Quand on leur demande ce qu’ils ont fait le week-end dernier, ils répondent qu’ils étaient à l’Opéra, pour admirer le ballet “Petite mort” du chorégraphe Jiri Kylian. Un pure bijou nous soufflent-t-ils. Passionnés par la scène, ils y sont d’ailleurs montés à de nombreuses reprises. En tant qu’artiste performeur d’abord et récemment, en septembre dernier, en tant que designer pour le salut de leur premier défilé. Car après tout, de danseur à créateur étoile, il n’y a qu’un pas. Ou plutôt deux. Car c’est bien sous la forme d’un duo, que le tout nouveau label ALAINPAUL se fait peu à peu une place sur la scène de la mode parisienne. Impulsés par l’envie irrépressible de mettre le vêtement en mouvement, Alain & Luis s’attellent à le chorégraphier sous toutes ses formes. Il faut dire que l’émotion est au cœur de leur travail et que chaque silhouette est pensée comme un spectacle. La faute à leurs muses, grandes figures de la danse moderne et pionnières dans leurs approches, Pina Bausch, Martha Graham, ou encore Merce Cunningham, ou encore à leurs mentors, Virgil Abloh, Demna Gvasalia et Sarah Andelman qui ont accueilli, au fil des années, leurs idées au sein de leurs studios créatifs respectifs. Pour lever le rideau sur les prémices de leur succès, Mixte les a rencontrés à quelques jours de leur second défilé afin d’échanger sur l’importance du mouvement et de la pensée libre. Ballet must go on.
Mixte. Vous soufflez plus de 20 bougies de travail cumulées dans le milieu de la mode et pourtant, vous venez de créer votre label. Ça fait quoi d’être les plus “vieux” des jeunes créateurs ?
LUIS. Disons que l’on a pris notre temps. Celui de décortiquer le métier pour petit à petit donner forme et nourrir le rêve de créer, nous aussi, quelque chose. On est de nature patiente, alors, on a attendu le moment propice pour le concrétiser.
ALAIN. Ça fait un peu vieux sage (rires) mais ces dix dernières années ont été effervescentes et riches en apprentissage. On a eu la chance de vivre des expériences passionnantes et multiples auprès de designers et de créateurs tels que Virgil Abloh, Demna Gvasalia ou encore Colette et Sarah Andelman qui nous ont conduites à la création de notre Maison.
Mixte. Vêtements, Balenciaga, Louis Vuitton mais aussi Colette, Alaïa ou encore Sacaï, vous avez collaboré avec de prestigieuses maisons avant de créer ALAINPAUL. Quelles habitudes et méthodes créatives avez-vous conservé de vos précédentes expériences ?
LUIS. Lors de mon arrivée à Paris, il y a 11 ans, j’ai eu la chance de croiser Colette et Sarah Andelman. À l’époque, j’étais fasciné par leur approche très différente de la mode. Alors, quand j’ai été embauché en tant que Store Manager et Visual Merchandiser chez Colette, ça a été une super école. Ça m’a permis de saisir la dynamique d’une boutique mais aussi de comprendre les attentes et les envies des clients tout en aiguisant ma vision sur l’industrie. J’ai par la suite intégré différentes maisons où j’ai côtoyé des commerciaux et des acheteurs passionnés par leur métier qui m’ont beaucoup transmis. Ces expériences sont encore aujourd’hui une source d’inspiration inépuisable.
ALAIN. De mon côté, j’ai eu le privilège d’apprendre auprès de personnes brillantes de l’industrie. Je dirais que j’en garde l’habitude de créer une partition, un tempo aux collections. Comme on est une équipe très réduite, il est important de bien se structurer. Alors, en général, je commence par réaliser de nombreuses maquettes, des recherches vintages, des investigations iconographiques. Puis vient le moment des essayages pendant lesquels je m’amuse beaucoup et c’est là que je crée la silhouette. J’aime construire une garde-robe complète : tailleur, denim, maille, jersey, robe, cuir… J’ai aussi maintenu des habitudes calendaires relatives à mes expériences précédentes, avec des dates précises pour les essayages et les lancements de prototypes.
LUIS. Finalement, on a conservé au sein de notre « petite » maison, la structure d’une grande.