Dimanche 22 mai, Balenciaga a présenté son défilé resort 2023 au sein de la bourse de New York. Soit son tout premier show organisé en dehors de Paris. L’occasion pour la marque de présenter sa nouvelle ligne haut-de-gamme “Garde-Robe” ainsi que sa collab avec adidas, le tout bien sûr en faisait un clin d’œil subversif et ironique (Demna oblige) au pouvoir de l’argent malsain.

Il n’y a probablement que Demna, le directeur artistique de Balenciaga, pour squatter l’antre de la finance américaine capitaliste et impérialiste : la bourse de New York à Wall Street. Mais, rassurez-vous, on n’était pas vraiment sur une manif façon Occupy Wall Street qui cherchait à dénoncer la spéculation, la mainmise des ultra-riches sur le capital ou les dérives de la mondialisation. Non, il s’agissait surtout de promouvoir la dernière collection d’une marque de luxe française appartenant au groupe Kering dont les bénéfices ont augmenté de 35% en 2021 pour un total de 17,7 milliards d’euros

Après avoir cherché à dénoncer les inactions des politiques face au changement climatique, le creux de la culture de la célébrité ou encore la guerre et la crise des réfugiés, Demna “s’attaque” maintenant au pouvoir de l’argent tout en présentant une collection destinée aux plus fortuné.e.s et privilégié.e.s. Logique. C’est bien lui qui a d’ailleurs récemment déclaré que “l’argent est le fétiche ultime”. Un sens de la provoc’ propre à Demna qui est une fois de plus allé encore plus loin puisque la marque a même envoyé comme invitation à ses convives un sac en papier rempli d’une liasse de faux billets de 100 dollars. L’obsession pour la money et la cupidité capitaliste via le vêtement, voilà donc les maux du siècle à critiquer. Ovah ! C’est Karl Marx qui doit être fier de voir que sa théorie a réussi à s’infiltrer dans les plus hautes sphères de la mode. Mais à quel prix justement ?

En elle-même, la collection présentait dans sa première partie une nouvelle ligne baptisée “Garde-Robe”. Moins exclusive que la couture mais plus élevée que le prêt-à-porter, Garde-Robe mise sur les matières luxueuses et les finitions pointues, avec un véritable ADN parisien. Réinventées avec de nouvelles proportions généreuses à la Demna – et en majorité en noir -, les silhouettes étaient composées de chemisiers aux épaules puissantes et nœuds lavallière, de jupes et de pardessus en croco gaufré, de trenchs soyeux, de smokings reconstitués et de longues robes moulantes. Du Balenciaga tout craché. Dans la deuxième partie, on a eu droit au dévoilement de la collab avec adidas (survêt’, sacs, accessoires, tracksuits etc). Après Gucci (une autre marque du groupe Kering), l’équipementier sportif a donc eu droit à un nouveau petit partenariat avec une maison de luxe (d’ici à ce que François Pinault le rachète et l’ajoute à son conglomérat de marques , il n’y a qu’un pas qui semble déjà avoir été franchi).

Mais ce qui a sans doute marqué davantage le show Balenciaga Resort 2023, ce sont les masques kinky BDSM noirs en caoutchouc portés par toute la cabine de mannequins. Une façon de faire passer le message selon lequel l’argent et le capitalisme nous feraient souffrir (no shit…). Mais bon, relativisons. En vrai, ce n’est pas bien grave puisqu’on est de toute façon consentant.e.s, qu’on aime se faire battre et qu’en plus on en redemande en rachetant toujours plus de fringues. Bref, c’est comme ça avec Demna : il nous balade en nous mettant face à nos contradictions, à nos fétiches et à nos perversions tout en déclenchant chez nous un questionnement et une incertitude qui ne durent qu’un temps : “Est-ce que tout cela a finalement un sens ?”. Spoiler : non. En revanche, ce qui est certain en tout cas avec Demna, c’est que la ligne entre critique sérieuse et constructive versus provoc’ gratuite et outrancière est extrêmement fine et qu’on ne sait jamais véritablement où mettre les pieds. Like litteraly comme dirait Kim et comme l’illustre le tout nouveau modèle de sneakers Balenciaga volontairement sales, usées et trouées façon SDF de la colline du crack actuellement vendues à près de 1500 euros…