Veste en soie, Polo en coton,
Chemise en coton, Jupe en coton brodée
et Sacs “Wander” en cuir matelassé Miu Miu, Anneaux personnels.

Énergie solaire, franc-parler et conscience politique acérée, Manon Bresch, à l’affiche de “Jeunesse mon amour” en salles le 8 mai prochain, fait partie de cette nouvelle génération d’acteurs·rices pour qui jouer la comédie, c’est aussi porter des messages forts a l’écran, pour une société plus juste.

Si vous n’avez pas encore vu son visage à l’écran, cela ne saurait tarder. Révélation de Voleuses, un film d’action Netflix réalisé par Mélanie Laurent en 2023 où elle donne la réplique à Adèle Exarchopoulos, Manon Bresch s’apprête à chambouler le monde du cinéma avec Celui qui soigne – Muganga, où elle interprète une jeune chirurgienne qui accompagne en République démocratique du Congo le médecin et futur Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, qui militait et soignait au péril de sa vie des milliers de femmes victimes de violences sexuelles. Si Manon, née en Alsace il y a 26 ans d’un père français et d’une mère camerounaise, s’est fait connaître grâce au petit écran avec des séries comme Plus belle la vie sur France 3 ou Clem sur TF1, où elle a pu faire montre de son énergie débordante, elle confirme avec ce nouveau projet sa volonté de participer à des films plus engagés et aboutis, comme l’annonçait déjà son rôle dans la production italienne Maledetta Primavera, d’Elisa Amoruso. Elle y interprète Sirley, une jeune immigrée guyanaise qui tente de s’intégrer dans l’Italie raciste des années 1980-90. Très engagée dans le devoir de mémoire et la reconnaissance du passé colonial de la France (elle se dit elle-même une enfant de la loi Taubira, cette législation votée en 2001 reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité, ndlr), Manon Bresch semble se positionner comme l’une des actrices les plus passionnantes et impliquées de sa génération. En attendant la sortie de ces prochains films, on pourra déjà la voir le 8 mai prochain dans Jeunesse mon amour, premier film de Léo Fontaine.   

Robe en soie brodée et Polo en cachemire Miu Miu, Anneaux personnels.
Robe en soie brodée de strass, Pull en cachemire et Escarpins en suède Miu Miu, Anneaux personnels.

MIXTE. Tu as commencé l’acting en faisant de la simple figuration. Te savais-tu prédestinée au métier de comédienne ?
MANON BRESCH.
Je ne pense pas, même si, avec le recul, je n’aurais pas voulu exercer un autre métier. Je suis arrivée dans le milieu du cinéma durant l’été 2015, comme figurante pour la série télévisée Clem, produite par TF1. J’ai été frappée par la gentillesse de toutes les personnes de l’équipe et la camaraderie qui régnait sur le plateau. Je m’y suis sentie à ma place. Je m’entendais tellement bien avec la réalisatrice et la directrice de casting qu’elles m’ont rappelée pour me confier un rôle dans la saison suivante. J’incarnais Yasmine, une lycéenne et amie de l’actrice principale, qui vivait pleinement son adolescence. Je n’avais pas l’impression de jouer un rôle, on me demandait juste d’être entièrement moi et c’est tout ce que je voulais à l’époque.

M. Dirais-tu que tu étais une cinéphile avant d’aborder ce métier ?
M. B.
Non, pas du tout, et pour être tout à fait honnête, mes connaissances cinématographiques étaient même assez médiocres ! J’y ai remédié et c’est aujourd’hui pour moi un vrai plaisir de me forger cette culture. Mon arrivée dans le milieu du cinéma n’a pas été l’aboutissement d’une passion pour le septième art, mais plutôt une réponse à ma sensibilité, à mon énergie et à mon besoin de camaraderie.

M. Que retiens-tu de ton expérience de comédienne dans Plus belle la vie ?
M. B.
C’était une super école. J’y ai rencontré de vrais ami·e·s et j’ai appris l’humilité face à la caméra et le respect vis-à-vis de l’ensemble de l’équipe technique. Sur ce genre de projet, c’est aux acteurs·rices de s’adapter aux décors et à la lumière, pas l’inverse. Après le tournage de Plus belle la vie, j’ai compris que j’avais réellement trouvé ma voie : je voulais être comédienne.

M. Quel autre rôle t’a bouleversée ?
M. B. En 2021, j’ai tourné le film italien Maledetta Primavera, où j’interprète Sirley, une jeune femme d’origine guyanaise venue commencer une nouvelle vie à Rome. Sirley entretient une relation amicale ambiguë avec Nina, une jeune Italienne de bonne famille, et va se retrouver très vite confrontée au racisme qui règne en Italie du Nord dans les années 1980-90. Ce long-métrage est un bijou qui n’a malheureusement pas pu sortir en France, à cause du Covid. Il s’agissait de mon premier rôle engagé. J’y ai donné de ma personne, de mon histoire, en l’occurrence celle de ma maman qui est aussi une femme noire immigrée. Tourner ce film m’a fait énormément de bien. J’ai compris que j’avais également besoin de servir des histoires qui veulent élever les consciences et faire grandir notre société.

Top en soie, Jupe en soie et Slip en nylon Miu Miu, Bracelet personnel.
Top en soie Miu Miu.

M. Comme celle du médecin Denis Mukwege, dans le film de Marie-Hélène Roux, Celui qui soigne – Muganga, qui sort cette année ?
M. B.
Exactement. J’incarne une chirurgienne belge qui rejoint l’équipe médicale du chirurgien Guy-Bernard Cadière, interprété par Vincent Macaigne, et du médecin congolais Denis Mukwege, joué par Isaach de Bankolé. Je fais partie de la première équipe belge à intégrer l’hôpital de Panzi, au Congo, pour apprendre la laparoscopie, une forme de chirurgie réparatrice à moindre risque d’infection, et pour soigner les corps des femmes victimes de violences sexuelles. Mon personnage, une métisse élevée en Belgique par un père blanc, se prend en pleine face le néocolonialisme lors de son arrivée au Congo. C’est un rôle qui m’a bouleversée car il m’a mise face à mon métissage, face à mon histoire. J’aimerais, à l’avenir, maintenir cet équilibre entre des rôles engagés dans des films militants, et d’autres plus physiques comme celui de Sam dans Voleuses.

M. C’était comment de tourner dans ce film avec deux grandes figures du cinéma français, Mélanie Laurent et Adèle Exarchopoulos ?
M. B.
Enrichissant et vertigineux à la fois, jusqu’à l’avant-première où tu sens qu’il y a beaucoup d’enjeux, de la pression. Ça m’a fait prendre confiance en moi, en mon travail et en la chance, qui compte beaucoup dans nos parcours de comédien·nes. Il y avait aussi un parallèle entre moi et Sam, mon personnage dans la série, qui rejoint un duo de braqueuses déjà bien installé.

M. Comment t’es-tu préparée physiquement à ce tournage ?
M. B.
J’ai suivi une solide préparation physique ! J’avais plusieurs coachs, un qui m’entraînait tous les jours pour “choquer” mon corps, un pour les cascades à moto et en voiture, un pour les scènes de bagarre, un autre enfin pour le maniement des armes. J’ai adoré être entourée de passionné·e·s, qui m’ont transmis un peu de leur savoir. Tout ce qui est hors du texte dans le cinéma, ce qui touche au corps et à l’engagement physique, c’est vraiment quelque chose qui m’excite et me pousse à m’impliquer deux fois plus.

Robe en soie Miu Miu.
Robe en soie brodée, Polo en cachemire et Mocassins en cuir Miu Miu, Anneaux personnels.

M. Avec quel·le·s artiste·s souhaiterais-tu travailler dans le futur ?
M. B.
Je suis fan de Monia Chokri et d’Alice Diop, des réalisatrices avec lesquelles je me verrais bien discuter pendant des heures autour d’une table. J’adore aussi le côté nerveux et brut des films de Kim Chapiron. Et puis, j’aimerais beaucoup travailler avec l’Afrique noire. Je m’intéresse à la philosophie de “la page manquante” et je pense qu’il est nécessaire de raconter l’histoire de la France avec ses anciennes colonies. Je pense qu’il y a de très belles choses à écrire et j’aimerais contribuer à faire le lien entre la France et l’Afrique noire. Si vous me voyez un jour passer du côté de la réalisation et de l’écriture, ce sera pour répondre à ce devoir de mémoire.

M. Quel·le·s écrivain·e·s africain·e·s t’inspirent en particulier ?
M. B.
Léonora Miano, une Franco-Camerounaise, désignée Grand Prix littéraire d’Afrique noire en 2011 pour l’ensemble de son œuvre. Son essai, Écrits pour la parole, a été une gifle pour moi qui n’arrivais pas à conscientiser certains ressentis sur les relations entre la France et ses anciennes colonies. Elle m’a aidée à trouver des mots qui m’ont permis de respirer à nouveau à un moment où j’étouffais de douleur et d’incompréhension.

M. Quel est ton projet ultime pour les années à venir ?
M. B.
J’ai restauré une maison de famille en Alsace et j’ai un autre lieu, au Cameroun, dont j’aimerais faire une maison d’artistes pour développer des liens entre ces deux endroits. J’aimerais échanger des produits, des pensées, des inspirations, des films… Pour la petite histoire, la cigogne est un oiseau très présent en Alsace, en particulier à Turckheim, le village d’où je viens. En automne, elle migre vers l’Afrique centrale et devinez où ? Au Cameroun !

M. Le thème de notre numéro est l’escapisme. Que t’évoque cette notion ?
M. B.
Je pense que nous sommes beaucoup à ressentir ce besoin de nous évader en ce moment, pour fuir les réalités sociales et politiques. La valeur dans laquelle je me réfugie en ce moment, c’est la famille. J’ai un vrai plaisir à être entourée de mes proches et je ressens beaucoup de gratitude à avoir mes parents et mes deux grands frères auprès de moi et à voir grandir mes neveux qui me donnent envie d’être une meilleure personne.

PHOTOS STEFANO GALUZZI. RÉALISATION FRANCK BENHAMOU. COIFFURE : Ben MIGNOT @ Call My Agent. MAQUILLAGE : Ruby MAZUEL @ Call My Agent. ASSISTANT PHOTOGRAPHE : Vincenzo SASSU. DIGITECH : Manola CASCIANO. ASSISTANT STYLISTE : Barnabé WHITE.

Cet article est originellement paru dans notre numéro Spring-Summer 2024 ESCAPISM (sorti le 1er mars 2024).