MIXTE. Après un si long silence et à l’écoute de ton album, la première question qu’on a envie de te poser, et en pesant bien les mots, c’est : est-ce que ça va ?
WOODKID. Oui, oui, ça va ! C’est un album sérieux, mais pas si noir que ça. C’est juste que, dans le paysage de ce qu’on entend à la radio et de ce qu’est la musique aujourd’hui, c’est un peu à contre-courant. J’en suis plutôt fier. J’aime l’idée que S16 soit un album plus honnête que dark, sur la fragilité et le sentiment intérieur.
M. Dans les textes, tu abordes l’amour perdu, la notion d’ennemi intérieur, la douleur physique, tu cites même des antidouleur, avant d’entrevoir la lumière dans les trois derniers morceaux. On sent que tu te bats avec tes démons…
W. C’est vraiment l’idée. L’album parle de la résilience face aux échecs, aux amours impossibles… Il parle aussi des médicaments, des formes d’addiction à la dépression. Mais en même temps, il y a toujours cette lumière, qui cherche à déconstruire une certaine idée du masculin et de la force, à ouvrir de nouveaux horizons plus sensibles, plus honnêtes, moins en protection et en puissance.
M. Ce sont des émotions que tu as été amené à traverser depuis ton précédent album ?
W. Oui, bien sûr. On y entend une grosse partie de mon expérience personnelle de ces dernières années. Mais le rapport à la fiction permet aussi d’y amener une forme de mystère, de flou, d’y accrocher les sentiments qu’on souhaite. Et puis, ce serait un manque de générosité de ma part de ne parler que de moi à travers ma musique, et de ne pas tirer les conclusions de ces années difficiles sans en faire quelque chose d’universel. C’est là que la fiction intervient par rapport à la réalité.
M. Est-ce que ça explique aussi le temps qu’il t’a fallu entre tes deux albums ?
W. Quand j’ai terminé le cycle du premier, The Golden Age, j’ai eu très vite l’intuition qu’il me faudrait du temps, je l’ai d’ailleurs exprimé sur les réseaux sociaux à l’époque. J’avais besoin d’apprendre de nouvelles choses. Je crois que prendre le temps est un vrai engagement politique, vu la vitesse à laquelle les choses vont et changent. J’avais l’impression qu’il y avait une prise de risque très forte là-dedans, aussi vertigineuse qu’excitante : se donner le temps d’être oublié, ne pas se reposer sur le succès. J’aurais pu me précipiter sur un second album, c’est vrai, mais je pense que j’aurais été triste, parce que j’aurais certainement paraphrasé le premier. J’ai toujours envisagé mon travail comme un projet de vie, et j’ai toujours eu peur également d’être un “One hit wonder”. Même si j’ai déjà eu plus d’un titre à succès sur mon premier album, il a fallu que je me batte avec moi-même, que je parvienne à me convaincre que je ne ratais pas un wagon. Ça demande une force mentale assez conséquente de ne pas se jeter dans ce flux permanent. J’ai déjà connu les effets néfastes de l’accélération avec Golden Age, et à vrai dire, je ne suis pas carrossé pour aller à une telle vitesse.