Lors de sa première exposition solo en 2013 à la Old Shoreditch Station intitulée It Started With a Parable, Yinka Ilori y démonte des vélos qu’il recrée sous les yeux des visiteurs.euses durant six semaines, en parallèle du Festival du Design de Londres. L’un de ses objets recyclés de prédilection est la chaise, dont il réalise l’une de ses premières collections en 2015, If Chairs Could Talk.
“Cette pièce de mobilier rassemble les gens. Vous pouvez vous y asseoir pour discuter, mais aussi pour pleurer, vous reposer, faire l’amour. Elle imprègne notre rapport physique à l’espace qui nous entoure. Elle peut aussi conférer du pouvoir, un sentiment de supériorité : si je vous mets sur une chaise installée sur un socle ou sur une scène, ce sera la même chaise, mais vous aurez un sentiment de puissance.” Une expérience de l’assise et de l’ego à laquelle le designer convie le public, en 2017 au Centre Africain de Londres, avec son installation immersive A Large Chair Does Not Make a King, intitulé qui n’est autre qu’un proverbe africain. Des plateformes surmontées d’une chaise décorée sont disposées aux quatre coins de la pièce. Les visiteurs.euses doivent gravir les marches pour s’y asseoir, se retrouvant finalement tou.te.s à la même hauteur sur un piédestal, comme dans la fameuse scène du salon de coiffure du film Le Dictateur de Chaplin, dans laquelle les personnages Hynkel et Napoloni actionnent tour à tour le système d’élévation de leur siège, rivalisant de hauteur jusqu’au ridicule. La même année, Yinka Ilori crée des chaises monumentales lors d’une exposition à l’est de Londres, pour la marque d’eau en bouteille de Pepsi, baptisée LIFEWTR, dont il conçoit aussi le graphisme. Toujours en 2017, l’artiste-designer élargi la palette de couleurs de l’entreprise sociale Restoration Station, dont les bénévoles utilisaient habituellement des tons monochromes pour restaurer des chaises anciennes. Il réalise avec eux une collection singulière et multicolore, tout en wax, vendue ensuite aux enchères pour récolter des fonds. “La couleur est une invitation au design. Elle suscite des conversations, favorise le bien-être, et elle est également accessible à tous. Cet aspect social et communautaire est quelque chose d’important dans la conception interculturelle de mon travail”, souligne Yinka Ilori. Une dimension sociale qu’il décline en France en 2020 avec COLORAMA skatepark, espace couvert pour les skateurs à La Condition Publique à Roubaix, dans le cadre de Lille Capitale mondiale du Design 2020 et d’Africa 2020 initié par l’Institut français. Il réalise le décor mural et conçoit les modules avec des matériaux recyclés, en partenariat avec la Fondation Décathlon. Le développement durable est d’ailleurs une autre composante au cœur de la démarche artistique de Yinka Ilori, comme le montrent les trois vitrines entièrement constituées de matériaux recyclés qu’il a conçues à l’automne dernier pour l’enseigne commerciale britannique Selfridges en réponse à sa campagne Project Earth. Les pétales des grands tournesols sont, par exemple, constitués de brosses à cheveux, les structures modulaires de bambou. La première vitrine est dédiée à chaque lever de soleil qui augure un changement. La deuxième est dédiée aux fleurs qui fleurissent malgré les temps difficiles et la troisième rend hommage aux 40 millions de kilomètres de forêt qui renouvellent l’air sur Terre. Son tout dernier projet, l’installation In Plants We Trust (janvier-juin 2021) est une célébration de la nature qui s’immisce dans l’urbanisme, commandé par l’agence multiculturelle Alter-Projects pour sa galerie publique londonienne en plein air Wander Art. Le mobilier rectiligne est une superposition de strates colorées formant un passage rétroéclairé coiffé de plantes tropicales dans les rues des quartiers de Mayfair et Belgravia. Par ces interventions dans l’espace public, dans les centres d’art jusqu’aux halls d’hôtels et pop-up store d’enseignes de renom, Yinka Ilori partage ses récits à plusieurs auditoires, à travers ce langage universel qu’est la couleur. Sans doute cherche-t-il à transmettre à tou.te.s une autre perspective propice à l’évasion, qu’il définit comme le pouvoir du rêve qui, de l’imaginaire, triomphe de l’impossible pour se projeter sur la toile de nos réalités.