M. En tant que femme noire, mahoraise, issue d’un milieu socio-économique défavorisé, quel constat fais-tu sur l’inclusivité dans l’art, l’architecture et le design ?
J. D. En tant que femme noire, je me sens particulièrement seule dans le monde du design, encore largement dominé par des hommes blancs. C’était crucial pour moi de faire évoluer les choses en co-fondant le studio créatif Cause avec le soutien de mes deux associés, eux aussi issus d’identités plurielles, entre Afrique, Europe et Amériques. Le design en France demeure largement hermétique à cette diversité, alors qu’il semble y avoir davantage d’opportunités dans les pays anglo-saxons.
M. Crois-tu que l’art puisse servir de cheval de Troie dans le but de faire évoluer le regard qu’on porte sur ces jeunes en grande difficulté ?
J. D. Je ne cherche pas à changer le regard porté sur nous, mais à sensibiliser à une réalité trop souvent ignorée. Mayotte, le 101e département français, abrite le plus grand bidonville, le plus grand désert médical et la plus grande maternité de France*. Cette situation, comparable à celle de pays dits du Tiers-Monde, demeure largement invisible. Je souhaite donner une voix à celles et ceux qui en sont privé·e·s en mettant en lumière ces problématiques.
M. Quel espoir nourris-tu pour la jeunesse mahoraise ?
J. D. Loin de les encourager à quitter leur terre, mon objectif est de leur offrir une passerelle vers le monde, un véritable village culturel, intellectuel et créatif où les talents de toute la planète cultivent et partagent leurs savoir-faire. Mon souhait le plus cher est qu’il·elle·s puissent avoir le monde à leur portée.
*En décembre 2024, peu de temps après cette interview, l’île de Mayotte a été touchée par l’un des ouragans les plus dévastateurs de son histoire, causant des pertes humaines difficiles à dénombrer et des dégâts matériels catastrophiques.