“America$$ Most Wanted” by The Williams Twins

Présidé cette année par le designer américain Willy Chavarria, le festival du film de mode “A Shaded View on Fashion Film” (ASVOFF) revient à Paris pour une 17ème édition placée sous le signe de l’humanisme et de l’engagement. Un rendez-vous unique où sont célébrés les liens entre cinéma, créativité et conscience contemporaine.

Du 13 au 16 novembre, le festival du film de mode et de culture fondé par l’iconique Diane Pernet reprend ses quartiers au Dover Street Market Paris. Dans un climat politique et social de plus en plus conservateur, ASVOFF 17 devient, pendant 4 jours, l’espace privilégié d’une expression libre, ouvert aux formes hybrides et indépendantes du cinéma créatif. Cette édition mettra en lumière des thématiques essentielles comme la santé mentale dans la mode, les regards et récits de créatif·ive·s racisé·e·s, les films générés à l’aide de intelligence artificielle, la lutte contre le réchauffement climatique, l’activisme par l’image, ainsi que des sélections consacrées aux films venus de Chine et aux travaux d’étudiant·e·s.

Diane Pernet by Fabrizzio del rincon
WILLY CHAVARRIA BY GUSTAVO GARCIA VILLA
Un festival inclusif sous la houlette d’un président engagé

 

Aussi audacieuse qu’évidente, la nomination de Willy Chavarria à la présidence du jury d’ASVOFF 17 confirme une fois de plus l’intuition de Diane Pernet, grande prêtresse du style avant-gardiste et véritable orchestre de coups de génie. Comment oublier ce selfie presque prophétique, pris en 2018, où la marraine de la jeune création rassemble autour d’elle Julian Klausner, Pieter Mulier et Matthieu Blazy, appelés à devenir respectivement les directeurs artistiques star de Dries Van Noten, Alaïa et Chanel ? Si ce cliché a enflammé la blogosphère mode en 2025, Diane Pernet rappelle volontiers qu’elle avait déjà assuré la présence de Willy Chavarria (que Mixte a rencontré pour son numéro FW25 Storytellers) à ASVOFF 17 bien avant que le créateur américain ne fasse sensation à Paris cette année. “Il incarne parfaitement l’ADN du festival, c’est-à-dire la vie, le travail et l’émotion” confie la dame en noir, pour qui les liens entre mode, engagement et sensibilité sont indissociables.

Originaire de Huron, en Californie, le jeune Willy a d’abord étudié les arts graphiques avant de trouver dans la mode un médium plus inspirant afin d’explorer les notions de dignité, d’identité et de communauté. À la croisée du tailoring sculptural et de la culture chicano, le vestiaire de sa marque éponyme fondé en 2015 marie puissance politique et sensibilité cinématographique, transformant chaque collection en un véritable manifeste. Couronné Designer of the Year aux CFDA Awards en 2023 et 2024, puis inscrit au classement TIME 100 des personnalités les plus influentes au monde en 2025, le créateur américain, aux racines irlandaises par sa mère et mexicaines par son père, a également remporté le Grand Prix d’ASVOFF 16 l’an dernier. Son retour en tant que président du jury apparaît ainsi comme une manière élégante de boucler la boucle, tout en insufflant au festival une ligne éditoriale guidée par l’authenticité et la vulnérabilité. “La mode ne doit pas fuir la réalité. Elle doit embrasser la douleur comme la beauté, et tout ce qui existe entre les deux. C’est là que réside la dignité de notre humanité commune”, affirme Willy Chavarria, aujourd’hui figure majeure d’une mode consciente et inclusive, pour qui le vêtement n’est pas un simple ornement, mais une prière en mouvement, un acte d’amour adressé à celles et ceux que l’on n’entend jamais.

“Sometimes My Body Feels More Like An Image” de Zishu Wang
La santé mentale et l’intelligence artificielle sous les projecteurs

 

Cette année encore, la programmation du festival ASVOFF va vibrer au rythme de thématiques qui font miroir à nos sociétés contemporaines et poussent à réfléchir aux moyens d’appréhender certains enjeux. Véritable problème dans l’industrie de la mode où le glamour masque souvent la pression, les conditions de travail instables et des idéaux de perfection destructeurs, la santé mentale peine à être discutée et prise au sérieux. À travers son initiative Mental Health in Fashion, l’universitaire et curateur Florian Müller pointe du doigt ces contradictions et offre des canaux d’expression via le cinéma. “La curation de courts-métrages et de films parlant de santé mentale dans la mode met en lumière ces défis et plaide pour un changement structurel, pas seulement pour la résilience individuelle”, plaide-t-il. Projetée le 15 novembre, sa curation qui inclut notamment le film “sometimes my body feels more like an image” de Zishu Wang met en avant les histoires invisibilisées et donne ainsi la parole à celleux qu’on refuse d’écouter. Entre troubles alimentaires, violences, surmenage et objectifs de rendement impossibles, ces courts-métrages révèlent les mécanismes qui pèsent sur le bien-être des acteur·rice·s de la mode.

“LA PASSARELLA D’ADDIO” de GIL GAVRIEL BENGY

À ASVOFF 17, l’avenir se conjugue aussi avec les nouvelles technologies. Curatée par Pedro Guez, la catégorie Films Générés par l’IA explore la rencontre entre intelligence artificielle et imagination humaine. Dans un monde où la technologie redéfinit l’expression artistique, cette sélection offre aux cinéastes et artistes un espace pour expérimenter le potentiel narratif et esthétique de l’IA comme prolongement de l’esprit créatif. Quitte à devoir vivre avec son temps, autant injecter un brin d’humanité aux algorithmes. “L’IA générative ouvre d’extraordinaires possibilités créatives, mais sa véritable valeur n’émerge que lorsqu’elle est guidée par la sensibilité humaine”, rassure Guez. ASVOFF invite le public à réfléchir à la manière dont l’art généré par l’IA peut questionner les conventions, inspirer l’empathie et nous reconnecter à ce qui nous rend humains, l’imagination elle-même.

“Female” de Konstantinos Menelaou

Toujours fidèles au poste, les sélections Climate Warriors, Fashion Activism, Cinéma chinois, Talents étudiants, Black Spectrum (qui inclut entre autres les film “MRCY – FLICKER” de Dumas Haddad et “America$$ Most Wanted de The Williams Twins) ou encore Queer Archive ne manqueront pas de diriger le regard des spectateur·rice·s vers la marge. De l’avis de Konstantinos Menelaou, curateur et réalisateur, dont le film “Female” sera projeté en avant-première parisienne à ASVOFF 17, “les films queer sont essentiels car ils enrichissent nos imaginaires narratifs, réécrivent ce qui a été effacé et ressuscitent ce qui a été réduit au silence. Les rassembler constitue à la fois une célébration et un acte de résistance.”

“Quant, the story of an icon”by Sadie Frost
“Quant, the story of an icon”by Sadie Frost
Hors compétition, des projections et des rencontres enrichissantes

 

En marge de la compétition qui verra un jury composé de Marc Ascoli, Martine Sitbon, Fecal Matter, Manish Arora, Pam Hogg, Irina Pantaeva, Eric Daman, M.J. Harper, Ly.As, Pierre A. Mpele (Pam Boy) et Gena Marvin départager une trentaine de courts-métrages afin de récompenser les productions les plus touchantes, ASVOFF 17 projettera en film d’ouverture “Mademoiselle C” de Fabien Constant, une lettre d’amour à la plus iconique des rédactrices de mode française, Carine Roitfeld, suivie de “FERVOR”, une performance de l’artiste Flavio Juan Nunez. “Heart of the Valley” de Carlos Jaramillo, film tourné à Huron (la ville natale de Willy Chavarria) et qui brosse un portrait saisissant de la communauté chicano si chère au cœur du designer, aura une place de choix en clôture des festivités le 16 novembre. Autre moment à ne pas rater, la conversation intitulée “Willy Chavarria et Matte Projects : The Art of Collaboration”, modérée par Pascal K Douglas, le même jour à 15h30.

ASVOFF 17, du 13 au 16 novembre 2025, Dover Street Little Market, 35-37 Rue des Francs Bourgeois, Paris 4e. Pass 1 jour tarif réduit : 12€ / Pass 1 jour à partir de : 19€ / Pass VIP 3 jours à partir de 29€. Réservation sur filmfreeway.com. Plus d’infos sur ashadedviewonfashion.com.