M. Dans la presse, on parle souvent de toi comme d’un garçon “solaire”, mais les réalisateurs soulignent chez toi un côté plus sombre.
S. B. Solaire, ça me convient. Et c’est peut-être une façon de pointer mon côté sudiste. J’espère être quelqu’un de joyeux et de chaleureux. J’ai vraiment du mal avec les compliments. Je préfère qu’on me dise sur quoi je dois travailler. Dans le métier, les gens ont vu Mektoub My Love et ils ont vu en moi quelque chose qui sûrement me dépasse : une possibilité dans le jeu, une capacité à aller chercher certaines émotions.
M. Tu complexes de ne pas avoir fait d’école de comédie ?
S. B. Non. Je pense que c’est ce que les réalisateurs aiment chez moi. Ça me manque peut-être lorsque je dois passer des castings. Je déteste ça. C’est pas le rejet, le problème, c’est l’exercice même du casting. Quand on suit des cours de comédie, je pense qu’on apprend à travailler sur un texte brut, à jouer contre un mur blanc ou à faire une vidéo chez soi en se filmant avec son téléphone… Moi, je suis un pur produit de l’école Kechiche où l’on apporte son vécu. On te donne une ambiance, et ton travail, c’est d’essayer de ne pas tricher. Acteur, c’est un métier compliqué. Il faut savoir ce qu’on est prêt à donner, rester en maîtrise mais aussi savoir lâcher prise. Bon, on fait du bien, mais on ne sauve pas des vies non plus.
M. Un film comme Pour la France peut entraîner une prise de conscience, non ?
S. B. C’est vrai. Dans Placés, je joue un éducateur dans un foyer. Je suis entouré de plein de jeunes acteurs formidables, débutants pour la plupart. J’ai eu beaucoup de retours de jeunes qui vivent en foyer ou d’éducateurs qui m’ont dit à quel point ça leur fait du bien de voir leur métier, leur vie, montré·e·s de cette manière.
M. Le thème de ce numéro, c’est l’euphorie. L’idée d’aborder le futur par le prisme de la joie malgré un contexte délétère et anxiogène. As-tu des craintes ou gardes-tu un peu d’insouciance ?
S. B. J’essaie de rester positif, mais quand je vois le désastre écologique vers lequel on va, c’est difficile. Dans le Sud, le réchauffement climatique est visible à l’œil nu. Depuis tout jeune, je vais skier dans une station des Pyrénées. La dernière fois que j’y suis allé, il n’y avait quasiment plus de neige… J’essaie de faire ma part, de manger local, de multiplier les petits gestes écologiques, mais j’ai conscience qu’on aura peut-être moins de liberté qu’avant et je l’accepte.
M. Au fait, tu n’as pas d’accent. As-tu fait un effort pour le perdre ?
S. B. On m’a très vite fait comprendre qu’il fallait que je le perde. Aujourd’hui, on commence à laisser les comédiens vivre dans le Sud, mais il y a quelques années, c’était mort. Soit tu gommais ton accent, soit tu n’avais pas le rôle. Mais dès que je suis avec mes potes, il revient tout de suite. Et lorsque j’arrive à Paris, je le perds. C’est comme un déclic après 3 h 30 de train. Je viens à Paris facilement, mais je n’ai pas envie d’y vivre. Montpellier est une ville paisible, entre la mer et l’arrière-pays des Cévennes. Je prends ma moto et en cinq minutes, je suis seul au monde. Et j’ai besoin de ça. Je suis très solitaire.