Comme chaque année depuis 2013, la fondation Louis Vuitton récompense le travail des jeunes créateurs, avec à la clé un an de mentorat et une copieuse enveloppe de 400 000 euros pour le grand gagnant. Parmi les 9 candidat·e·s finalistes désigné·e·s en mars dernier, le prix Karl Lagerfeld a été remis respectivement à Julie Pelipas de Bettter et Luca Magliano pour sa marque éponyme. Mais c’est le designer japonais, Satoshi Kuwata, avec sa marque de prêt à porter gender-fluid Setchu, qui a remporté à l’unanimité le grand prix LVMH 2023, prix le plus prestigieux du concours, succédant ainsi à l’anglais Steven Stokey Daley. Retour sur le parcours et la vision créative de Setchu.
1. Il a travaillé avec les plus grands
Bien qu’il soit né à Kyoto, Satoshi se considère plutôt comme un citoyen du monde: à 21 ans, il quitte le Japon direction London, où il fait d’abord ses armes chez H. Huntsman & Sons sur Savile Row (la Mecque des tailleurs de costumes masculins sur mesure) avant d’intégrer la prestigieuse Central St Martins. Son arrivée en Europe est une véritable claque esthétique sur fond de choc des cultures, et Londres, le détonateur qui changera entièrement la perspective de Satoshi: “avant d’arriver j’étais finalement très japonais (…) c’est à Londres que j’ai compris qu’être unique est une des choses les plus importante dans la vie, un concept très occidental…” De Paris à Londres, en passant par New York et enfin Milan, Satoshi apprend, absorbe, chaque expérience étant pour lui l’occasion d’ajouter une corde à son arc créatif, une chance d’approfondir sa vision de la mode. “j’ai appris le travail de tailleur à Savile Row, la folie créative avec Gareth Pugh (…) le chic avec Riccardo Tucci, la couture avec John Galliano”.
2. Il a créé sa marque en pleine pandémie
Après avoir aiguisé son sens du style et affuté son talent pour le tailoring, ce vétéran de l’industrie économise assez pour rentrer dans son pays natal et créer sa marque Setchu. Mais Satoshi a changé, mûri, et se heurte au manque de flexibilité et de spontanéité du Japon. Il retourne alors à Milan en pleine pandémie, et commence frénétiquement à dessiner la première collection de Setchu, une marque qu’il conçoit comme un pont entre Est et Ouest. D’ailleurs, Setchu vient de la phrase “wayo setchu”, “wayo” qui dénote le Japon et l’Ouest, et “setchu” qui veut dire “compromis”. En mélangeant les influences du Japon et de l’Occident, celui qui préfère le titre de “tailleur” à celui de designer nous embarque dans une exploration transversale et libre de la garde robe moderne: Une veste origami qui se plie sans se froisser dans la valise, un pull aux zips invisibles, des cols interchangeables… En bref, une mode fonctionnelle et versatile qui s’adapte aux corps (sans distinction de genre) et non l’inverse : « Je veux laisser les clients choisir la manière dont ils portent les vêtements », explique-t-il.