Backstage du défilé Paloma Wool FW25 / Crédit : SHINYA MOHRI

Entre des essais philosophiques et féministes, des romans sur la famille et la santé mentale, des enquêtes sur la situation humanitaire à Gaza ou des polars haletants, Mixte a sélectionné sept livres qui vont rendre votre été meilleur (et vous aussi par la même occasion).

1. “Vivre avec les hommes, Réflexions sur le procès Pelicot”, de Manon Garcia (éd. Flammarion, 2025).

La philosophe Manon Garcia nous avait déjà bien soufflé en 2021 avec La Conversation des sexes, Philosophie du consentement, dans lequel elle appelait à une culture de l’érotisation égalitaire. Elle nous terrasse avec Vivre avec les hommes, fruit de semaines passées au procès Pelicot, de l’affaire dite des viols de Mazan, dans lequel on retrouve son triple angle d’attaque : juridique, moral et politique, pour se poser la question suivante : si Dominique Pelicot est parvenu à recruter au moins 70 violeurs à moins de 50 kilomètres de son domicile ; peut-on encore vivre avec les hommes ? Une démonstration aussi limpide que vertigineuse.

2. “Mon vrai nom est Elisabeth”, d’Adèle Yon (éd. du sous-sol, 2025)

Best-seller surprise de l’année, le premier livre d’Adèle Yon mérite tout l’engouement qu’il a suscité. Récit exigeant et page turner à la fois, ce mix d’enquête familiale, d’archives médicales, de réflexions et de récit personnels reconstitue l’histoire de Betsy, arrière-grand-mère de l’autrice, diagnostiquée schizophrène dans les années 1950 et internée une longue partie de sa vie. Betsy dont on ne parlait pas, et dont l’histoire permet de retracer celle des silences d’une famille bourgeoise face à la santé mentale autant que celle des violences psychiatriques faites aux femmes. Un récit formellement virtuose qui n’écrase ni la colère ni la tendresse de l’enquête.

3. “Un historien à Gaza”, de Jean-Pierre Filiu (éd. Les arènes, 2025)

Comment raconter ce qui ne peut se décrire ? L’historien Jean-Pierre Filiu amorce une réponse sur la couverture de ce récit : “Rien ne me préparait à ce que j’ai vu et vécu à Gaza. Le territoire que j’ai connu et arpenté n’existe plus. Ce qu’il en reste défie les mots.” Alors qu’aucun journaliste étranger n’a accès à l’enclave palestinienne, le spécialiste du proche orient réussit en décembre 2024 à se rendre pendant plus d’un mois dans la bande de Gaza, qu’il sillonne régulièrement depuis les années 1980. Il en tire un reportage déchirant et implacable sur le sort des Palestinien·ne·s, dont l’horizon s’est réduit “à sa seule tente ou à la pièce où l’on a échoué”. Un récit à l’image de son auteur : sobre, humain et lucide. NB : Jean-Pierre Filiu verse l’intégralité de ses droits sur ce livre à Médecins sans frontières (MSF) pour son action à Gaza.

4. “Le prophète rouge”, de Julie Pagis (éd. La découverte, 2024)

Sous-titré Enquête sur la révolution, le charisme et la domination, le “Prophète rouge” est une histoire folle : celle d’une micro-communauté maoïste qui finit par se soumettre à son chef, Fernando, un ouvrier espagnol au charisme aussi fou que son égo. Passionnante plongée dans les mécaniques de la soumission à la domination, alimentée notamment par l’envie de bien faire et de changer le monde, le Prophète rouge raconte aussi en creux la violence du huis-clos militant, l’autocritique poussée jusqu’à la détestation de soi, la fabrication de boucs émissaires et l’obsession de la pureté politique. Un travail d’enquête, aussi impressionnant que rigoureux, et en même temps une saga haletante qui nous plonge dans l’après-1968 (il est possible que vous clamiez tout haut des “Han ! “ et des “Mais c’est pas possible !” tout au long de votre lecture). Meilleur polar de l’année.

5. Coffret “La Maison dans laquelle”, de Mariam Petrosyan (éd. Monsieur Toussaint Louverture, 2025)

Après l’avoir publié en 2016 en un seul volume, Monsieur Toussaint Louverture republie ce printemps ce roman dans sa forme originale, voulue par l’autrice : en trois volumes. Occasion parfaite pour ceux et celles qui n’auraient pas encore passé la porte de cette Maison insensée d’enfin s’aventurer ce qui pourrait être l’une des plus grandes expériences littéraires de leur vie. Maison atypique, pas vraiment proche commerces ni quoi que ce soit de tangible, et qui échappe complètement à la loi Carrez puisque les pièces changent aussi vite que les enfants et les adolescent·e·s étranges qui la peuplent — Sphinx, Lord ou Tabaqui —, elle est un monde à part, où ne s’appliquent ni les règles de l’extérieur, ni celles de la narration. N’appréhendez pas les 1000 pages que constituent la trilogie, une fois que vous y serez entré·e·s, vous ne voudrez plus jamais en sortir.

6. “Chiennes de garde”, de Dahlia de la Cerda (éd. Points, 2025)

13 chapitres, 13 femmes mexicaines qui enragent à la première personne de devoir se coltiner encore et toujours la même violence, les mêmes hommes inutiles, les mêmes féminicides (10 par jour au Mexique). 13 personnages déterminés à prendre le taureau par les couilles, qu’elles soient héritière narco, influenceuse ou femmes et foyer qui sous la plume de Dahlia de la Cerda (qui codirige également le collectif féministe Morras Help Morras) s’incarnent en autant de femmes farouches et déterminées, drôles aussi. Premier roman de l’autrice, ultra bien écrit, “Chiennes de garde” rappelle que quitte à être traitées comme des chiennes, autant rejoindre la meute.

7. “Madelaine avant l’aube”, de Sandrine Colette (éd. JC Lattès, 2024)

Si vous n’avez jamais lu Sandrine Colette, 1/ on ne sait pas très bien quoi vous dire, 2/ vous allez pouvoir consacrer votre été à vous plonger dans ses contes noirs et lucides, où l’on ne sait jamais très bien où l’on est alors que Colette vous emmène exactement là où elle veut. Ses récits, parfois cruels, toujours d’une lucidité et d’une dignité folle, ont la capacité d’être d’une grande technicité qui n’empiète jamais sur le plaisir (intense) de lecture. Son dernier roman ne fait évidemment pas exception à la règle avec l’histoire de Madelaine, petite fille surgie de la forêt et débarquée tout à la fois dans un triangle amoureux, une vie paysanne rude et une faim constante (en vrai vous pouvez lire n’importe quoi d’elle, tout est bien).