M. La plupart des lieux numériques (des data centers aux mines de coltan) sont gardés secrets. Les artistes ont-ils pour vocation de nous les montrer ou de nous révéler, comme pourraient le faire des journalistes, par exemple, où ils sont et comment ils fonctionnent ?
J. C. Une partie de ce qui fait le “numérique” ou “l’immatériel” est si puissant qu’il reste caché. Un fichier jpeg, qui passe comme par magie d’un smartphone à l’autre, emprunte une série de voies cachées à l’échelle mondiale, faites d’infrastructures pourtant bien tangibles et nécessitant un travail colossal. Une partie du mien et de celui de mes pairs, a été de placer le numérique dans le cadre d’une lutte matérielle.
M. L’année dernière, vous avez travaillé autour de l’application TikTok, dont vous vous êtes emparé en tant que sujet politique et visuel. Pourquoi cette application ? Qu’en avez-vous retiré ?
J. C. En 2018, j’ai auto-publié un PDF : Politigram & the Post-left. Vous pouvez le trouver gratuitement en ligne. La première fois que je suis tombé sur TikTok, c’était via des comptes de la Génération Z que je suis, et j’ai été frappé par la puissance de ses memes – son, image, tout. J’ai écrit sur TikTok dans Artsy en décembre 2018. Les communautés nihilistes que l’on voit arriver sur l’application sont très éloignées de l’usage individualiste ou entrepreuneurial que peuvent avoir les millenials avec Internet. Je pense que tout ça en dit long sur ce que ces générations attendent d’un réseau social et sur le regard qu’elles portent sur le monde.