, de feu, celui du tableau final intitulé ‘Sand Castle’. J’ai voulu y exprimer l’idée que tout est éphémère, on construit des choses qu’il faut parfois laisser partir…”. Parmi les éléments récurrents à fortes charges symboliques que l’on trouve dans ses peintures, le voile blanc transparent qui dévoile au fur et à mesure les corps, métaphore d’une transformation chrysalidienne, et qui rappelle par sa forme la fleur d’iris peinte à maintes reprise par l’artiste américaine Georgia O’Keeffe. Fleur qui revient dans les toiles de Sophie également sous la forme d’imprimé observé sur les combinaisons intégrales de certaines silhouettes présentes dans les toiles “Pathos of Things” et “Unfinished Symphony”, et qui rappellent, elles, les créations du designer anglais Richard Quinn. Sans parler de ce magnifique fondu de couleurs – “J’ai beaucoup travaillé la couleur, on voit d’ailleurs l’évolution par rapport au premier tableau. Mon seul autoportrait, le tableau ‘Asturias’ est aussi celui qui marque un tournant : c’est là que ma palette de couleurs s’est brisée et a changé”.
Pour ce grand saut dans l’inconnu qu’incarne cette première exposition, Sophie a choisi de ne pas avancer seule : elle s’est entourée du collectif féministe Bisou Bouche dont elle est membre depuis 2020 avec qui elle a pensé et organisé cette exposition qui se veut une “réflexion d’art total”. Comprenez : durant ces 12 jours, des happenings orchestrés par des ami·e·s et proches rythmeront et accompagneront ses œuvres dans une démarche de réinterprétations artistiques quasi synesthésiques. Celles-ci se présenteront sous forme de lecture de poèmes, de débats, d’installations florales et sculpturales, mais aussi de concerts inspirées directement par les tableaux accrochés. Pour cela, elle sera bien entourée, de la poétesse Kiyémis, de l’autrice Morgane Ortin (Sophie a dessiné la couverture de son recueil de poésie “La Chambre sans murs” paru en début d’année), de l’équipe de Gaze magazine, de l’harpiste ANABA et du trompettiste Béesau. Le moment qu’elle appréhende le plus : le clap de fin de son exposition. Car une fois les tableaux vendus et remballés, il faudra d’une certaine manière lâcher prise et tourner la page.