Photo de Raphaël Chatelain issue du dernier numéro du magazine “Fay”.

Comme tous les ans, Mixte profite du mois des fiertés pour dévoiler sa liste culturelle à garder sous la main pour vibrer, réfléchir et faire résonner les voix trop longtemps réduites au silence. Sélection de films, séries, podcasts et essais à consommer sans modération tout au long du mois de juin… et bien au-delà.

1. La revue photographique “Fay”

« Une revue photographique pour célébrer les pédales, leurs ami·es, leurs amours et leurs familles », dixit Enzo Folalier, à l’origine de cette revue photographique indépendante qui met en lumière les identités multiples de la communauté LGBTQIA+. Un voyage qui nous transporte en Californie, à Transmecula, un ranch 100 % queer, jusqu’au cirque de Minorque où le photographe Elie Villette nous livre ses clichés d’Aurélien, un naturiste adepte de la slow life. Le couple d’artistes transpédés Hugo Amour et Sande Man nous partage, quant à lui, son carnet intime d’un voyage à Venise, mêlant photographies, poésie et illustrations. Une revue disponible en ligne et dans les librairies spécialisées comme Les Mots à la bouche (75011). « Et si on vous demande : « C’est quoi une fay ? », répondez : « Un gay qui a déployé ses ailes. » C’est noté ! »

2. Le podcast “Dolls House” de Claude Emmanuelle

Mannequin, DJ, artiste pluridisciplinaire : Claude Emmanuelle est sur tous les fronts, y compris celui de la révolte. Celle qui ne mâche jamais ses mots nous invite dans une maison de poupée 2.0 où elle nous livre son parcours sans concession, celui d’une femme trans ayant entamé son parcours il y a tout juste dix ans. Une maison loin d’être en carton, depuis laquelle elle nous raconte son quotidien, non pas pour nous éduquer, mais avant tout pour partager : « Dolls House, c’est un podcast qui parle depuis l’intérieur. Celui d’une coloc trans en non-mixité, celui d’un corps qu’on apprend à habiter, celui d’un monde qu’on rêve autrement. » Perso, on veut tout de suite un double des clefs.

3. L’essai “Pourquoi les lesbiennes sont invisibles ?” de Marie Rocher (éd. Seuil Libelle)

Dans cet essai court mais efficace de 72 pages, l’artiste et activiste Marie Rocher explore avec clarté et engagement les mécanismes d’effacement des lesbiennes dans notre société. À travers une analyse accessible (et percutante), elle met en lumière les stéréotypes, les silences médiatiques et les biais culturels qui contribuent à cette invisibilisation. Un ouvrage essentiel pour comprendre, déconstruire et enfin donner toute leur place aux identités lesbiennes.

4. La musique de BonFils

Sorti en février dernier, le titre « Un bon fils » dénonçait le culte de la performance et les conséquences que ce dernier engendre. Rares sont les artistes qui, en quelques lignes arrivent à traduire avec autant de justesse leur époque : celle d’une génération dont la santé mentale a été affectée par le travail, et dont l’alcool et les anxios font office d’échappatoire. Mais au-delà du spleen, Antoine Patinet (alias BonFils) convoque aussi la joie de vivre et les garçons, comme dans le titre “Neverland”, nouvel extrait de son futur EP parfaitement calibré pour l’été, qu’il présente comme « une déclaration d’amour à la fête queer, à son inclusivité et à sa bienveillance. » Entre productions résolument pop et paroles qui touchent en plein cœur, la variété française n’a jamais aussi bien porté son nom. Tu deviendras grand, mon fils.

5. La série “Surcompensation” de Benito Skinner (Prime Video)

Ah ce bon vieux placard : celui où les refoulés s’enferment pour y surperformer une masculinité toxique as fuck. Benito Skinner, le créateur de la série (connu aussi sous le blaze de Benny Drama sur Insta) a connu ce triste épisode dans sa vie et a pourtant décidé d’en rire avec cette comédie satirique, mais qui propose aussi un vrai regard critique sur les pressions sociales et les injonctions genrées. Le comédien y incarne une ancienne gloire du lycée (en mode quarterback et prom king) qui tente par tous les moyens de ne pas dévoiler son homosexualité, à grand renfort de LOL et d’acteur·ices assumant le fait de jouer des étudiant·es alors qu’iels ont la trentaine passée. En bonus, Charli XCX y fait un caméo hilarant tout en supervisant la bande originale de la série. I don’t care: I love it !

6. L’essai “Ce que Grindr a fait de nous”, de Thibault Lambert (éd. JC Lattès)

En l’espace d’une quinzaine d’années, l’application de rencontre Grindr a profondément changé les rapports sociaux entre gays. Libération sexuelle pour les uns, isolement numérique pour les autres, elle a permis à toute une génération de s’émanciper, quitte à s’y perdre. Ce récit intime du journaliste Thibault Lambert mêle introspection, analyse sociologique et témoignages en questionnant la manière dont nos identités se façonnent à travers l’écran, et comment l’amour, le sexe et la solitude cohabitent dans un flux incessant de profils.

7. Le podcast “Champs queers”, par Élodie Potente

Du Haut-Jura à la Haute-Vienne en passant par le Morvan, la journaliste Élodie Potente tend le micro à ceux et celles à qui on ne donne jamais la parole : la communauté LGBTQIA+ rurale. Entre acceptation, agression et tentative de former une communauté unie, ces habitant·es d’une France qu’on se refuse souvent de voir (tout en se permettant de la juger) nous rappellent que le vivre-ensemble n’est jamais acquis. Débutée en mars 2023, cette série documentaire auditive a eu la bonne idée de revenir en janvier dernier pour un épisode spécial 100 % drag et rural dans lequel on découvre des personnages hauts en couleur, comme Aquarii, drag performant au Vigan, dans le Gard, tandis que Françoise, aka Pollution, fait désormais les beaux jours d’un collectif nommé Les Siphonné·e·s du Local, à Lons-le-Saunier. Ma France à moi !

8. Exposition “Queer Lens : A History of Photography”, jusqu’au 28 septembre au Getty Center de Los Angeles
À gauche : Keith Haring and Juan Dubose, Artist; Disc jockey 1983, Andy Warhol. Dye diffusion print. Getty Museum. © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. À droite :Angela Scheirl [now A. Hans Scheirl] 1993, Catherine Opie. Silver-dye bleach print. The Museum of Modern Art, New York. Gift of Helen Kornblum in honor of Roxana Marcoci. © Catherine Opie, Courtesy Regen Projects, Los Angeles, Lehmann Maupin, New York, Hong Kong, London, and Seoul, and Thomas Dane Gallery, London and Naples

California love : et si l’histoire de la photographie avait toujours été queer, mais qu’on ne l’avait jamais vraiment regardée comme telle ? L’exposition Queer Lens au Getty Center braque enfin l’objectif sur ces images oubliées, censurées ou simplement ignorées. Des portraits secrets du XIXe siècle aux œuvres militantes des années 1980, c’est toute une archive sensible qui se révèle ici. Le corps devient manifeste, le regard se fait désir, révolte ou tendresse. À travers les artistes d’hier et d’aujourd’hui, de Joséphine Baker à Keith Haring en passant par les inconnu·es qui ont fait avancer l’Histoire, comme ce couple d’activistes gays s’enlaçant lors de la première Gay Pride de New York, en 1970, cette exposition joue un rôle éducatif sincère, tout en nous rappelant qu’au fil des décennies de profondes homophobies, de nombreuses photographies représentant la vie queer ont été supprimées ou détruites. Un devoir de mémoire qui s’accompagne aussi d’un catalogue signé Paul Martineau et Ryan Linkof.

9. La série “Clean Slate” de Laverne Cox (Prime Video)

On l’a adorée dans Orange Is the New Black, Laverne Cox revient enfin dans la lumière dans une série à la hauteur de son talent. Elle y incarne Desiree, une femme transgenre qui revient voir son père dans l’Alabama au bout de 20 ans, tandis que ce dernier apprend en lui ouvrant la porte sa transidentité. On ne va pas se mentir : le pitch aurait pu être casse-gueule, à grand renfort de clichés sur la communauté rurale de l’Alabama VS le wokisme qui débarque. C’était mal connaître Laverne Cox, qui livre une interprétation toute en finesse entre humour et émotion, avec des thèmes abordés avec sensibilité comme l’identité, la famille et la réconciliation. Un plaisir éphémère, puisqu’Amazon a annoncé le mois dernier que la série ne sera pas reconduite pour une seconde saison, malgré l’accueil critique dithyrambique et un score de 89 % sur Rotten Tomatoes. Histoire de nous rappeler que le chemin de la diversité est toujours pavé d’embûches…

10. L’ouvrage “D’un monde à l’autre” de Léon Salin (éd. Leduc)

On l’a repéré sur TikTok, où il raconte à ses plus de 100 000 abonné·es son quotidien d’homme trans, mettant en scène son couple, ses coups de gueule et ses pectoraux affûtés. Léon Salin, qui nous a prouvé plus d’une fois qu’il est loin de garder sa langue dans sa poche, nous livre à travers cet ouvrage sa vérité : celle d’un mec trans dont la vie n’a été qu’une quête de sens, et de réponses aux agressions virtuelles et IRL qu’il subit. Pas du genre à se larmoyer, l’auteur suisse profite de cet essai autobiographique pour nous rappeler que la transidentité n’est pas une trend, et que contrairement à la France, son pays ne protège aucunement contre la discrimination à l’égard des personnes trans.

11. Le recueil de poésies “Cœur de lune” de Damien Testu

Et si l’on insufflait un peu de poésie dans ce monde de brutes ? C’est toute l’ambition de Damien Testu qui, après “Cœur météore” l’année dernière (sélectionné pour le Prix du Roman Gay 2025 dans la catégorie poésie), revient avec Cœur de lune, le deuxième chapitre d’une trilogie dont on a hâte de découvrir l’épilogue. L’auteur y livre neuf poésies dont l’amour est le moteur principal, entre sexualité queer, résilience et séduction. Illustré de photographies originales réalisées par Bérangère Portella, le recueil s’accompagne également d’une chanson coécrite et interprétée par l’artiste Garnement, disponible sur les plateformes de streaming. Une œuvre pluridisciplinaire qui prouve, si vous en doutiez encore, que l’union est la plus belle des forces.

12. Le livre “Marsha, The Joy and Defiance of Marsha P. Johnson”, par Tourmaline (éd. Penguin)

La figure oubliée de Marsha P. Johnson, activiste trans en première ligne des émeutes de Stonewall en 1969, se voit peu à peu réhabilitée. Alors que le documentaire Marsha P. Johnson, histoire d’une légende est toujours disponible sur Netflix, l’autrice militante et cinéaste américaine Tourmaline se charge de nous raconter la vie de cette pionnière par écrit dans une biographie inédite. Loin des clichés ou des récits figés, Marsha y apparaît comme une figure complexe : à la fois militante acharnée, performeuse excentrique, croyante mystique et sœur de lutte pour les laissés-pour-compte du mouvement LGBTQIA+. L’autrice mêle avec finesse recherches historiques, archives et sensibilité personnelle pour redonner à Marsha P. Johnson sa juste place : celle d’une pionnière dont la joie était une arme politique.

13. La série “Lost Boys and Fairies” (Arte.tv)

Prêt·e à rire et pleurer ? En seulement 3 épisodes d’environ une heure, cette mini-série britannique (qui a tout d’une grande) explore avec délicatesse la parentalité queer, les blessures de l’enfance et la quête d’amour inconditionnel. On y suit Gabriel, un artiste drag gallois, et son compagnon Andy, alors qu’ils entament le parcours d’adoption d’un enfant. Entre espoirs, doutes et confrontations avec un passé douloureux, la série trace un chemin profondément humain, porté par une mise en scène sensible et des interprétations justes. Avec son mélange de réalisme social et de moments CAMP, Lost Boys and Fairies célèbre les liens qu’on choisit, les familles qu’on construit, et la beauté de devenir soi.