Mixte. Votre disque précédent était très politique. Celui-ci est plus intimiste. C’est l’effet de la trentaine ?
Majnoun. (rires) C’est vrai que 2019-2019 collait énormément à l’actualité. On jouait avec, on en reprenait les termes… Cette fois, on a décidé de partir non pas du bruit qu’on entend autour de nous, mais de ce qu’on ressent. On laisse toujours l’époque nous traverser, mais on en parle plus intimement. Après la dernière tournée et la crise du Covid, chacun·e est retourné·e dans son univers respectif, seul·e dans sa tête. Après avoir tant partagé, ce n’était pas évident.
Emmaï Dee. Je crois que cette fois, on donne vraiment corps à nos personnages et aux différences qui existent entre nous. Avant, on appliquait une formule assez uniformisante : costumes identiques, identité visuelle très forte… Mais on peut exister individuellement au sein d’un collectif. Sur l’album, ça se traduit par des morceaux comme “Injuste”, “On est les mêmes” ou “Le club c’est vous”, où l’on chante tous les cinq en lead, ce qu’on n’avait jamais fait auparavant.
Denis Darko. Au début, on avait des univers musicaux et des bagages techniques différents. On était constitué·e·s comme un groupe de rock avec des instruments. Petit à petit, on s’est imposé·e·s comme cinq interprètes.
M. Est-ce que le disque est moins politique parce qu’aujourd’hui la politique vous emmerde ?
Majnoun. Là, je crois que chaque membre du groupe te donnera sa propre réponse. Personnellement, la politique me passionne. Je suis ça comme d’autres suivent le foot !
Denis Darko. Moi c’est comme le foot, ça m’emmerde (rires).
Majnoun. Disons que notre envie de politique est plus profonde. Bagarre, c’est un rêve libertaire. La métaphore du club qu’on file depuis nos débuts (une des premières compositions du groupe s’intitulait “Mourir au club”, ndlr), on y croit. On veut créer un espace où chacun·e peut échapper aux oppressions qui jalonnent le quotidien. Si ça ne marche pas à l’échelle de la société, le club peut être une alternative.
M. Votre processus d’écriture a changé ?
Majnoun. Au-delà de la musique, qu’on a voulue plus directe, on est vraiment allé·e·s plus loin dans l’écriture. Avant, on avait une règle tacite : celui ou celle qui arrivait avec un thème chantait le titre. Cette fois, il y a eu beaucoup plus d’interversions. L’un·e a écrit le texte mais c’est un·e autre qui le chante, et ça raconte peut-être l’histoire d’un autre membre du groupe… Ça donne des morceaux patchworks qui ressemblent à cet idéal de partage, sans hiérarchie.
M. Il y a aussi plus d’humour…
Denis Darko. Le fait d’être plus à l’aise avec soi-même permet plus de second degré. Dans un morceau comme “Fake Boy”, on va assez loin dans cette direction. Moi, La Bête et Mus, on s’autocaricature. Quand tu es en paix avec toi-même, tu peux te peux permettre plus de distance.
Majnoun. Même chose sur “On est les mêmes” : on joue à fond la carte de l’autodérision, sans jamais taper les uns sur les autres. L’idée, c’est plutôt de faire ressortir nos travers les moins glorieux, mais qui nous rendent peut-être touchants.