Mixte. Le ballet, son esthétique mais aussi sa rigueur et ses codes, ça a toujours été une évidence pour vous ?
H.B. Mon tout premier cours de danse étant enfant, c’était un cours de modern jazz. Je n’ai pas aimé car je ne me retrouvais pas du tout dans cette manière de bouger. J’ai alors essayé le cours de danse classique, qui était enseigné aux mêmes horaires, et là, c’était une toute autre chose : j’ai tout de suite adoré l’harmonie, l’élégance, les lignes,… mais aussi la rigueur et l’exigence. Comme je suis ensuite rentrée très jeune à l’école de danse de l’Opéra de Paris, j’ai toujours baigné dans cette rigueur, qui est inhérente pour moi au ballet. J’apprécie réellement ce rapport à l’exigence et j’attends maintenant de moi une certaine perfection.
J-L.Q. Je suis vraiment un enfant de la comédie musicale, j’en ai mangé depuis tout petit. J’étais complètement fasciné par des figures comme Fred Astaire, Gen Kelly… Au-delà de danser, ce dont j’avais vraiment envie, c’était de raconter des histoires. Pour moi le ballet c’est autre chose que “juste” de la danse. Ça réunit la scène, la comédie, la musique… C’est cet ensemble qui m’attirait au-delà du style de la danse classique. Pour ce qui est de la rigueur, personnellement, il y a des périodes où j’ai pu être en rébellion avec le système de l’Opéra. Cependant, je suis d’accord avec Héloïse sur le fait que cette rigueur est inhérente au ballet et que, d’une certaine manière, elle nous protège physiquement, pour éviter les blessures, et psychologiquement, en nous donnant un cadre et une hygiène de vie.
M. Quel est votre quotidien de danseur·se de l’Opéra ?
H.B. Tous les matins, de 10h à 12h, on a un cours de danse pour nous échauffer, nous muscler, nous étirer, préparer les corps…
J-L.Q. Ensuite, on enchaîne avec les répétitions de 12h à 19h, et le soir on a la représentation, le spectacle. Généralement, on tourne entre cinq et six productions par an, donc on alterne entre un mois de répétitions et ensuite un mois de spectacle à fond. En tant que premier danseur, on se retrouve très souvent avec des journées qui s’étirent de 10h à 22h.
H.B. Au bout du compte, on se rend compte qu’on gère très mal le repos ! C’est compliqué quand le corps et le cerveau sont en permanence sollicités de parvenir à décompresser soudainement. Et puis, on sait que nos carrières sont relativement courtes, si on doit s’arrêter à 40 ans, autant en profiter à fond. Tant que je n’ai pas de blessures et que j’éprouve du plaisir à aller sur scène, je me donnerai à 200%.
J-L.Q. Roselyne Bachelot comparait l’Opéra de Paris à un paquebot, pour ça, elle n’avait pas complètement tort ! C’est une grosse machine, une usine à spectacles. La rigueur est constante et les temps de latence pas forcément bienvenus, sinon on ne peut pas suivre le rythme. Cette routine rigoureuse et exigeante nous protège des pépins physiques, c’est pourquoi le confinement a été très problématique, il y avait de gros risques que des danseur·se·s se désathlétisent et puissent se blesser à la reprise…