Comme tous les ans, le Festival de Cannes est l’occasion de découvrir de nouveaux talents côté 7ème art, d’en re-découvrir certains, et puis, bien sur, d’assister à un défilé de mode 7 jours sur 7 plus ou moins réussi. Mixte revient en 5 points sur cette 75ème édition du festival qui faisait la part belle une fois de plus au ciné politique et engagé ainsi qu’à des statements mode prônant la fibre vintage et upcycling.

L’héroïne de Cannes : Zar Amir Ebrahimi

 

Sacrée prix d’interprétation féminine pour sa prestation dans le film iranien « Les Nuits de Mashhad », l’actrice Zar Amir Ebrahimi est la révélation féminine et l’héroïne de la sélection cannoise cette année. Réalisé par le cinéaste suédois d’origine iranienne Ali Abbasi, « Les Nuits de Mashhad » retrace l’histoire vraie du tueur en série Saeed Hanaei, vétéran de guerre qui s’était investi d’une mission divine en « nettoyant la ville du péché » par le meurtre de prostituées dans la ville berceau du chiisme, Mashhad. Zar joue le rôle d’une journaliste qui enquête sur cette série de 26 meurtres et ose pointer du doigt la misogynie de la société iranienne et le triste traitement qui est réservé aux femmes. A l’instar d’une autre grande actrice iranienne, Golshifteh Farahani, qu’elle a salué dans son discours de remerciements, Zar Amir Ebrahimi a dû elle aussi fuir l’Iran contre son grès, cette fois suite à un scandale de sextape dans lequel elle s’est retrouvée associée à cause de son ex-fiancé avec lequel elle avait rompu. Ce prix d’interprétation féminine, une revanche pour l’actrice iranienne, n’a pas manqué de déclencher la fureur des ayatollahs de son pays d’origine selon qui « Les nuits de Mashhad » présente « une image déformée de la société iranienne et insulte ouvertement les croyances transcendantes des chiites »… ou quand le Festival de Cannes récompense, à juste titre, ceux qui prennent des risques.

Le grand retour de Diam’s

 

C’était l’un des évènements immanquables à Cannes cette année, le retour face caméra de la rappeuse Diam’s, après 10 ans d’absence avec la présentation de son documentaire “Salam” produit par la plateforme BrutX et réalisé avec l’aide de Houda Benyamina (“Divines”, 2016) et Anne Cissé. L’icône des années 2000 qui nous aura ambiancé tant de fois avec ses tubes “la Boulette”, “DJ” et fait bouillonner avec “Marine” dont les paroles 16 ans plus tard n’ont malheureusement pas pris une ride, revient sur son absence. Du lynchage médiatique après la publication d’une photo volée par Paris Match la montrant sortir d’une mosquée voilée en 2009, son combat contre ses troubles bipolaires qui l’ont amenés à des périodes très sombres, à sa conversion à l’islam et son engagement humanitaire qui lui ont permis de trouver une paix intérieure, Diam’s revient sur les raison de son absence avec, en fond, son slam toujours autant on fleek. “Les gens chantaient et me prenaient en photo la musique était tellement forte qu’elle étouffait le crime de mon âme qui criait au secours.” (…) “la salle était pleine et pourtant pour moi tout était vide”. Si Diam’s était absente lors de la projection de “Salam”, elle a livré une interview émouvante de 30 minutes au micro d’Augustin Trapenard pour Brut déjà culte.

La Queer Palme d’Or – “Feu Follet” de João Pedro Rodrigues

 

Loin de nous l’idée de décrypter le festival de Cannes comme une Fashion Week et de ne pas parler cinoche une seule seconde. Dans notre radar cette année, la fantaisie musicale du réalisateur portugais Joao Pedro Rodrigues, “Feu Follet”, dont la sortie est prévue en France en septembre 2022. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs, le film débute en 2069 sur le lit de mort d’un roi portugais sans couronne, avant de revenir à notre époque où surgissent des lointains souvenirs de sa jeunesse. Devant ses parents, le futur roi récite un célèbre discours de la militante écologiste Greta Thunberg et décide de s’engager chez les pompiers, pour éteindre les feux de forêts qui ravagent le pays. Le seul feu que le prince n’éteindra pas sera celui de son désir pour un jeune homme noir de la caserne, avec lequel il vit une histoire brûlante. Drame écologique, homosexualité, racisme, post-colonialisme, … le cinéaste portugais parvient à s’emparer de sujets brulants sans pour autant se brûler les doigts.

Le red carpet vintage de Bella Hadid

 

Depuis son premier passage sur le red carpet de la Croisette en 2016 dans une robe rouge dangereusement fendue signée Alexandre Vauthier Couture, la plus fashion du clan Hadid a fait de chacune de ses apparitions un événement mode. La dernière en date, tous poumons dorés à l’air dans une robe Schiaparelli issue de la dernière collection automne-hiver 2021-22 avait décroché plusieurs mâchoires l’année dernière. Pour cette 75ème édition, Bella a retenu l’attention par un choix de tenues 100% seconde main, composée de robes vintage issues d’anciennes collections de grandes maisons de couture. Dans le panier Vinted “spécial Cannes by Bella Hadid” de cette année : une robe bustier Versace, toute en noir et en drapé printemps-été 1987 crée de la main de Gianni Versace lui-même, une création Chanel automne-hiver 1986-1987 signée Karl Lagerfeld himself ou encore une robe Gucci immaculée avec une ouverture sur une hanche bijoutée de la collection automne-hiver 1996-97 du temps où Tom Ford officiait à la direction artistique de la maison italienne. Est-ce que la top model la mieux payée au monde en 2022 avec quelque 96 millions d’euros de revenus voudrait nous signifier un engagement militant contre la surproduction dans l’industrie de la mode ? On a fort envie d’y croire.

Les statements mode de Bilal Hassani et Aya Nakamura

 

Notre Palme d’Or mode de cette 75ème édition du festival de Cannes c’est, sans contrefaçon, Aya Nakamura, qui est apparue plus belle que jamais dans une robe noire moulante signée Balenciaga lors de la première du dernier James Gray, “Armageddon Time”. Quelques jours après, c’est une autre icône française, Isabelle Hupert, qui foulait le tapis elle aussi avec une des créations en lycra de Demna Gvasalia. Autre statement mode remarqué et assez inattendu, celui de l’artiste Bilal Hassani. Maquillage nude, mulet platine et robe en toile de lin vintage signée Maison Martin Margiela tirée de la collection semi-couture printemps-été 1997, Bilal Hassani a, de son côté, récolté le grand prix du jury de la fashion police à l’occasion de la première du film “Elvis”. Dommage que la plupart des médias aient retenu de cette tenue qu’elle avait contraint Bilal davantage à rester debout dans la berline qui l’accompagnait à la montée des marches.

Aya Nakamura en Balenciaga Haute Couture Automne-Hiver 2021-22