Aux États-Unis, dans un contexte marqué ces derniers mois par une pandémie, des mouvements antiracistes et des protestations sociales en tout genre, le vêtement s’est définitivement imposé comme un nouvel outil militant, faisant prendre à l’industrie de la mode un virage politique inédit.

LES ÉTIQUETTES PRO-VOTE PATAGONIA

À moins de 30 jours des élections présidentielles, la mode américaine semble organisait le plus grand meeting de sensibilisation politique de son histoire. Depuis la rentrée, de grandes marques et designers ont lancé des collections en édition limitée ou des pièces inspirées de l’élection américaine en partenariat avec des organisations et associations tels que Rock The Vote, I Am a Voter et When We All Vote. Ces dernières étant connu pour faire la promotion du vote auprès des citoyens.

PYER MOSS FW20/21

Pyer Moss, la marque créée par le créateur afro-américain Kerby Jean-Raymond (lauréat du CFDA award cette année), fortement engagée dans la cause antiraciste, a ainsi lancé un t-shirt “Vote or die… for real this time” pour faire la promotion de Exist to Resist : une plateforme mettant en lumière le travail des organisations de justice sociale et qui bénéficiera aux efforts de la communauté Noire grâce aux ventes de cette pièce produite en édition limitée. De son côté, Patagonia a caché sur les étiquettes de sa dernière collection, un message on ne peut plus clair : “Vote the assholes out”, comprenez “Dégagez les abrutis par le vote”. Un statement clair et directement dirigé contre Donald Trump et son administration climatosceptique alors que Patagonia est justement connu pour défendre corps et âme la cause de l’environnement.

DÉFILÉ LOUIS VUITTON SS21

Mais en plus des simples projets individuels de marque, plusieurs initiatives collectives ont vu le jour comme la création de Fashion Our Future, une organisation et une campagne de prévention visant à “générer du changement positif au-delà du catwalk”. Celle-ci est d’ailleurs complétée par une collection capsule de vêtements et accessoires pro-démocratie designés par des créateurs célèbres comme Virgil Abloh ou Proenza Schouler. Un projet ressemblant de près à celui de Meredith Koop, styliste de Michelle Obama, qui s’est associée à Dover Street Market (en partenariat avec When We All Vote), pour produire une série de pièces pro-démocratie créées par 26 designers, amis et collaborateurs du concept-store comme Hood by Air, Off-White, Honey Dijon et Marc Jacobs. Avec comme guideline majeure, la volonté d’inspirer les jeunes à s’engager.

Mais la grande nouveauté de cette année électorale, c’est que des marques se sont directement associées à la campagne de Joe Biden, via le Biden Victory Fund qui a sorti une collection intitulée “Believe in Better” et dans laquelle on retrouve des créations de Proenza Schouler, Thom Browne, Joseph Altuzarra, Tory Burch, Prabal Gurung, Vera Wang, ou encore Jason Wu dont les bénéfices serviront à financer la campagne du candidat démocrate.

LA CAMPAGNE FASHION OUR FUTURE

Cet engagement de l’industrie de la mode pour la politique et sa prise de parole partisane (clairement pro-démocrate, anti-Trump, pro-LGBT et pro-climat) n’ont jamais été aussi explicites que depuis l’élection de Trump en 2016, quand Anna Wintour avait elle aussi clairement pris position pour Hillary Clinton dans un édito du Vogue américain, une première pour le magazine.

Heureusement, cet engagement n’est pas vain puisqu’il semble marcher dans les deux sens tant les consommateurs semblent prêter attention au sujet. Selon une récente étude réalisée par la plateforme mode Lyst, l’intérêt pour le merch politique a gagné en popularité avec 29% d’augmentation de recherche hebdomadaire sur Internet pour des produits de ce type depuis la fin de l’été. Preuve de plus : le jour où Jill Biden (la femme de Joe) a porté des bottes siglées d’un “Vote” créées par Stuart Weitzman, les recherches sur le produit ont augmenté de 488% en 24h.

LA COLLECTION DOVER STREET MARKET

Il faut dire que l’enjeu est de taille puisqu’aux USA, l’abstention atteint des sommets. En 2016, seulement 58,1% des américains avaient voté, les jeunes étant principalement les premiers absents. Le changement potentiel et le renversement de situation est donc entre leurs mains. Et peu importe le fait que les élections se déroulent aux États-Unis, d’autres marques européennes ont fait le choix aussi de se prononcer et de faire la promotion du vote afin de dégager Donald Trump de la Maison Blanche.

Pas plus tard que cette semaine, Nicolas Ghesquière, qui fermait la fashion week de Paris (et le fashion month) avec le défilé Louis Vuitton SS21 a fait le choix audacieux d’ouvrir son show avec une mannequin portant un sweat-shirt “Vote”. Un statement qui prend tout son sens quand on sait qu’il y a déjà un an le créateur français avait exprimé publiquement son désaccord lors de l’ouverture d’une usine de manufacture Louis Vuitton au Texas, alors inaugurée par Donald Trump en présence de Bernard Arnault.