Après une “vilain era” où il était de bon ton d’avoir l’air méchant, aussi bien sur les podiums de mode que sur la scène géopolitique, il semblerait qu’une force contraire vienne contrecarrer le mal : la gentillesse. Au mois de juin dernier, lors de la Fashion Week de Milan, Prada présentait sa collection Homme printemps-été 2026. Des chants d’oiseaux, des bruits de vagues, des tapis moelleux en forme de fleurs, des couleurs douces et des mots-clés livrés par le duo Miuccia Prada et Raf Simons pour résumer cette collection : “Calme, gentil, doux,” selon Miuccia Prada. Et Raf Simons de compléter : “Parfois, il est bon de réfléchir et d’être un peu plus calme”. Plus concrètement, dans cette collection, les vêtements, les shorts bouffants façon bloomer (qui font échos à la candeur de l’enfance), les teintes douces – du rose pâle, du bleu ciel, du vert menthe à l’eau et du jaune soleil, s’affranchissent des codes structurés du luxe en se tournant plutôt vers le sensoriel, la spontanéité et la douceur. Pas étonnant que la collection elle-même se nomme “A change of tone”, puisqu’on semble effectivement assister un peu partout à un changement de ton, motivé par une volonté de se radoucir et de mieux se conduire.
Clamer sa gentillesse
Cette année, le cinéma français a aussi été trusté par les gentils, à commencer par le discours de Karim Leklou à la cérémonie des César. Monté sur scène pour recevoir le prix du Meilleur Acteur pour son rôle dans “Le roman de Jim”, l’acteur déclarait : “Je reviens vers vous messieurs Larrieux (réalisateurs du film, ndlr), et je vous remercie d’avoir fait cet éloge de la gentillesse. Je crois que c’est une qualité qu’on ne met jamais assez en avant. (…) À tous les gentils !” Quelques semaines plus tard, Vincent Dedienne, invité dans l’émission Youtube de Mcfly et Carlito, ouvrait à son tour le débat sur le fait que dire à quelqu’un qu’il est gentil est un compliment : “Je sens que ça va à nouveau être la mode des gens vraiment gentils”, a affirmé le comédien en évoquant notamment le discours de Karim Leklou aux César.
L’autre gentil du moment que tout le monde adule côté cinéma, c’est Pedro Pascal. Outre son talent, son physique et son sens du style, l’acteur s’est fait une renommée internationale ces derniers mois grâce à ses prises de positions radicales en soutien à la cause féministe et à la communauté LBGTQIA+ (comment oublier le moment où il a arboré son t-shirt pro-trans “Protect the dolls” créé par label Conner Yves ?). C’est simple, pour un bon nombre de fans, il serait la gentillesse incarnée. Une impression confirmée par sa sœur transgenre, Lux, au micro de The Hollywood Reporter lors des Platino Awards à Madrid, en avril dernier. “J’ai toujours su qu’il était une superstar. C’est drôle parce que les gens me demandent s’il est aussi gentil qu’on le pense. La réponse est oui !”.
Une prise de parole qui fait écho à celle du réalisateur norvégien Halfdan Ullmann Tøndel lors du Biarritz Film Festival – Nouvelles Vagues 2025 organisé en juin dernier. Président du jury, le cinéaste avait tenu à remercier, lors de son discours de clôture, les autres membres du jury en relevant leurs nombreuses qualités humaines et particulièrement “leur gentillesse, vertu trop souvent négligée de nos jours”. CQFD.