Tory Burch SS24

Le coup d’envoi du “Big Four” de la Fashion Week SS24 a été donné à New York le 8 septembre dernier et le bilan est comment dire… mitigé. Retour sur une fashion week qui, certes, fait le boulot mais n’offre rien de très engageant, excepté les classiques Tory Burch et Michael Kors, ainsi que les cool kids Area, Luar et Palomo Spain. Récap’ en 7 points.

Si cette saison deux teams se sont clairement affrontées avec les minimalistes VS les “toujours plus”, le tout reste très lisse et commercial, pour ne pas dire boring. En vrai, on ne sait plus trop où donner de la tête si ce n’est en front row, blindé de stars comme Jennifer Lopez et Pamela Anderson, comme du côté des happenings comme celui anti-cuir de Peta qui s’est incrusté sur le défilé Coach ou la mise en scène du show Elena Velez où les mannequins se battaient dans la boue. Les seuls moments au-delà des vêtements qui auront capté notre attention.

1. Les Highlights new-yorkais
Helmut Lang SS24.

Peter Do se dépose chez Helmut Lang
Si le créateur vietnamien était attendu au tournant pour sa première collection en tant que directeur artistique de la maison Helmut Lang (+185% de recherche pour Helmut Lang avec Peter Do à la tête de la création selon Tagwalk), celui-ci s’est réapproprié tous les codes du designer autrichien avec brio, à commencer par la collaboration avec une poétesse pour animer le show. A la façon d’Helmut Lang avec Jenny Holzer, Peter Do a fait appel aux vers de l’autrice vietnamienne Ocean Vuong pour habiller le set et quelques pièces de la collection comme ces tee-shirts à messages : « Your car was my first room / Our clothes on the floor like stepped-on flowers ». Des mots qui rendent eux-mêmes hommage à la ville de New York et ses taxis jaunes. Côté vêtements, on retrouve le minimalisme androgyne propre à Helmut Lang des nineties : les chemises, pantalons de costumes, bombardiers XXL et couleurs pop.

Micheal Kors SS24.

Les vacances de Michael Kors
Rongé·e·s par le cafard de la rentrée ? Michael Kors a déjà programmé les prochaines vacances : “It’s the transcendent joy of getting away, it’s the sweeping romance of a glamorous escape and it’s a jolt of sophisticated, chic optimism”, a-t-il commenté au sujet de la collection printemps-été 2024. Et il n’est pas question de claquettes-chaussettes, on pense plutôt Saint Trop’ période Jane Birkin avec ces tuniques en broderie anglaise, les ceintures en anneaux seventies et les imprimés girafe pour aller déjeuner chez Sénéquier. Une façon pour le créateur de postuler pour la prochaine saison de White Lotus ?

Tory Burch SS24.

La lady cool de Tory Burch
Pour l’été 2024, Tory Burch vise la décharge mentale et prône l’effortless. Le résultat : des coupes qui n’entravent pas le mouvement, des mini qui libèrent les jambes et des bretelles qui dénudent l’épaule. Les vestes aux manches trois quart et aux cols rehaussés évoquent les sixties, les chics filles de l’époque façon Jackie Kennedy qui auraient osé les solaires à verres teintés et se seraient encanaillées avec du satin et des touches de macramé.

Palomo Spain SS24.

Emoji cœur en flammes pour Palomo Spain
Si New York est resté fidèle à sa réputation (vous avez dit boring ?), certaines collections sont sorties du lot. Parmi elles, celle de Palomo Spain intitulée “Cruising in the Rose Garden” : de l’erotico-chic et sensuel tout en fleurs, plumes et dentelles, relevé par quelques silhouette rouge piment ou du cuir queer Tom of Finland. Une collection présentée dans un hôtel baroque façon boudoir et introduite par la maxime “Humans have two sides”, qui célèbre la dualité, la fluidité entre le romantisme et la passion plus crue, la masculinité et la féminité.Bref, la marotte du créateur espagnol qui fait toute l’identité du label.

Area FW23.

Les Pierrafeu bling d’Area
Autre label à avoir briller (but like, litteraly), Area a remonté le temps jusqu’à la Préhistoire. Le label new yorkais qui fait plutôt dans la couture que dans le prêt-à-porter a présenté une collection Fall-Winter 2023 entre les deux, aussi “sauvage que glamour” comme l’a défini son directeur artistique Piotrek Panszczyk. L’idée de ce voyage dans le temps était d’interroger le statut de matériaux comme les os et la fourrure, prisés des hommes préhistoriques et devenus des symboles de richesse au même titre que les pierres précieuses, également fil conducteur de la collection. Imprimés imitant la fourrure, cut out façon griffures de bête sauvage et masques full strass, Beyoncé et Cardi B, déjà clientes, risquent de passer commande.

Jane Wade SS24.

Le petit nouveau : Jane Wade
Sur notre podium des meilleurs show de la semaine, on accueille le petit nouveau, Jane Wade. Le jeune label new yorkais, porté par la créatrice du même nom, vient de rejoindre le calendrier officiel et a présenté une collection tout en justesse. La superposition au cœur de la collection permet de jouer avec les codes du workwear (tabliers à poches, mousquetons) et de l’officewear (chemises, trench) pour mieux déconstruire la notion de travail de notre société. Cœur sur les accessoires, des objets du quotidien détournés comme les sacs en kraft ou les chemises sous blister de pressing « We love Jane Wade » pour le bonus inception.

2. Poke les Nineties

Christy Turlington en clôture du défilé Ralph Lauren dans une robe drapée gold, Pamela Anderson en front row du défilé Proenza Schouler, le minimalisme androgyne d’Helmut Lang ressuscité par Peter Do… Un vent venu des nineties a soufflé fort sur New York. Côté vêtements, le minimalisme règne en maître chez Proenza Schouler et ses robes tubes, ses trenchs en cuir trois quart et autres vestes de blazer aux lignes impeccables et au blanc immaculé, rappelant les collections Calvin Klein de l’époque. Chez Altuzarra, la jupe crayon et le crop top s’associent et chez Jason Wu, le look 28 est presque un replica de la naked dress iconique de Kate Moss qui nous ramène trente ans en arrière.

3. Bienvenue au NY Comedy Club

Si on a bien failli s’endormir devant certains shows, d’autres ont su créer l’effet de surprise par la force de la créativité et de l’art. Véritable performance de cabaret chez Wiederhoeft, big smile energy chez Collina Strada où chacun.e des modèles souriaient toutes dents dehors façon licorne féérique, et tricots ondulés hauts aux couleurs de l’arc-en-ciel chez PH5, on retrouve l’onirisme et la joie que la mode sait parfois faire vibrer. Quant aux mixes imprimés chez Ulla Johnson et Prabal Gurung, ils invoquent les énergies de l’art contemporain tout comme Collin Locascio, jeune label new yorkais haut en couleurs, dont le créateur du même nom s’est inspiré de son anniversaire de ses sept ans, jour où il a reçu un poisson rouge pour présenter une collection lolcore AF qui (re)donne le sourire.

4. Toujours plus de quiet luxury

De belles matières, des coupes intemporelles, des couleurs calmes, l’esprit quiet luxury squatte la mode américaine depuis quelques années et ne semble pas prête à laisser la place. De Theory à Carolina Herrera en passant par Tibi, Fforme, COS et 3.1 Philip Lim, on a l’impression de vivre dans le dressing de Shiv Roy, la famille dysfonctionnelle en moins. Et pour ne pas finir totalement beige (aka fade comme un plat de pâtes à l’huile), on twiste la silhouette avec du volume comme chez Tibi et Gabriela Hearst où le vrai luxe est le statement écologique et responsable. S’habiller comme les maîtres du capitalisme tout en respectant ses valeurs.

5. Se faire un film noir

Inspiré par le film de Roman Polanski “Rosemary’s Baby” (un choix plus que douteux mais bon passons), Joseph Altuzarra a réinterprété certaines pièces des années 50 comme ces manteaux en A et à cols plats : “comme si on avait agrandi un manteau de poupée des années 60”, a commenté le designer. Chez Khaite, où la salle était quasiment plongée dans le noir, les modèles qui défilent étaient éclairées par cette seule poursuite lumineuse qui leur donnait des airs d’héroïnes de film noir, la taille cintrée dans un trench aux épaules larges. Idem chez Brandon Maxwell où les jupes longues étaient drama AF et où l’attitude bourgeoise reprenait les codes des héroïnes hitchcockiennes mais version 2023 t’as capté.

6. Faire dans la dentelle noire

Gypset chez Michael Kors, grunge chez Coach, lingerie core chez Collina Strada, précieuse chez Christian Siriano ou stretch chez Eckhaus Latta, pour l’été 2024, la dentelle noire tisse sa toile et révèle peau et sous-vêtements pour un effet naked dress but make it glamour.

7. Allez au travail (ou pas)

Pour la nouvelle collection Luar, Raul Lopez s’est inspiré d’un quartier de La République Dominicaine où cohabitent religieux et fêtards. Ce qu’on voit ce sont ces costumes aux coloris sérieux (une déclinaison de gris) mais aux coupes folles (ces tops qui se transforment en lunettes), aux épaules soutenues et aux découpes sexy parées de dentelles. Un détournement de l’office wear comme chez Jane Wade ou Dion Lee, où le work wear et ses codes techniques (poches à outils, cordes, etc) se transforment au fur et à mesure en silhouettes à dentelle rouge, à corsets et cut outs suggestifs. Le fantasme du plombier ?