Le matin du samedi 24 mai, jour de la cérémonie de clôture, Cannes a perdu l’électricité et le réseau téléphonique pendant de longues heures, laissant la ville et son festival en état d’hébétude et de dysfonctionnement total. Si aucun film n’a vu sa présentation officielle perturbée, le dernier jour étant consacré aux reprises de la compétition achevée la veille, et bien que le palais, disposant d’un groupe électrique de secours, ait été avec le casino le seul bâtiment à échapper à l’arrêt complet, l’événement a tout de même marqué les esprits d’une drôle d’image d’apocalypse grotesque, mêlant jetsetteurs paniqués, symphonie de klaxons (la signalisation étant en panne), palaces tous feux éteints et rumeurs délirantes sur une attaque russe ou un blackout national à l’espagnole. Peut-être pas si éloignées de la vérité ? Dans la journée, on apprenait que la coupure était due à des vandalisations : un poste incendié et une ligne sciée.
Quelques jours après, un groupe se décrivant comme anarchiste publiait une revendication dénonçant une “cérémonie obscène au bord d’une mer devenue cimetière de réfugié.es, et la poubelle industrielle d’une société qui adore porter la révolte à l’écran, mais qui réprime et emprisonne toute personne qui se soulève contre sa domination sur le monde”. Autant que le festival puisse se targuer de prêter une oreille attentive aux tourments contemporains, il reste aux yeux de certains une mascarade (par exemple capable d’héberger la remise d’un prix pour son engagement pour l’environnement et la justice sociale à la future femme de Jeff Bezos – véridique) à mettre à terre, et une colosse manifestement vulnérable. Il est probable que la forteresse muscle ses défenses à la lumière de cette humiliation.