On est d’accord, 2020 c’était un peu comme un train fantôme dans lequel personne n’était vraiment ok pour monter au départ. Une pandémie qui nous est tombée dessus sans prévenir, un confinement, un déconfinement puis un reconfinement… Tout ça avec son lot de surprises et d’aberrations en tout genre.
Alors que cette année arrive (enfin !!) à son terme, on s’est dit que 2020 méritait tout de même un bilan et, détrompez-vous, on a réussi à trouver du positif à travers des projets et des initiatives qui valent le coup et qui donnent un peu d’espoir.
MODE
LA LETTRE OUVERTE DE GIORGIO ARMANI
Alors que l’épidémie de coronavirus commençait à gagner sérieusement du terrain en Lombardie en Février dernier, Giorgio Armani avait été le premier à remplacer son défilé à Milan par un défilé à huis-clos ensuite diffusé sur le site de la marque. En Avril, il prenait fermement position en adressant une lettre ouverte à WWD dans lequel il exprimait son mécontentement face au système de la mode actuel et pointait du doigt la surproduction de vêtements ainsi que le rythme des saisons de la mode commerciale qu’il qualifiait de “criminel” et “d’ absurde”. Un rappel à l’ordre que l’industrie de la mode et notamment du luxe avait grand besoin d’entendre, embourbée depuis plusieurs années dans le rythme effréné et destructeur imposé par la fast-fashion. Cette semaine, Giorgio Armani a également annoncé qu’il arrêtait la création de pièces sur mesure portées à une seule occasion par des célébrités sur des événements.

GUCCI, MIUMIU, MARGIELA … LE LUXE SE RECYCLE
Dans la continuité des prises de position de M.Armani, plusieurs grandes marques de luxe se sont mises à l’upcycling. De Vuitton à Gucci, en passant par Maison Margiela et Miu Miu, tous se sont mis à créer du neuf avec du vieux. Pour sa collection homme SS21 Louis Vuitton présentait 25 looks créés à partir de matières existantes puisées dans les stocks ou dans des surplus de matières ainsi que des pièces totalement upcyclées comme les sneakers montantes de l’été 2019 transformées en baskets basses par Virgil Abloh.
En Juin, Gucci présentait “Off the grid”, une collection mixte d’accessoires et de prêt-à-porter totalement conçue en économie circulaire. Du côté de Maison Margiela, on a pu voir cette année des manteaux transformés en cols, des sacs en osier restaurés, mais aussi des bottes Tabi fabriquées à partir de chutes de cuir. Comme John Galliano l’a déclaré dans un des podcasts de la maison, “il est temps de créer avec une conscience”. C’est un début.
BENJAMIN BENMOYAL: NOTRE COUP DE COEUR MODE
A l’occasion du dernier numéro de Mixte Automne-Hiver 2021 “Utopia”, nous avions rencontré le créateur Benjamin Benmoyal et étions restés bouche bée devant le parcours de ce franco-isréalien passé d’un commando de parachutistes au Proche-Orient aux bancs de la Central Saint Martin. Un vrai modèle de résilience doté d’une sacrée créativité et d’une conscience éthique qui l’amène à explorer des pistes inédites et à réaliser une collection de vêtements à partir de bandes magnétiques de VHS intitulée “It Was Better Tomorrow”. Déjà adoubé par Alexandre Capelli, le responsable de la branche Sustainability de LVMH, et retenu pour intégrer La Caserne, un nouvel incubateur dans le 10ème qui soutient les jeunes créateurs de mode éthique et responsable, Benjamin Benmoyal est promis à un avenir radieux, c’est certain.
Relisez notre portrait de Benjamin Benmoyal ici.

LES INSTANCES DE MODE FACE À LA QUESTION DU RACISME
Après les manifestations du mouvement Black Lives Matter déclenchées par la mort de George Floyd par la police, Lindsay Peoples Wagner, rédactrice en chef de Teen Vogue, et Sandrine Charles, propriétaire de Sandrine Charles Consulting, ont lancé au printemps la création du collectif Black in Fashion Council “pour garantir l’égalité des droits” des professionnels racisées dans le milieu de la mode et de la beauté ; et ce en établissant un indice d’égalité dans le secteur. Une manière de répondre aux nombreux problèmes engendrés par le maintien d’un racisme systémique au sein de l’industrie.
Une initiative qui a permis en septembre dernier la création, au sein du British Fashion Council, d’un comité spécial dédié à promouvoir la diversité et l’inclusivité dans la mode. Leur but ? Éradiquer le racisme dans la mode et s’assurer que toutes les personnes non-blanches soient représentées de manière égalitaire maintenant et dans les générations à venir. Le comité avait déclaré s’engager également à reconsidérer tous les programmes du BFC, aussi bien les bourses que les agendas des Fashion Weeks et de s’assurer que la diversité et l’inclusion soient toujours bien au rendez-vous parmi les participants.
Pendant la dernière fashion week de Milan, La Camera Nazionale della Moda avait aussi proposé une plateforme spécifique mettant en avant les designers noir.e.s à l’initiative de Stella Jean, la seule membre noire de l’institution italienne. En France, les propositions concrètes de la Fédération de la mode et de la couture se font toujours attendre.
Pour plus d’infos, relisez notre article sur le racisme systémique et le spectre de l’activisme performatif au sein de l’industrie mode.

SOCIÉTÉ
TRUMP OUT, LADIES IN!
On se souviendra de 2020 comme l’année où Donald Trump a quitté, non sans bruit, la Maison Blanche pour céder la place au candidat démocrate, Joe Bidden mais surtout à sa future vice-présidente, Kamala Harris une femme d’origine indienne et afro-américaine, première femme à accéder à ce poste et en voie de devenir une véritable icône aux US.
Dans le même temps, en Novembre, Alexandria Ocasio-Cortez, 31 ans, visage de la gauche progressiste et plus jeune femme jamais élue au Congrès, a été réelue haut la main pour un nouveau mandat au Congrés avec 68,5% des voix contre 30,8% des voix pour son adversaire, le républicain et ancien officier de police de 60 ans, John Cummings. «Me battre pour les familles des classes ouvrières au Congrès est un honneur, un privilège et la responsabilité de ma vie», a tweeté Alexandria Ocasio-Cortez après sa victoire.

BLACK LIVES MATTER, L’ANTIRACISME ET LE COMBAT CONTRE LES VIOLENCES POLICIÈRES
En Mai 2020 aux États-Unis, la mort d’un homme noir de 46 ans, George Floyd, suite à une interpellation policière filmée et diffusée sur les réseaux sociaux provoque une onde de choc en Amérique et partout dans le monde. En quelques jours, des manifestations contre les violences policières et le racisme systémique voient le jour aux US mais aussi en France. “Black Lives Matter” devient un slogan universel et replace la question raciale au cœur du débat public. #BlackLivesMatter a été le mot clé le plus tweeté cette année juste derrière #covid19.
En France, le mouvement est porté par Assa Traoré et son collectif La Vérité pour Adama, cherchant à rétablir la vérité sur la mort de son frère entre les mains de la police. Son appel à la mobilisation a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes à travers divers rassemblements et manifestations tout au long de l’été et de l’automne.
Le mouvement a d’ailleurs pris une nouvelle ampleur et connu une nouvelle convergence avec, le 21 novembre dernier, le triste fait divers, devenu fait politique, du dévoilement de la vidéo du tabassage de Michel Zecler, producteur de musique noir, par des policiers ; ainsi que des vidéos montrant des migrants indignement chassés par des policiers Place de la République et des lynchages de journalistes couvrant les faits par les mêmes forces de l’ordre, qui finiront par mettre le feu aux poudres.
Des événements qui sont survenus dans un climat ultra-tendu avec la proposition de la loi dite de “sécurité globale” en particulier l’article 22, autorisant le recours aux drones comme moyen de vidéo-surveillance et l’article 24 sanctionnant d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion du visage ou de tout élément d’identification des membres des forces de l’ordre. Un projet dénoncé par la défenseure des droits, la convention des Droits de l’Humain et même l’ONU. La contestation est telle que le weekend suivant, des “marches des libertés” sont organisées un peu partout en France rassemblant des centaines de milliers de personnes.
Pour plus d’infos, relisez notre article sur le nouveau militantisme aux USA expliqué par l’auteur et journaliste Mathieu Magnaudeix.

HABEMUS PAPAM MODERN
« Les personnes homosexuelles ont le droit d’être en famille. Ce sont des enfants de Dieu, elles ont le droit à une famille. Ce qu’il faut, c’est une loi d’union civile, elles ont le droit à être couvertes légalement”. En défendant l’union civile pour les couples homosexuels dans un documentaire intitulé “Francesco” diffusé en Octobre dernier, le Pape François larguait une bombe sur le monde catholique. Il donnait aussi un sacré coup de pouce à toutes les personnes qui luttent pour ces droits dans les pays où ils n’existent pas encore et permettait à l’Église de commencer à changer son regard sur l’homosexualité. Amen. On attend la suite de la messe.

LES SOULEVEMENTS FEMINISTES
Depuis 2015, et l’arrivée au pouvoir en Pologne du parti conservateur Droit et Justice (PIS), les femmes polonaises se sont vues réduire l’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse à son strict minimum, c’est à dire en raison de malformation irréversible du foetus ou quand la grossesse est engendrée par un viol ou un inceste. Quand le 22 Octobre, le Tribunal Constitutionnel Polonais décide de réduire l’accès à l’IVG uniquement aux femmes victimes de viols ou d’incestes, des milliers de femmes (jusqu’à 100 000 le 30 Octobre dans la ville de Varsovie) descendent manifester dans la rue pour leur droit à disposer de leur corps. Suite à cette mobilisation sans précédent en Pologne, le vote de la loi anti-IVG est à ce jour reporté à une date indéfinie. Une petite victoire mais le combat continue.
En France, questions droits des femmes, on peut citer le combat plus que nécessaire porté par la grande Adèle Haenel (respect éternel <3) contre les violences sexuelles au sein de l’industrie cinématographique française, ainsi que le soulèvement des assos féministes face à la nomination de Gérald Darmanin au ministère de l’intérieur alors qu’il était visé par une enquête pour viol, tout comme le combat féministe de la journaliste et élue EELV Alice Coffin, injustement lynché médiatiquement pour avoir dénoncé au sein du conseil de Paris la nomination de Christophe Girard, soutien de l’écrivain pédophile Gabriel Matzneff.

MUSIQUE
LOUS & THE YAKUZA, RÉVÉLATION MUSIQUE 2020
“Je veux montrer la grandeur des Noirs » nous disait Lous & The Yakuza dans son interview du numéro “Disobedience” Printemps-Eté 2020 de Mixte. Souhait exaucé pour la belgo-congolaise de 24 ans qui avec son album “Gore” a démontré en l’espace d’un an sa capacité à rebattre les cartes de la scène R&B et Hip-Hop francophone et a imposé son charisme de princesse afropunk sur la scène médiatique jusqu’au plateau de Jimmy Fallon.
Relisez notre interview de Lous & The Yakuza ici.

BLACK IS KING: LA PERFORMANCE DE BEYONCÉ
En Juillet, c’est Beyoncé qui délivre son hommage à la résilience et la culture des Noirs. Un parterre de stars (Pharrell Williams, Naomi Campbell, Kelly Rowland, Burna Boy…), une imagerie à couper le souffle avec des centaines de danseurs, figurants et décors filmés au Ghana, au Nigeria, aux USA, en Belgique… et on top of that, un stylisme sublime conçu par la styliste attitrée de Queen B, Zerina Akers, qui signe surement le meilleur défilé de l’année, mêlant grandes maisons de prêt-à-porter et de couture (Mugler, Burberry, Balmain, Schiaparelli, Valentino…), petites marqués indé (Marine Serre, Molly Goddard…), en passant par des labels africains (Selam Fessahaye, Adama Paris, Loza Maléombho…). Merci B. Rien que pour ça 2020 valait la peine d’être vécue.
Le décryptage de Black is King c’est ici.

LE GRAND RETOUR DE WOODKID
Sept ans après son premier album “The Golden Age”, Woodkid a fait son grand retour avec “S16”, un second album fort d’un univers complexe autour de l’industrie pétrochimique, pour mieux questionner notre rapport à un monde gigantesque dont nous sommes tous des reflets ambivalents. L’artiste français multi-casquettes a illustré ce deuxième album avec des clips grandioses, comme à son habitude, réalisés par ses soins.
Relisez notre interview de Woodkid ici.

CARDI B, LA FEMME INCONTOURNABLE DE 2020
Mandatée par le ELLE Magazine US pour interviewer Joe Bidden avant la présidentielle américaine, nommée égérie par la maison Balenciaga pour leur campagne FW20, critiquée mais surtout acclamée pour son titre “WAP” avec Megan Thee Stallion (300 Millions de vues sur Youtube et élu meilleur titre de l’année aux American Music Awards), élue femme de l’année 2020 par Billboard Magazine… en 2020 Cardi B était partout et a confirmé son statut d’icône badass du 21ème siècle.
Cardi B décryptée, c’est ici.
