Johannesburg, le 19 mai 1955. Jean Sinclair, Ruth Foley, Elizabeth McLaren, Tertia Pybus, Jean Bosazza et Helen Newton-Thompson se retrouvent pour prendre le thé. À l’ordre du jour, un projet de réforme parlementaire qui permettrait au National Party d’augmenter son nombre de sénateurs et, à terme, de modifier la constitution sud-africaine. Résolues à combattre cette prise de pouvoir, les six femmes montent la Women’s Defence of the Constitution League. Un mouvement qui prendra plus tard le nom de Black Sash en référence aux écharpes noires qu’elles arborent lors de manifestations (signifiant ainsi leur deuil des droits constitutionnels retirés aux Noirs et aux métis du pays en vertu de cette modification), et qui deviendra, jusqu’à son abolition en 1994, une puissante force d’opposition à l’apartheid.
Soixante-quatre ans plus tard, c’est de l’action de ces femmes blanches que le designer sud-africain noir Thebe Magugu, né moins d’un an avant l’abolition, s’inspire pour créer Prosopography, sa collection Printemps-Été 2020, récompensée au mois de septembre 2019 du prix LVMH. Depuis la création de sa marque en 2016, Thebe, qui a étudié le design et la photographie de mode à la LISOF Fashion Design School de Johannesburg, a toujours insufflé une dimension éducative à son travail, en donnant à chacune de ses collections le nom d’un cours susceptible d’être enseigné à l’université (la prosopographie est l’étude comparative des biographies de membres d’un groupe social et historique afin d’en faire émerger les caractéristiques communes).