I. A. G. S. À Besançon. J’ai trouvé une formation à moitié théorie, à moitié pratique qui s’appelle le DEUST Théâtre, à l’université de Franche- Comté. J’ai préparé le concours à Nantes avec une dame de 80 ans, Odette. Je ne sais plus comment je l’ai trouvée. La première fois, elle m’a donné rendez-vous dans un café, elle était habillée tout en rouge. J’aimais beaucoup parler avec elle. On répétait dans son salon, elle me dirigeait et me donnait la réplique. C’était très amusant car elle avait une vision très classique du théâtre. Quand je suis arrivée au concours avec ma scène d’Antigone de Sophocle, le jury s’est demandé d’où je sortais. Comme j’apprenais le français en même temps, j’étais dans une espèce de fragilité générale. Deux ans plus tard, je suis entrée au TNS (école du théâtre national de Strasbourg, ndlr) en présentant une scène d’Eva Perón du dramaturge argentin Copi.
M. Quand la péroniste Cristina Kirchner a succédé à son mari Nestor à la présidence de l’Argentine en 2007, le culte d’Eva Perón a connu un second souffle. Ces deux figures féminines vous ont-elles marquée ?
I. A. G. S. Oui, en effet. Les femmes sont importantes dans l’imaginaire politique en Argentine. Aujourd’hui, il y a un mouvement féministe très fort. Et la grande manifestation de juin a renforcé la solidarité entre les femmes (le 4 juin dernier, des milliers d’entre elles sont descendues dans les rues de Buenos Aires, à l’appel du mouvement féministe Ni Una Menos. Elles ont obtenu une première victoire le 14 juin quand les députés argentins ont voté en première instance la légalisation de l’avortement. Malheureusement, deux mois plus tard, le Sénat a rejeté la légalisation, ndlr).
M. Vous jouez au théâtre, notamment sous la direction de Jean-Yves Ruf (Jachère, en 2016 et En se couchant il a raté son lit, en mars prochain, au Théâtre Gérard-Philippe, à Saint- Denis) et vous venez de faire vos débuts devant la caméra pour la télévision dans la saison 7 d’Engrenages sur Canal+. Comment avez-vous vécu cette première expérience ?
I. A. G. S. Je n’avais jamais imaginé jouer un jour pour la télévision. Comme j’ai un accent qui ne trompe pas, les scénaristes d’Engrenages ont modifié le rôle en fonction. J’incarne une jeune prisonnière. On a tourné d’avril à août dernier avec deux réalisateurs, Frédéric Jardin (Braquo, ndlr) et Philippe Amar (Un village français, ndlr), l’expérience a été très joyeuse ! C’était intéressant, car la série décrit à la manière d’un documentaire le monde de la justice. J’ai tourné au centre pénitentiaire du Sud Francilien, dans le quartier des femmes. J’ai pu poser des questions aux vraies policières qui jouaient avec moi. Les prisonnières, quant à elles, ne participaient pas au tournage afin qu’il n’y ait pas de compétition entre elles. Mais on les apercevait. Les conditions étaient si réelles qu’on laissait la réalité s’exprimer plutôt que de vouloir absolument imposer quelque chose. Et puis, alors qu’on avait encore quelques scènes à tourner, Rédoine Faïd s’est évadé de la prison en hélicoptère. Et nous n’avons pas eu l’autorisation d’y pénétrer de nouveau.
M. Vous retournez régulièrement en Argentine ?
I. A. G. S. Je vais à Mendoza et à Buenos Aires voir ma famille. Je suis triste, car mon bar préféré, Giralda, avenue Corrientes dans la capitale, vient de fermer. C’est vraiment dommage car c’était un très vieux bar avec des serveurs d’antan.