Christian Dior SS24

Si vous aviez encore des doutes sur l’hégémonie mode parisienne, il suffit de jeter un coup d’œil à cette dernière fashion week SS24 qui aura été l’une des plus riches, diverses et poétiques de l’histoire (oui, oui). Entre l’affirmation des grandes maisons (Louis Vuitton, Miu Miu), le retour tonitruant de marques emblématiques (Mugler, Carven) et l’arrivée plus que prometteuse de petits labels (Zomer, Duran Lantink), on n’a qu’une chose à dire : ici c’est Paris !

Une fois de plus Paris a clôturé le fashion month en beauté et ce qui ressort de cette semaine (9 jours en réalité, c’est long) c’est un foisonnement de marques, de collections, de défilés, de soirées et de présentations qui donneraient presque la nausée. Heureusement cette saison, les marques semblent s’être toutes mises d’accord pour nous offrir une échappatoire au monde délétère actuel. Puisque rien ne va vraiment bien (crise climatique, migratoire, économique), autant proposer des univers fantasques et poétiques où le vêtement et le décor deviennent des outils permettant de s’évader. Que ce soit Courrèges et son sol lunaire, Rick Owens et ses pétales de roses, l’invitation vieux bouquin grimoire de Balenciaga, le floral 3D de Marni et Balmain, l’univers fun et coloré du petit nouveau Zomer, Mugler et ses glamazones aériennes et aquatiques ou plus généralement la démarche volontairement lente et éthérée des mannequins (vue entres autres chez Y/Project, Givenchy, Avellano, Dawei, Peter Do…), tout semble indiquer une volonté de nous plonger dans les méandres d’un monde enchanté comme si on était gentiment perché. Après tout, pourquoi pas. Mais attention à la descente…

1. L’hégémonie des titans
Dior SS24

Le féminisme “anti-capitaliste” de Christian Dior
Depuis ses débuts chez Dior, Maria Grazia Chiuri essaye de nous faire passer un message. Cette saison : “Not Her”, des mots, inscrits en jaune sur fond rose, aux quels succèdent toutes les injonctions sexistes faites aux femmes. La scénographie ultra-pop signée par l’artiste Ellena Bellantoni est un énième moyen pour la maison d’aborder de façon plus ou moins réussie la question du féminisme, dégommant au passage la question des clichés féminins portés par la société consumériste et la publicité. Et qui de mieux que la figure de la sorcière pour incarner cette nouvelle femme Dior, remontée contre le patriarcat ? On retrouve aussi du côté du moodboard Jeanne d’Arc, Maria Callas en Médée ou encore Simone Signoret. La collection, elle, reprend les classiques de la maison comme le décolleté asymétrique ou le tailleur bar, mais rehaussés d’une touche de grunge : rouge à lèvres noir et cuir brillant, imprimés ésotériques et denim délavé façon parchemin brûlé. Le clou du spectacle : quand les écrans ont affiché la phrase : “Capitalism won’t take her where she really wants to go. Dior anticapitaliste ? Tu gagues !

Chanel SS24

L’été chill de Chanel
Le chant des cigales, la Villa Noailles, les couleurs pop, le tube Porque te vas, la nouvelle collection Chanel de Virginie Viard est une ode aux vacances à la française avec toute l’insouciance et le kiffe qu’elles comprennent. Le tweed, le jean, le rose, les patterns de fleurs et les rayures horizontales façon tentes de plage ou marinière nous donnent définitivement envie de repartir vers l’été. Le tout en tongs s’il vous plait.

Louis Vuitton SS24

Le voyage gonflé de Louis Vuitton
Chez Vuitton, l’été est sport, vaporeux et soyeux. Le mix and match des rayures pyjamas et de carreaux écossais égaye ce voyage. “La mobilité est importante dans le vêtement”, a commenté Nicolas Ghesquière. Il y a de la légèreté et de l’ampleur dans les volumes, on penserait presque à ces montgolfières rayées et colorées. D’ailleurs, la scénographie en monochrome, une sorte de plastique orange et signée James Chinlund, est censée reproduire l’intérieur de ces toiles. Pari réussi, toute l’assemblée s’est éventée tant il y fait chaud. Les épaules carrées, le vinyle et les bretelles eighties, ajoutent à cette ambiance surannée un tourbillon de vent de folie.

Givenchy SS24

La douceur sexy de Givenchy
Pour la saison Printemps/Été 2024, Matthew Williams a confirmé son savoir-faire dans l’alliance d’une élégance intemporelle et d’un style contemporain en proposant une collection vue comme une ode à l’histoire de Givenchy. Silhouettes alanguies composées de jupes crayons, de longues robes, de longs manteaux, de traînes, avec de la mousseline, de la soie, du cuir… Le tout avec une présence de fleurs abondantes comme un clin d’œil à l’amour d’Hubert de Givenchy et de Matthew M. Williams pour les jardins. Bref, un subtil mélange romantique et sensuel présenté sous une toile blanche épurée au cœur de l’école militaire parisienne et qui restera sans doute comme l’une des meilleures collections de Matthew Williams pour la maison française.

Saint Laurent SS24

Les femmes pionnières voyageuses de Saint Laurent
Toujours prêt à encenser la figure de la femme forte, Anthony Vacarello a proposé cette saison une collection inspirée de femmes pionnières comme Amelia Earhart et Adrienne Bolland, connues pour avoir infiltré des secteurs à prédominance masculine comme l’aviation et la course automobile. Défini par “la simplicité et un retour aux fondations”, la collection proposait une série de looks de jour d’inspiration couture fusionnés avec des silhouettes amples et des versions féminines des styles de vêtements masculins traditionnels (sahariennes, combinaisons, tailles ceinturées, talons hauts, gants en cuir…). Gros coup de coeur pour la palette de couleurs qui puise dans les nuances de la terre (olive, marron, sable, craie, lie-de-vin, ocre).

Hermès SS24

Le jardin enchanté d’Hermès
Toujours dans l’idée de nous transporter dans un univers poétique et suspendu, Hermès a choisi cette saison d’emmener ses invités à un weekend à la campagne grâce à une allée couverte de végétation composée de fleurs, d’herbes et de plantes de toutes sortes. Côté vêtements, on retrouve des nuances de café, de rouge, de gris pierre , de blanc et de noir. Avec en prime, une musique d’ambiance accompagnée du chant des oiseaux et des mannequins qui portaient des sacs remplis d’herbes, comme si elles étaient allées cueillir quelques fleurs avant le début du show. Plus champêtre, tu meurs.

Miu Miu SS24

La bourgeoise dévergondée de Miu miu
En termes de designers, Miuccia Prada fait sans aucun doute partie des intellos de la bande et sa dernière collection SS24 pour Miu Miu, inspirée par la “logique de la beauté” en constante évolution nous le prouve une fois de plus. Résultat, on a eu droit à un savant mélange de style marqué par les superpositions inattendues et parfois déroutantes mais qui font la marque de fabrique de Miu Miu : des minijupes taille basse, des blazers, des chemises raccourcis, des ceintures à logo visible, des trenchs, des slips de bains visibles au-dessus de la taille (oui, oui), des bombers, des ornements, du doré, du cuir… Le tout sur des mannequins à l’allure de secrétaire/bibliothécaire aux cheveux gras et grosses lunettes. En vrai, l’inspi c’était la bourgeoise en vacances un peu débraillée qui tombe amoureuse du surfeur du coin (d’où le slip de bain). Un mood.

2. Les grands comebacks
Mugler SS24

Mugler
Après plusieurs années d’absence dûes aux caprices de Miss Rona, Mugler et Casey Cadwallader sont enfin revenus au calendrier officiel et l’attente valait le coup. Ici Cadwallader a probablement proposé l’une de ses meilleures collections inspirée de sa “profonde curiosité pour le monde naturel”. S’appuyant sur sa passion d’enfance pour la biologie marine, Casey a imaginé une collection qui associe les créatures des grands fonds à une célébration de la forme féminine. S’inspirant d’espèces exotiques comme les oursins et les méduses, le SS24 de Mugler était axé sur la fluidité et le mouvement. Mais au-delà de la collection, c’est le show en lui-même qui marquera l’histoire de la mode avec une foule en délire qui hurlait d’extase pendant que les mannequins marchaient ventilos pleine face telle une Beyoncé en pleine montée de fierceness. OVAH.

Carven SS24

Carven
Après des années de flottement, Carven semble enfin sur la bonne voie. Notamment grâce à l’arrivée de Louise Trotter (anciennement Lacoste) à la tête de la direction artistique. La designer revient donc en force dans le calendrier avec une collection mettant l’accent sur des architectures douces et des volumes soignés, qui dégageaient une impression de finition sans fioritures. Le choix des matières, notamment les laines, les soies et les cotons, donnait clairement une sensation de qualité et de confort. Baptême du feu réussi.

Y/Project SS24

Y/Project
On sait, Y/Project n’a pas quitté le calendrier mais la marque est tout de même revenue à la semaine plus chargée du womenswear (alors qu’elle avait pour habitude de défiler pendant l’homme ces dernières années). Malgré tout, Glenn Martens aura réussi à sortir son épingle du jeu et à s’imposer une fois de plus comme l’une des maîtres de la création et de la confection avec une collection mélangeant du denim teint, des inspirations reptiliennes, des trenchs beiges surdimensionnés dotés de capuches, des tops tordus et noués sur le devant pour être comme déformés, ou encore des blazers et des pantalons habillés adoptant un motif flamboyant en all-over. Du grand Glenn.

Casablanca SS24

Casablanca
Pour la toute première fois, la marque Casablanca de Charaf Tajer a rejoint le calendrier du womenswear de Paris, pour présenter une collection pop célèbrant la vitalité du Nigeria, de sa jeunesse et de son dynamisme, ainsi que de son talent révolutionnaire en matière de design et de son potentiel inégalé. Représentée par de riches palettes de couleurs coucher de soleil, des coupes impeccables et des imprimés dégradés, la ligne Casablanca printemps-été 2024 a repris les styles emblématiques de la marque et les a ravivés, avec notamment des vestes en jean, des sacs en bambou et des chemises en soie.

3. Les bonnes surprises en marge du calendrier officiel
AlainPaul SS24, AlainPaul SS24, AlainPaul SS24, Zomer SS24, Zomer SS24, Zomer SS24.

Cette saison, Paris aura aussi brillé avec ses défilés présentés en marge du calendrier officiel de la fashion week (les shows “en off”). D’abord avec Zomer, la toute nouvelle marque d’Imruh Asha et Danial Aitouganov qui a apporté un véritable vent de fraîcheur dans la capitale avec une première collection aboutie, colorée, fun et audacieuse avec des robes souples en cuir, des manteaux parfaitement ajustés ou des pantalons cousus avec des bandes de couleurs. Il y a eu aussi le jeune créateur AlainPaul qui a fait des débuts remarqués à la Fashion Week de Paris avec un premier défilé genderfluid, entre tailoring radical et inspirations issues de danse classique, organisé au Théâtre du Châtelet. On pense aussi à la marque Miaou qui a présenté une super collection rendant hommage à l’esprit badass girl de la marque avec des inspis boxeuse/bikeuse/surfeuse. Sans oublier la créatrice britannique d’origine nigérianne et brésilienne Torishéju, toute nouvelle venue qui a présenté le dernier jour de la fashion week sa collection “Fire on the Mountain”, prouvant sa maîtrise du style, de la confection et du tailoring. Bonus : c’est Naomi en personne qui a ouvert le show.

Miaou SS24, Miaou SS24, Miaou SS24, Torishéju SS24, Torishéju SS24, Torishéju SS24.
4. Le fantasque et la poésie retrouvé·e·s
Rick Owens SS24

Rick Owens
Rick Owens est revenu en force à la Fashion Week de Paris, investissant une nouvelle fois l’emblématique Palais de Tokyo pour un défilé qui a littéralement envoyé dans le ciel des fumigènes roses et jaunes avec une floppée de pétales de roses. S’inspirant de l’artiste islandaise Björk, la collection évoquait l’idée d’une certaine « joie quotidienne » et proposait une série de vêtements sculpturaux avec des bottes à plateforme extrêmes et des couvre-visages, des variations de cuir, des soies fluides et des embellissements. Et pendant tout le show, c’est le morceau “I still believe in love” qui jouait en fond. Optimism much ?

Loewe SS24

Loewe
Pour la saison SS24, Loewe est revenu à son spot habituel et emblématique du Château de Vincennes. Et comme d’hab, on a eu droit à des proportions ludiques et des détails d’accessoires uniques : tissus transparents sensuels, chaussures contemporaines de style gladiateur, ballerines scintillantes, grosses sandales à lanières, mailles XXL arborant des boutons dorés géants ou pantalons taille ultra haute, le tout dans un jeu de proportions unique en son genre et propre au délire créatif de JW Anderson. 10s across the board.

Courrèges SS24

Courrèges
Une nouvelle saison et un nouveau slay de Nicolas di Felice. Pour le printemps-été 2024, le créateur belge continue d’enrichir sa vision de Courrèges en remettant cette fois-ci en question la silhouette d’habitude plus stricte et plus géométrique de la maison. Ici, Di Felice s’adoucit et propose un look plus fluide et ultra-sensuel avec des silhouettes expérimentales. Ainsi des robes polo amples, des gilets Harrington oversize et des vestes de motard ont été déconstruites et réassemblées de manière asymétrique ; et les décolletés (plongeant AF) ont été modifiés pour donner d’autres contours au corps. Sans oublier le fait que les mannequins, telles des amazones éthérées à la force tranquille, marchaient sur un sol lunaire qui se craquelait littéralement sous le poids de leurs pieds. Major.

Schiaparelli SS24

Schiaparelli
Fidèle à l’ADN barré de la maison, Daniel Roseberry s’est inspiré de l’univers théâtral de la fondatrice de la maison, Elsa Schiaparelli. Les pièces clés de la collection comprenaient une jupe noire qui présentait un graphique de poisson surréaliste inspiré de Dali, des influences aquatiques, un homard doré grandeur nature ou encore un crabe aux proportions similaires, des couvre-chefs élégants et des robes à l’allure couture. Clou du spectacle : Kendall Jenner qui clôture le show en portant une robe rouge écarlate conçue de quelques milliers de faux ongles. On fleek.

Valentino SS24

Valentino
Le défilé Printemps/Été 2024 de Valentino à la Fashion Week de Paris était entièrement consacré au corps. Visant à célébrer la féminité et l’humanité, la collection se voulait comme un encouragement à se sentir bien dans sa peau, loin du “regard masculin ou des attentes sociétales”. Selon la note d’intention du défilé, “la nudité est présentée comme un état naturel plutôt que comme un moyen de provocation”. Résultat, on a vu des découpes, des tissus transparents et des formes sculpturales, présentés au travers d’une nouvelle technique baptisée “Altorilievo” (haut relief). qui visait à sculpter le tissu dans de multiples dimensions pour créer des formes naturalistes, encadrant le corps nu et en l’enveloppant. Un concept renforcé par une performance live de FKA twigs, mettant en scène des modèles vêtus de vêtements couleur chair.

5. La flamboyance de la jeune garde
Weinsanto SS24, Weinsanto SS24, Germanier SS24, Germanier SS24, Nina Ricci SS24, Nina Ricci SS24.

Qu’on se le dise, en termes de couture flamboyante et spectaculaire, la relève est assurée grâce des jeunes créateur·rice·s tel·le·s que Germanier, Weinsanto ou encore Harris Reed pour Nina Ricci. Chacun·e à leur manière, il·elle·s ont présenté des silhouettes fantasques et flamboyantes qui nous en mettent plein la tronche. Chez Nina Ricci, on a eu droit à une vague fantaisiste de glamour et d’esprit couture juste ce qu’il faut de camp soutenue par un casting phénoménal (Precious Lee, Ashley Graham). Côté Weinsanto, on a pu voir une collection plus mature du jeune créateur alsacien intitulée “Perfect Day” et pensée comme une réflexion personnelle sur le jour parfait du mariage. On y a retrouvé tout le fun, le fantasque et la maîtrise du jeune créateur qui s’impose de saison en saison comme l’un des gars sûrs de la nouvelle génération. Enfin Germanier, notre petit chouchou suisse, est revenu, après une collection SS24 en demi-teinte, à ce qu’il fait de mieux : à savoir une collection totalement upcyclée avec quelque chose de beaucoup plus “radical et in your face” tout en restant toujours aussi ludique, joyeux et festif. On vit (que) pour ça.

6. Les toutes premières fois
Peter Do SS24, Peter Do SS24, Peter Do SS24, Marni SS24, Marni SS24, Marni SS24.

C’est leur première fois à Paris, ou leur première fois tout court et on salue ces baptêmes du feu accomplis avec brio. D’abord Marni, avec à sa tête, Francesco Risso qui se sent “d’humeur flâneuse”. Après New York et Tokyo, la marque vient renaître à Paris et plus particulièrement dans l’hôtel particulier de Karl Lagerfeld, avec une collection arc-en-ciel, vitaminée comme un paquet de Skittles et électrifiée par des variations extrêmes des proportions, parfois mini, parfois maxi. “Nous devrions déshabiller nos esprits et rhabiller nos sens.”, a commenté Francesco Risso, et ça fait sens. Dans un style plus minimaliste, Peter Do a (encore) frappé, avec son sens du graphisme et du tailoring chic, c’est droit, clair, net et précis, un peu à l’image de cet insatiable créateur qui a soufflé en backstages vouloir “faire des vêtements d’adultes”. Lauréat du prix spécial de l’ANDAM, Duran Lantink a présenté son premier défilé au calendrier officiel. La collection, tout en fleurs et en rondeurs, tels des bouées de sauvetage sont autant de silhouettes difformes qui font la signature du créateur allemand et qui questionnent notre rapport à la norme. Parmi les petits nouveaux, on applaudit également le travail de Marie Adam-Leenaerdt. Cette jeune designer belge a présenté à la maison des métallos, une collection composée de power suits, de robes fluides et pièces sculpturales.

Marie Adam-Leenaerdt SS24, Marie Adam-Leenaerdt SS24, Marie Adam-Leenaerdt SS24, Duran Lantink SS24, Duran Lantink SS24, Duran Lantink SS24. 
7. Les adieux émotions
Alexander McQueen SS24, Alexander McQueen SS24, Alexander McQueen SS24, Chloé SS24, Chloé SS24, Chloé SS24.

Après quatorze ans de bons et loyaux service pour la maison McQueen, Sarah Burton qui a succédé au créateur après sa mort, a fait ses adieux avec une collection mettant à l’honneur la quintessence de l’identité de la maison : des corsets, de la broderie baroque, des fleurs volumineuses, de la texture “blood like”. L’émotion, plus que palpable, a même gagné Anna Wintour qui a enlacé Sarah Burton et arraché une larme à Naomi Campbell alors qu’elle foulait le catwalk. Autre départ marquant, celui de Gabriela Hearst après trois années passées chez Chloé. Le défilé s’est terminé dans la joie et a pris des airs de fête au rythme de la samba, jouée par l’école de Mangueira. La créatrice d’origine uruguayenne et connue pour son engagement écologique a encore une fois fait honneur aux matières, du cuir, des fleurs en trois dimensions, aux franges et à la légèreté qu’incarne la femme Chloé. On lui souhaite bon vent !

8. Normal People
Balenciaga SS24

De New York à Milan, les castings et leur diversité étaient scrutés de près. Si la plateforme Tagwalk, experte en datas mode, calcule une augmentation de 23% des modèles plus size sur les podiums milanais, à vue de nez, Paris doit être légèrement au-dessus. Même si ce n’est toujours pas assez (allez, encore un effort), on ne peut que saluer ceux qui sautent le pas, à commencer par Balenciaga et son casting très “normal people”. “Les gens qui ont compté dans ma vie personnelle et professionnelle”, précise Demna Gvasalia qui a réuni sa mère, la journaliste Cathy Horyn, la créatrice Linda Loppa, son mari Loïck Gomez ou encore Yseult, premier modèle plus size à défiler pour Balenciaga. En parlant de plus size, Casablanca, Atlein, Chanel, Ottolinger, Alexander McQueen ou encore Nina Ricci avec la queen Ashley Graham, tous se sont ouverts à l’inclusivité. Mais y’a pas que la taille qui compte. Après Christy Turlington à New York et Claudia Schiffer à Milan, c’est au tour d’Helena Christensen et Amber Valetta chez Mugler de représenter la génération “senior”. Oui les personnes de plus de 45 ans dans la mode, ça existe.

Chanel SS24, Nina Ricci SS24, Mugler SS24, Coperni SS24, Casablanca SS24.
9. Libérez les corps !

Si la nudité est un marronnier de l’été, les collections printemps-été 2024 lèvent définitivement le voile sur le corps. Que ce soit par l’audace de la transparence, le statement “no pants” ou encore l’énergie nombriliste qui consiste à montrer le ventre : tou·te·s à poil !

Carven SS24, Coperni SS24, Victoria Beckham SS24, Sacai SS24.

En toute transparence
Carven, Coperni, Sacai ou encore Victoria Beckham, la mousseline enrobe les corps en toute transparence avec un focus sur les jambes, que l’on devine sous ces voiles de légèreté et de faux semblant.

Casablanca SS24, Stella McCartney SS24, Dries van Noten SS24, Vaillant SS24, Paloma Wool SS24.

Culottées AF
Au cœur des collections milanaises, la culotte marque aussi son territoire à Paris notamment chez Vaquera, Vaillant, Paloma Wool ou encore Isa Boulder. Chez Stella McCartney, Dries Van Noten ou Casablanca, on l’habille d’un manteau mi-long histoire de rappeler qu’elle s’assume aussi en ville.

Dries van Noten SS24, Christopher Esber SS24, Acne Studios SS24, Atlein SS24, Isabel Marant SS24

Show me your belly
A l’été 2024, le nombril sera bien le centre du monde. Qu’on le dévoile par un décolleté ultra plongeant, à l’aide du combo crop top-taille basse ou de cut outs suggestifs, go montrer les abdos ou les bourrelets comme chez Acne Studios, Dries Van Noten, Courrèges, Christopher Esber, Isabel Marant, Maitrepierre, Atlein, Torisheju, ou encore Didu.

10. You can buy yourself flowers
Balmain SS24

Plus qu’un simple imprimé, pour l’été 2024, les fleurs construisent les vêtements. Chez Balmain, l’important c’est la rose, mais pas que : les bouquets colorés ornent les robes et les bustiers tout en transparence. Un retour aux ornements couture qui apportent un peu de romantisme et de sensibilité dans ce monde de brutes. Idem Chez Akris, Valentino, Christian Cowan ou Chloé, où les empiècements de fleurs deviennent le vêtement eux-mêmes. Le bouquet ultra précieux de Loewe et la “robe-serre” d’Undercover redonnent à la nature sa place centrale. C’est le bouquet !

Christian Cowan SS24, Loewe SS24, Akris SS24, Chloé SS24, Valentino SS24.
11. Remettez-en une couche
Ottolinger SS24, Heliot Emil SS24, Maison Margiela SS24, Gauchère SS24,  Rokh SS24.

Vous pensiez être débarrassé.e.s du layering ? Il va falloir en remettre une couche. Qu’elle soit cacophonique comme chez Maison Margiela ou Ujoh ou épurée comme chez Ottolinger, Rohk, Gauchere et Heliot Emil, cette manie de superposer les différentes épaisseurs cachent souvent un jeu de matières et d’imprimés, voire de transparences. Une façon de rendre complexe une apparente simplicité. Vous allez en tenir des couches.

12. Tokyo à Paris

Si vous lisez toujours ce décryptage de la Fashion week parisienne SS24, c’est que vous êtes un·e passionné·e, un·e vrai·e. Vous savez déjà que les créateur·rice·s japonais·es occupent une place prépondérante dans le calendrier depuis que des figures emblématiques comme Kenzō Takada, Issey Miyake dans les années 70, puis Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto dans les années 80, ont véritablement bouleversé l’industrie de la mode, alors haute en couleurs. Aujourd’hui, si ces légendes sont toujours au rendez-vous, il est intéressant de noter que cette année encore, les marques japonaises étaient la deuxième nationalité la plus représentée au calendrier officiel des défilés (la première étant évidemment française). À cela s’ajoutent deux anniversaires symboliques, les 80 ans de Yohji Yamamoto et 81 pour Rei Kawakubo, respectivement les 3 et 11 octobre. De quoi donner envie de s’y pencher de plus près.

Comme des Garçons SS24, Noir Kei SS24, Junya Watanabe SS24, Undercover SS24, Anrealage SS24.

Fashion school of Drama
Si le crew de Comme Des Garçons, avec Junya Watanabe et Noir Kei Ninomiya, nous a encore régalé·e·s avec de nouvelles prouesses en termes de volumes, de matières et de techniques, c’est Undercover qui a remporté l’Oscar du Drama avec un final auquel personne ne s’attendait. De l’obscurité sont sorties 3 silhouettes mystérieuses, dont les jupes éclairées de l’intérieur révélaient un microcosme féérique dans lesquels volaient des papillons. Big up pour Anrealage et son créateur Kunihiko Morinaga, qui a encore repoussé les limites de sa technologie photochromique, en faisant naître la couleur à partir d’une base en PVC transparente et incolore.

Issey Miyake SS24, CFCL SS24, Mame Kurogouchi SS24, Sacai SS24, Undercover SS24.

Sense & Sensibility
Un langage radicalement plus romantique, sensuel et délicat s’est aussi imposé cette saison. La peau se dévoile par jeux de transparence chez Issey Miyake, dont les 3 premiers looks n’étaient pas sans rappeler les drapés d’une statue de marbre, comme la Vierge voilée de Strazza. On continue sur le champ lexical de la sculpture chez Mame Kurogouchi, qui s’est inspirée de l’éclat et la délicatesse de la glaçure des porcelaines japonaises Imari. Coup de cœur pour la déclinaison preppy de cette légèreté et sensualité chez Sacai qui proposait un vestiaire plus radical et fonctionnel.

Yohji Yamamoto SS24, CFCL SS24, Ujoh SS24, Issey Miyake SS24, Undercover SS24.

Attenzione pick jackets !
Il y a eu beaucoup de citations à l’histoire du tailleur, avec notamment Yohji Yamamoto et ses clins d’œil à Chanel, les tailleurs over oversize d’Issey Miyake à rendre jaloux les Zooter dans les années 40, ou encore Undercover et ses tailleurs “boîtes à souvenirs”. À l’inverse, certains·es créateur·rice·s se sont radicalement tourné·e·s vers l’avenir, avec par exemple CFCL qui s’est inspirée du projet architectural saoudien futuriste (et polémique) The Line. Déconstruction tout aussi architecturale chez Ujoh avec des jeux d’asymétries et de superpositions.