Louis Vuitton FW24

Entre les 10 ans de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton, les premières fois des nouveaux designers chez Chloé, Lacoste et Alexander McQueen, le retour d’Ester Manas au calendrier ou encore les shows spectacles de Mugler, Courrèges et Casablanca, retour sur une semaine riche en émotions (mais pas en déclarations…). Récap en 11 points.

Une fois de plus Paris a clos le fashion month en beauté et ce qui ressort de cette semaine (9 jours en réalité, c’est long) c’est certes un foisonnement de marques, de collections, de défilés, de soirées et de présentations (on était à ça de la nausée) mais c’est aussi et surtout un silence assourdissant de la part de l’industrie sur les enjeux sociétaux, politiques et écologiques du moment. Alors qu’en 2020 toute la mode scandait “Black Lives Matter” et qu’il y a deux ans à peine, elle s’indignait aussi de la guerre en Ukraine et du sort réservé à ses ressortissant·e·s (au point de parfois annuler des défilés), pas à un mot cette saison sur la situation à Gaza et pas non plus l’ombre d’une déclaration pour demander un cessez-le-feu. Un silence Ô combien dérangeant alors que le cinéma français s’est récemment positionné sur le sujet lors de la dernière cérémonie des César qui avait lieu trois jours seulement avant le début de la Fashion Week Parisienne. Un fait de plus qui vient nous confirmer que la mode vit bien dans sa propre petite bulle capitaliste et que, plutôt que de parler de justice et de libération, elle préfère tout simplement vendre des vêtements. Malgré tout, ce manque de considération sociale n’a “heureusement” pas empêché à la créativité de s’exprimer. Et ça tombe bien parce que sinon on n’aurait pas grand chose à raconter de ce cirque vestimentaire. Entre les 10 ans de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton, les premières fois des nouveaux designers chez Chloé, Lacoste et Alexander McQueen, le retour gagnant d’Ester Manas au calendrier ou encore les shows spectacles de Mugler, Courrèges et Casablanca, retour sur une semaine riche en émotions, certes, mais pas en déclarations. Récap en 11 points.

1. Le règne des mastodontes
Louis Vuitton SS24

Les 10 ans de Nicolas Ghesquière chez Louis Vuitton
Saison toute particulière pour Louis Vuitton puisque ce défilé FW24 marquait les 10 ans de Nicolas Ghesquière en tant que directeur artistique des collections femme de la maison française. L’occasion pour lui de faire un rappel de ses œuvres passées comme une exploration introspective. On a ainsi pu voir des blousons bombardiers, des robes de style japonais, des pantalons avec des coupes en biais, des gants de fourrure ou encore des robes imprimées avec l’iconographie des bagages LV. Bref, du Ghesquière tout craché.

Miu Miu FW24

Miu Miu entre l’enfance et l’âge adulte
Outre les “runway debut” de l’artiste britannique Little Simz et du danseur étoile Guillaume Diop, la collection FW24 de Miu Miu cherchait à explorer “la durée et l’étendue de la vie des gens”, en examinant les contrastes entre l’enfance et l’âge adulte, et la manière dont chacun·e s’exprime à travers l’habillement. Résultat, on a vu des manteaux, des broches, des gants surdimensionnés, des combinaisons et des jupes bouffantes, le tout dans une palette de couleurs vives et de styles juxtaposés.

Christian Dior FW24

La miss de Dior
1967, “Je t’aime moi non plus…” en bande son, les années Marc Bohan (ancien directeur artistique de la maison décédé en 2023), les robes trapèzes, les tailles cintrées mais pas trop, les trenchs, les carreaux, le léopard et le graff “Miss Dior” (il s’agit d’un agrandissement du logo d’une pub de l’époque)… C’est de toute cette era des sixties et des prémisses de la libération du corps des femmes (fini les corsets et le tailleur Bar) qui ont inspiré Maria Grazia Chiuri pour cette nouvelle collection très “lady like”.

Loewe FW24

Le tea time de Loewe
C’est toujours comme ça avec Jonathan Anderson chez Loewe : à première vue, son travail repose sur le fun avec des coupes hors normes et des accessoires chelous (le sac asperges c’est le nouveau sac pigeon) puis, lorsqu’on y regarde de plus près, le créateur pousse l’audace un cran plus haut en questionnant la société et nos comportements. “J’ai commencé à explorer l’idée de la provenance des objets, de la raison pour laquelle nous achetons des choses pourquoi elles ont une signification”. La collection dont de nombreuses pièces évoquent l’intérieur d’une vieille dame à l’heure du tea time mise aussi sur l’oversize et les imprimés radis ou tapisseries.

Chanel FW24

“Un homme et une femme” selon Chanel
Lors de son défilé FW24, Virginie Viard a rendu hommage au classique du cinéma français « Un homme et une femme » de Claude Lelouche avec un court métrage mettant en vedette Brad Pitt et Penélope Cruz. Côté vêtement, ça donne une allure décontractée avec de fins manteaux en tweed ceinturés dans des tons sunset et des pulls douillets, des ensembles assortis avec des boutons en perles ou encore des cardigans à col marin représentant le ciel bleu-gris et les longues plages de la côte normande.

2. Les shows spectacles
Mugler FW24

La “fierceness” de Mugler
Encore une fois, Mugler ne faillit pas à sa réputation et a offert un show spectaculaire. Fumée, tombée de rideaux et ombres chinoises, l’effet waouh est assuré et le directeur artistique Casey Cadwallader, a proposé une collection ultra sexy entre géométrie et transparence. Le mot d’ordre : rester “fierce”.

Coperni FW24

Les aliens de Coperni
Cette saison, la collection FW24 de Coperni s’articulait autour de sa dernière création, le nouveau Air Swipe Bag : composé à 99 % d’air, 1 % de verre et ne pesant que 33 grammes : et fabriqué à partir du nanomatérieu silica aérogel de la NASA, qui se trouve également être le solide le plus léger de la planète Terre (également utilisé par la NASA pour capturer la poussière d’étoiles). Parallèlement, la collection proposait des silhouettes classiques avec des tendances contemporaines, associant des collants brillants à des bodys trench-coat, des vestes de l’ère spatiale et des costumes en organza. Le tout dans un décor conçu avec des tours d’écrans géants sur la musique de La rencontre du troisième type.

Courrèges FW24

Le souffle sensuel de Courrèges
La sensualité est une évidence pour Di Felice. Et avec sa collection FW24, le créateur belge nous montre qu’il sait définitivement comment créer et réinterpréter toutes les caractéristiques de la garde-robe féminine, que ce soit à travers des jupes et des robes aux ourlets incurvés, des trenchs aux cols remontés cachant le visage, des hauts transparents ou des jupes près du corps reprenant des éléments géométriques d’ovales ou de cercles, le tout avec un air d’intrigue romantique. Entre raffinement, douceur, et symétrie, le clou du spectacle résidait une fois de plus dans le décor : un sol blanc immaculé qui s’est soudainement mis à gonfler comme une poche d’air, donnant la sensation de respirer sereinement.

Germanier FW24

La fanfare de Germanier
Pour sa collection automne-hiver 2024 intitulée “Les Épineuses”, Kevin Germanier a décrit le cirque d’un monde de la mode qui se veut responsable. Son show, organisé au Théâtre Libre, a débuté sur la fanfare de l’Orchestre Ancienne Cécilia et présenté une collection mettant en avant l’utilisation de matériaux recyclés, avec une emphase particulière sur les perles, l’idée principale étant de faire écho aux belles de cabaret avec notamment des coiffes en plumes démesurées. Heureusement, on peut aujourd’hui compter sur Kevin Germanier pour nous offrir une mode à la fois fun, festive, inventive et techniquement ultra-maîtrisée.

Casablanca FW24

La mythologie de Casablanca
Sur la piste du Cirque d’HIver, les mannequins se sont élancés avec comme décor une troupe de danseur·se·s animée par la chorégraphie de Sadeck Berrabah. Telles une marée humaine, leurs bras bougaient en quinconce et animaient une collection haute en couleur rendant hommage à la Grèce Antique et qui signait au passage, le retour des spartiates, en collaboration avec Ancient Greek Sandals.

3. Les premières fois (ou presque)
Chloé FW24 x3, Lacoste FW24 x3.

Carton plein pour Chemena Kamali dont la première collection chez Chloé est l’une des trois les plus partagées (derrière Miu Miu on et Chanel) de toute la Fashion Week parisienne selon Tagwalk. Pour cette collection intitulée “Intuition”, la créatrice a suivi la sienne et a bien fait. La transparence, les volants, l’énergie qui se dégage de ses mousselines ultra longues, de ces capes en cuir et ces dentelles a marqué les esprits et on vous l’annonce : ce n’est qu’un début. Idem chez LacostePelagia Kolotouros vient de réaliser un jeu set et match avec une collection présentée sur la mythique terre battue de Roland Garros. Avec ces silhouettes ultra élégantes, aussi bien pour l’homme que pour la femme, la créatrice greco-américaine s’est inspirée des débuts, circa René Lacoste, star du tennis dans les années 30. Côté première fois officielle, Zomer a intègré le calendrier officiel et y a infusé tout son fun. Au-delà des couleurs pop, le duo formé par Danial Aitouganov et Imruh Asha, aime travailler avec la technologie – certaines pièces sont fabriquées grâce à une imprimante 3D – et des matériaux peu ordinaires comme le bois la saison dernière ou le verre, cette fois-ci.

Zomer FW24 x3, Alexander McQueen FW24 x3.

C’était aussi l’épreuve du feu pour Seán McGirr qui succède à Sarah Burton chez Alexander McQueen. Si cette première collection a laissé coi certains puristes, elle a le mérite de faire parler et de mêler certains gimmicks propres à la maisons (comme cette robe effet latex qui entrave le mouvement) et une vision plus audacieuse, comme ces “robes carrosseries” probablement inspirées par le métier du père du créateur, ancien garagiste. Côté jeunes designers, Ester Manas, le label aux créations inclusives n’avait pas défilé depuis plus d’un an, souhaitant ralentir un peu le rythme effréné de la mode, pas toujours évident à suivre pour des labels indépendants. Une absence statement, assumée jusque dans les cartons distribués aux invités où était inscrit “We missed you”. Et ça valait le coup d’attendre puisque la marque est revenu en force avec ses basiques transparents et laçages super sexy mais aussi des nouvelles coupes plus structurées comme ces vestes en cuir cintrés. Enfin, pour son premier vrai défilé en physique, Benjamin Benmoyal a voulu remettre l’artisanat au centre des préoccupations but like literally. Le créateur a donc recruté des étudiants en école de mode pour utiliser les métiers à tisser en live, sur le podium aux côtés des mannequins, Un fil conducteur que l’on retrouve dans les créations de ce label méga inventif et toujours au service du vêtement.

Ester Manas FW24 x3, Benjamin Benmoyal FW24 x3.
4. Je suis une célébrité, sortez-moi de là !
Marine Serre FW24, Andreas Kronthaler pour Vivienne Westwood FW24, Miu Miu FW24 et Vetements FW24

Paris ne serait pas Paris sans son lot de célébrités qui jouent les apprentis mannequins. Chez Vetements, on a vu Marcia Cross, aka Bree van de Kamp de Desperate Housewives, fermer le show avec une robe rouge pétillante. Chez Vivienne Westwood, Sam Smith a foulé le catwalk tout comme le sosie de Kate Moss qui a participé au show Marine Serre. Sans oublier Kristin Scott Thomas et Guillaume Diop (danseur étoile de l’Opéra de Paris) chez Miu Miu.

5. La politique de la transparence
Saint Laurent FW24

Observée depuis un moment sur les podiums, la robe transparente ou sheer dress pour les anglophones, s’est encore fait une place de choix cette saison à Paris. D’abord chez Saint Laurent dont le défilé tournait exclusivement autour de la transparence (une façon de faire écho à un classique stylistique de la maison qui fait d’ailleurs l’objet d’une exposition en ce moment même au Musée Yves Saint Laurent) puis ensuite chez Ester Manas, Dior, Chloé, Courrèges, Gauchère, Nina Ricci, Victoria Beckham, Paloma Wool, Mugler, Marine Serre ou Avellano.

Marine Serre FW24, Ester Manas FW24, Gauchère FW24, Victoria Beckham FW24, Galvan FW24, Paloma Wool FW24.
6. L’appel de la forêt
Hermès FW24

L’hiver prochain, préparez-vous à retourner vivre dans la nature, ambiance peuple des forêts : vert mousse, gris taupe, marron écorce… La palette de la saison se situe entre l’humus et le lichen moelleux, à commencer par la collection Hermès, aux tons aussi organiques que les matières. Une tendance aussi observée chez Isabel Marant, Rokh, Uma Wang, Mossi, Rick Owens, Chloé, et Avellano où les tons naturels, allant du vert olive au marron, ont poussé un peu partout dans les collections, comme une ode aux racines et la naturalité ? L’appel de la forêt semble irrépressible.

Isabel Marant FW24, Rokh FW24, Uma Wang FW24, Mossi, Rick Owens FW24 et Avellano FW24
7. Le vêtement détourné
Balenciaga FW24

Cette saison, beaucoup de designers semblent s’être amusé·e·s à vouloir détourner le vêtement de sa fonction première. Une tendance qu’on a fortement retrouvé chez Balenciaga qui a par exemple proposé des robes faîtes à partir de sacs à dos ou des tops faits avec des jeans. Ensuite, on a aussi observé cette tendance du vêtement détourné/déstructuré chez Courrèges avec ses robes miroir dont les bretelles et le décolleté se retrouvent au niveau des jambes. Chez Acne Studios, on a vu des robes conçues comme des sacs avec de grosses fermetures éclair, chez Saint Laurent des collants devenus robes, chez Victoria Beckham des pulls collés/décalés sur des chemises, chez Marie Adam Leenaaerdt un bustier de robe confectionné à partir de la taille d’un jean et chez Undercover des jeans intégrés à des pantalons… Bref, on s’amuse comme des petits fous cette saison.

Undercover FW24, Acne Studios FW24, Courrèges FW24, Zomer FW24, Marie Adam-Leenaerdt FW24.
8. Être au poil
Acne Studios FW24, Stella McCartney FW24, Givenchy FW24, Undercover FW24 et Laruicci FW24

On les a vus partout. De New York à Milan en passant par Londres, les poils ont aussi envahi les podiums parisiens. Chez Acne Studios, Stella McCartney, Givenchy, Undercover, Laruicci mais aussi chez Saint Laurent, Rick Owens, Dries van Noten, Pressiat, Germanier, Uma Wang, Coperni, Miu Miu et Louis Vuitton, la nouvelle fourrure donne cet air animal et fait de nous des bêtes sauvages ou presque.

9.  Colors for winter ? Groundbreaking !
Issey Miyake FW24

On a beau avoir assisté aux collections automne-hiver dans un contexte socio-politique délétère, cela ne nous a pas empêché d’en prendre plein les yeux en termes de couleurs. D’ailleurs, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu un hiver aussi coloré et éclatant. D’abord chez Issey Miyake, maître dans l’art de la palette vive puis ensuite chez Rick Owens, Chanel, Miu Miu, Acne, Dries van Noten, Maitrepierre, Germanier, Ottolinger, Zomer, Weinsanto ou encore Noir Kei Ninomiya qui ont chacun à leur manière rendu notre quotidien un peu moins terne.

Gauchère FW24, Ottolinger FW24, Acne Studios FW24, Rick Owens FW24, Nina Ricci FW24, Weinsanto FW24, Maitrepierre FW24.
10. L’oversize fait encore des siennes
Duran Lantink FW24, Vetements FW24, Marie Adam Leenaerdt FW24 et Chen Peng FW24

Faire de la place au vêtement, laisser le corps s’épanouir entre les fibres, laisser les épaules tomber et les manches dépasser les mains… Duran Lantink, Vetements, Marie Adam Leenaerdt, Chen Peng et Victoria Tomas ou encore Loewe, Vivienne Westwood, ils ont tous adopté l’oversize. Plus c’est grand, plus ça passe.

11. De bric et de broc
Heliot Emil FW24, Vuitton FW24, Hodakova FW24, Alexander McQueen FW24 et Coperni FW24

Apparemment rien ne se perd et tout se transforme. Des morceaux de papiers d’alu chez Coperni, des morceaux d’air bags chez Heliot Emil, des fragments de phares de voiture et de rétroviseurs pour Alexander McQueen, des bouts de miroirs sur les robes Vuitton ou encore des objets du quotidien comme des plateaux en argent ou une malette en cuir pour le label Hodakova… Récupérer, accumuler pour créer du neuf : voilà comment la mode peut se reconstruire.