M. Quand est-ce que vous avez décidé de reprendre votre carrière ?
L. W. Je n’avais pas de projet précis en tête, je ne pensais pas que c’était une option… Encore une fois, l’industrie de la mode est tellement unidimensionnelle, que mes espoirs n’étaient pas d’y retourner; Reprendre ma carrière dans ce milieu, c’était plutôt un moyen pour moi d’éveiller les consciences sur le fait que les protections périodiques sont un énorme problème qui affecte directement l’avenir de la jeune génération, ces petites filles qui ont maintenant leurs règles vers 8-9 ans à cause des hormones dans la nourriture et sont plus susceptibles de contracter le SCT. C’est ça qui m’a véritablement donné envie de partager cette nouvelle version de moi-même…
M. À partir de quel moment cette expérience personnelle s’est-elle transformée en envie de militer.
L. W. Quand j’ai réalisé que Carolyn Maloney essayait depuis dix ans de faire passer ce projet de loi intitulé « Robin Danielson Feminine Hygiene Product Safety Act » (du nom d’une victime du SCT décédée en 1998), j’étais complètement sidérée. Dès 1998, elle a commencé à prendre des mesures pour le proposer, encore et encore, devant le Congrès qui a continué à rejeter le projet à chaque fois. Vingt ans plus tard, rien n’a changé ; quand on s’est rencontrées, elle m’a regardée dans les yeux et m’a dit : « Si ce projet de loi avait été adopté, vous ne vous seriez probablement pas retrouvée dans cette situation. » Quelques années plus tard, j’ai également parlé à une femme dont la fille était morte à cause du SCT, au téléphone elle criait et pleurait en se rendant compte qu’elle ne la reverrait plus jamais… C’est évidemment le genre de choses qui, je l’espère, incitera les gens à une vraie prise de conscience des enjeux d’une telle loi.
M. Depuis 2012, l’année où vous avez développé votre SCT, avez- vous constaté des progrès de la part des fabricants de tampons en matière de recherche et de transparence ?
L. W. Pas du tout. À ce jour, il y a encore très peu de transparence, et ce n’est toujours pas suffisant : c’est le produit en lui-même qui doit changer, c’est le plus important ; On devrait pouvoir utiliser ce produit de la vie courante sans avoir à s’inquiéter des conséquences pour notre santé…
M. Vous portez des prothèses entièrement dorées, qu’est-ce qui vous a donné l’idée d’en faire votre marque de fabrique ?
L. W. En matière de prothèses, tout est tellement médical et impersonnel. C’est difficile pour quelqu’un d’exprimer son identité, sa “vibe” personnelle, quand on lui présente des prothèses classiques. J’ai été en fauteuil roulant pendant huit mois et c’était un vrai supplice. Je regardais ma prothèse (Lauren a été amputée de sa seconde jambe en 2018, ndlr), posée là, en me demandant : « Qu’est-ce que je veux faire ? Comment je peux me l’approprier ? Comment je m’adapte ? » À l’époque, j’étais obsédée par A$AP Rocky et ses dents en or ; je me suis dit : « Et merde, je vais les couvrir d’or. Au lieu d’avoir des dents en or, j’aurais des jambes en or”. C’est devenu une partie de mon identité.