Louise Lyngh Bjerregaard
Passée par la Central Saint Martins à Londres, puis Eckhaus Latta et Anne Sofie Madsen, la créatrice danoise a construit un vestiaire entre prêt-à-porter et couture, underground et artisanal, qui se base sur la mise en avant des savoir-faire. Finaliste du prix Zalando Sustainability Award 2021, elle présente les collections de sa marque éponyme à Paris depuis 2021.
“Avoir une marque artisanale indépendante en 2023 peut être perçu comme une forme d’audace. Tout du moins, c’est un privilège que je défends. Pour moi, la priorité est de conserver ma liberté pour explorer les techniques. Je peux faire des pièces commerciales, mais le cœur de mon travail demeure et reste l’artisanat. C’est d’ailleurs ce qui m’a fait tomber amoureuse de la mode. Aujourd’hui, il est important d’avoir le courage de raconter les histoires auxquelles on croit, et ce, sans rien attendre, sans se demander si cela sera populaire sur Instagram ou ailleurs, par exemple. Je pense que c’est vraiment une façon de prendre des risques. Il y a quelque temps, j’ai fait une robe en tricot transparente qui est devenue un grand hit sur Instagram. Après réflexion, je me suis refusée à reproduire indéfiniment cette robe que les gens ont aimée. Je ne voulais pas être prisonnière de cette fame “Insta” et je ne voulais pas manquer l’opportunité de trouver de nouvelles idées pour créer des pièces. Mon audace, c’est de savoir (me) dire non ; c’est d’écouter mon besoin et d’explorer à 100 % qui je suis en tant que directrice artistique et designer. Si j’avais fonctionné en pensant à ce qui allait être populaire ou non, jamais je n’aurais créé mon vestiaire ni appris le travail du cuir, de la maille… Aujourd’hui, je continue d’imaginer des pièces qui n’existaient pas, je challenge les silhouettes et je repousse l’histoire et les limites des savoir-faire. Parfois, je crée toute une collection en deux semaines et rien ne m’arrête. Je n’ai juste pas le temps, car quand on est indépendant·e, il y a tellement à faire. Alors, je suis comme un cheval de course, et la seule chose que j’ai à l’esprit, c’est que je dois courir. C’est un courage qui demande des sacrifices personnels et professionnels énormes, mais grâce auxquels j’apprends constamment. L’indépendance et la débrouillardise financières sont aussi une forme de fierté. Pour moi, les gens qui n’ont pas de limite d’argent ne sont pas inspirants. Ce qui me parle, ce sont les personnes dédiées à leur travail et à leur art qui, comme moi, partent de rien et parviennent à faire leur propre chemin tout en restant fidèles à leur vision ; et ce, malgré les difficultés.”