Petite-fille de poètes, l’actrice de 31 ans évoque les années argentines qui l’ont forgée avant qu’elle devienne comédienne en France. Plus habituée aux planches qu’aux plateaux de cinéma, elle imprimera cette année sa moue boudeuse dans la 7e saison de la série Engrenages sur Canal+ et dans Joyeux Anniversaire, la comédie dramatique de Cédric Kahn.

Mixte. Vous êtes née et avez grandi en Argentine. De quelle région êtes-vous originaire ? 

Isabel Aimé Gonzalez Sola. Je viens de la campagne de Mendoza, à l’ouest, au pied des montagnes des Andes. C’est une zone très désertique qui est devenue une oasis. J’ai grandi au sein d’une grande fratrie : cinq frères et sœurs du côté de ma mère et deux du côté de mon père. Adolescente, j’ai eu un parcours assez chaotique. Je me suis inscrite dans un lycée “beaux-arts” pour finir avec un bac “hygiène et sécurité dans le travail”. J’ai bien aimé étudier le droit des travailleurs et évaluer le degré de nocivité des matériaux utilisés à l’usine. Tout de suite après le lycée, j’ai décidé de partir.

M. Pourquoi avez-vous choisi de vous installer en France ? 

I. A. G. S. C’est un hasard. Peut-être parce qu’à Mendoza, je fréquentais le Cine Universidad qui passait des rétrospectives de films de François Truffaut… Mais j’avais surtout le fantasme de l’exil. Je voulais voyager, apprendre une nouvelle langue et tout recommencer dans un endroit vierge. C’était en 2007, j’ai eu 20 ans dans l’avion. J’avais trouvé un programme pour être jeune fille au pair durant un an à Nantes et c’est là que j’ai décidé de faire du théâtre. Pourquoi ? Je ne sais pas. À part mes grands-parents poètes, il n’y a pas beaucoup d’artistes dans ma famille.

M. Où avez-vous pris vos premiers cours de théâtre ?

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I. A. G. S. À Besançon. J’ai trouvé une formation à moitié théorie, à moitié pratique qui s’appelle le DEUST Théâtre, à l’université de Franche- Comté. J’ai préparé le concours à Nantes avec une dame de 80 ans, Odette. Je ne sais plus comment je l’ai trouvée. La première fois, elle m’a donné rendez-vous dans un café, elle était habillée tout en rouge. J’aimais beaucoup parler avec elle. On répétait dans son salon, elle me dirigeait et me donnait la réplique. C’était très amusant car elle avait une vision très classique du théâtre. Quand je suis arrivée au concours avec ma scène d’Antigone de Sophocle, le jury s’est demandé d’où je sortais. Comme j’apprenais le français en même temps, j’étais dans une espèce de fragilité générale. Deux ans plus tard, je suis entrée au TNS (école du théâtre national de Strasbourg, ndlr) en présentant une scène d’Eva Perón du dramaturge argentin Copi.

M. Quand la péroniste Cristina Kirchner a succédé à son mari Nestor à la présidence de l’Argentine en 2007, le culte d’Eva Perón a connu un second souffle. Ces deux figures féminines vous ont-elles marquée ?

I. A. G. S. Oui, en effet. Les femmes sont importantes dans l’imaginaire politique en Argentine. Aujourd’hui, il y a un mouvement féministe très fort. Et la grande manifestation de juin a renforcé la solidarité entre les femmes (le 4 juin dernier, des milliers d’entre elles sont descendues dans les rues de Buenos Aires, à l’appel du mouvement féministe Ni Una Menos. Elles ont obtenu une première victoire le 14 juin quand les députés argentins ont voté en première instance la légalisation de l’avortement. Malheureusement, deux mois plus tard, le Sénat a rejeté la légalisation, ndlr).

M. Vous jouez au théâtre, notamment sous la direction de Jean-Yves Ruf (Jachère, en 2016 et En se couchant il a raté son lit, en mars prochain, au Théâtre Gérard-Philippe, à Saint- Denis) et vous venez de faire vos débuts devant la caméra pour la télévision dans la saison 7 d’Engrenages sur Canal+. Comment avez-vous vécu cette première expérience ? 

I. A. G. S. Je n’avais jamais imaginé jouer un jour pour la télévision. Comme j’ai un accent qui ne trompe pas, les scénaristes d’Engrenages ont modifié le rôle en fonction. J’incarne une jeune prisonnière. On a tourné d’avril à août dernier avec deux réalisateurs, Frédéric Jardin (Braquo, ndlr) et Philippe Amar (Un village français, ndlr), l’expérience a été très joyeuse ! C’était intéressant, car la série décrit à la manière d’un documentaire le monde de la justice. J’ai tourné au centre pénitentiaire du Sud Francilien, dans le quartier des femmes. J’ai pu poser des questions aux vraies policières qui jouaient avec moi. Les prisonnières, quant à elles, ne participaient pas au tournage afin qu’il n’y ait pas de compétition entre elles. Mais on les apercevait. Les conditions étaient si réelles qu’on laissait la réalité s’exprimer plutôt que de vouloir absolument imposer quelque chose. Et puis, alors qu’on avait encore quelques scènes à tourner, Rédoine Faïd s’est évadé de la prison en hélicoptère. Et nous n’avons pas eu l’autorisation d’y pénétrer de nouveau.

M. Vous retournez régulièrement en Argentine ? 

I. A. G. S. Je vais à Mendoza et à Buenos Aires voir ma famille. Je suis triste, car mon bar préféré, Giralda, avenue Corrientes dans la capitale, vient de fermer. C’est vraiment dommage car c’était un très vieux bar avec des serveurs d’antan.

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