Défilé virtuel Angel Chen automne-Hiver 2020/21

Victimes collatérales du confinement et de la distanciation sociale provoqués par la crise du Covid-19, les fashion weeks et leurs défilés ont choisi de rebondir en passant au format digital. L’opportunité d’enclencher une démocratisation de l’accès à la création mais aussi de dire adieu au fameux front row.

La news vient de tomber. La chambre de la mode italienne vient d’annoncer que la prochaine fashion week milanaise serait totalement numérique. Décrite comme une « réponse concrète » à la crise du coronavirus, selon le communiqué de presse de l’institution, cette dernière présentera dans le cadre d’un calendrier numérique, les collections masculines printemps/été 2021 et les pré-collections masculine et féminine printemps/été 2021.

Mais Milan n’est pas la seule fashion week à avoir reçu un shot digital. La semaine de la mode masculine parisienne aura elle aussi lieu en ligne du 9 au 13 juillet avec des collections présentées “sous la forme d’un film ou d’une vidéo” sur une plateforme dédiée.

Alors que Carine Roitfeld, l’inventrice du porno-chic, cette esthétique qu’on pourrait qualifier d’à la fois “policée mais polissonne”, vient de produire pour l’association amFAR un défilé diffusé sur YouTube avec de nombreuses célébrités confinées comme Karlie Kloss, Joan Smalls ou Halima Aden qui ont toutes pris la peine de transformer leur maison en catwalk (comme c’est gentil) – on est en droit de se demander si le défilé digital est sur le point de devenir un format récurrent dans le futur encore incertain de la mode.

Karlie Kloss et Joan Smalls pour le défilé virtuel digital de Carine Roitfeld

Spoiler : a priori pour le moment, oui. Car ce qui risque de devenir la prochaine tendance majeure de l’industrie, avait déjà été entamée par quelques marques des fashion weeks japonaises et coréennes, les premières touchées par la crise du Covid-19, dès le mois de mars. La créatrice chinoise Angel Chen a par exemple créé avec son équipe dédiée à la production d’images et de vidéos générées sur ordinateur (CG pour computer-generated), un défilé situé dans un décor d’arène virtuelle, le tout achevé sur écran vert. De leur côté, les créateurs Julius et Victor Juul de la marque danoise Heliot Emil, ont proposé un défilé virtuel à 360 degrés filmé sur une journée, avec moins de mannequins que d’habitude pour un défilé de ce genre. Résultat : un show dans lequel le spectateur digital peut se déplacer seul, à sa guise, pour observer les silhouettes et les vêtements.

Défilé virtuel Angel Chen Automne-Hiver 2020/2021

Mais cette parade numérique ne peut pas encore totalement remplacer la réalité d’un défilé ou d’une présentation IRL. Que faire des sens qui sont normalement mis à contribution, comme la vue bien sûr, mais aussi l’ouïe ou encore le toucher ? Comme le précisaient Hideaki Yoshihara et Yukiko Ode, designers du label japonais Hyke au site Hypebae.com, “l’expérience digitale n’est en rien un substitut à ce qu’on vit en vrai (…). Malheureusement pour le moment, l’ambiance et l’aspect général ne peuvent pas être répliqués en streaming ».

Défilé digital Hyke Automne-Hiver 2020/21

Quoi qu’il en soit, la mode s’est lancée depuis quelques temps dans une trajectoire d’innovation et de digitalisation, et dû au Covid-19, ce mouvement va indéniablement et drastiquement s’accélérer ; provoquant une démocratisation de l’accès à la création à un public plus large et donnant aussi peut-être par la même occasion la possibilité aux petites marques d’avoir le même espace (virtuel) que les mastodontes de l’industrie. Ah oui, et c’est peut-être aussi l’opportunité de se séparer du conflictuel seating des invités avec lequel les maisons s’arrachent les cheveux chaque saison. Si tout le monde voit la même chose au même moment, pourquoi se battre pour un premier rang ? Le front row est mort, vive le front row pour tou.t.e.s !