La vie des maisons de mode est rarement digne d’un roman, relevant plus de la prose aride des pages financières que d’histoires à rebondissements. Sauf une, peut-être. Au départ, elle ressemble à un conte de fées. Mais comme chez les Frères Grimm, elle bascule dans la noirceur et la mélancolie avant de revenir vers la lumière. L’histoire d’un jeune garçon que rien ne prédestinait à un avenir. Un succès fulgurant. La bataille du bien et du mal. Un monde magique peuplé d’étranges créatures, hologrammes, extraterrestres, sirènes des bas-fonds. La mort, tragique et omniprésente. L’espoir. Un mariage princier. Le poème d’un futur optimiste. La trajectoire de la maison McQueen ressemble déjà à un vaste recueil de mythes et d’odes, avec ses chapitres et ses époques. Un passé avec ses strates et ses références. Comme son fondateur Alexander (dit Lee), disparu en 2010, l’actuelle directrice artistique Sarah Burton envisage la création comme la superposition de multiples narrations, comme les nombreux fils d’un tissu, ou plutôt d’une dentelle ultra-complexe, à l’image de celles qu’elle utilise souvent dans ses créations. Rare personnalité discrète dans un univers de fortes têtes, Sarah Burton préfère laisser la parole à ses vêtements, ou plutôt au large réseau d’inspirations qui donne naissance à chaque pièce. La maison a même choisi de consacrer un étage entier de son récent flagship londonien à un espace dédié aux étudiants, qui met en lumière le processus créatif derrière une collection. On peut donc y découvrir ce que le communiqué de presse résume comme “les fils tissés des recherches narratives, tailoring, couture, tissus, broderie, et le lien entre la main et la technologie” qui sont intrinsèques à chaque vêtement McQueen. La maison se décrit donc comme “multicouche”, mais Mixte préfère filer la métaphore et parler d’une sorte de bibliothèque ultime, superposition de références aussi bien historiques que sociales, capable de s’auto-référencer comme de se situer dans des époques multiples de l’histoire d’Angleterre. Tentative d’un premier catalogue, à travers quelques titres choisis en lien avec la collection McQueen automne-hiver 2019-20 et ses consœurs récentes.