Mixte. Comment es-tu arrivée dans le métier ?
Anamaria Vartolomei. Mon école primaire, à Issy-les-Moulineaux, proposait des activités extrascolaires. Une de mes copines s’est inscrite au cours de théâtre, et je l’ai suivie. J’ai tellement aimé, que j’ai demandé à mes parents de m’inscrire à d’autres cours, ce qu’ils ont fait. À cette époque, mon père, ouvrier du bâtiment, travaillait dans l’appartement d’une comédienne. Elle lui a parlé d’un site de casting, via lequel on est tombés sur l’annonce pour My Little Princess d’Eva Ionesco. Je me suis présentée, ce qui a quand même duré deux mois de call backs et de répétitions avant qu’on m’annonce que j’allais faire le film.
M. Quels souvenirs gardes-tu de ce tournage ?
A. V. De très bons souvenirs. C’est d’ailleurs ce qui m’a donné envie de continuer. Je n’avais pas encore en tête d’en faire mon métier : j’avais 10 ans et demi, j’allais à l’école… C’était plus pour le plaisir du jeu.
M. Et le trouble du film, quelle place a-t-il eu dans cette expérience ?
A. V. Si le casting a duré aussi longtemps, c’est parce qu’on a répété quasiment toutes les scènes, afin de ne pas arriver sur le plateau avec une gêne ou une surprise. Tout a été décortiqué de manière bienveillante, mes parents étaient sur le tournage avec moi. Évidemment que ça leur faisait peur que je joue dans un film sur une enfant sexualisée. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont tenu à m’accompagner. Ils ont été très clairs sur le fait qu’il n’y aurait pas de nudité, et Eva Ionesco aussi : l’idée était bien de ne pas reproduire ce qu’elle avait vécu elle. Ça a été très sain, très équilibré. Entre les prises, j’avais des profs sur le plateau qui me faisaient cours. J’étais Violeta, et lorsque la caméra s’arrêtait, je redevenais moi, je faisais deux exercices de maths et je jouais à la Nintendo.
M. Tu as passé ton adolescence avec la certitude de vouloir faire ce métier ?
A. V. J’avais même le luxe de ne pas envisager grand-chose, en fait. Enfant, je me laissais simplement porter : je passais plein de castings, je m’amusais, c’était trop cool. J’avais l’impression que les choses découlaient d’elles-mêmes, et j’ai fait les films à des moments qui me correspondaient : la rébellion ado avec Just Kids, etc. Le cinéma a accompagné ma vie. À l’adolescence, j’ai compris que ça pouvait être un job. Je me suis autorisée à y croire, tout en gardant les études en plan B.
M. La concurrence, la peur de ne pas avoir de rôles, c’est venu à un moment ?
A. V. Non, je n’ai jamais connu ça, parce qu’ado j’avais un agent qui me trouvait des rôles, et qu’aujourd’hui j’ai le sentiment que je peux être rassurée là-dessus. Après, la question est de savoir quels rôles jouer. Et même derrière : “Qu’est-ce que j’ai de particulier par rapport aux autres ?”, “Pour quelle(s) raison(s) on me choisirait moi ?” Et c’est aussi en essayant de répondre à ces questions que l’on vit mieux la concurrence : quand une autre est choisie, ce n’est pas parce qu’elle est fondamentale mieux que moi, c’est parce qu’elle est davantage faite pour ce rôle. Il faut avoir conscience de ce qui fait ton unicité.
M. Et qu’est-ce qui fait ton unicité ? Par exemple, est-ce que tu sais pourquoi Audrey Diwan t’a choisie ?
A. V. C’est une question que j’ai beaucoup entendue ! Les spectateurs me l’ont souvent posée. Audrey a d’abord cherché quelqu’un qui avait un bon rapport avec la caméra, qui sache la dompter, parce qu’il y avait beaucoup de gros plans. Ensuite, elle a trouvé chez moi une part de mystère qui lui a plu, et un minimalisme qu’elle recherchait : quelqu’un qui aurait eu un trop grand sourire, ça aurait été un problème. Enfin, la première fois que je l’ai rencontrée en casting, je l’ai beaucoup questionnée sur le rôle, sur la nudité et sa justification, par exemple. Elle s’est sentie un peu interviewée, mais cette effronterie lui a plu.