Clara porte une veste en jacquard de soie, chemise en popeline de coton et pantalon en coton Givenchy

Nommée dans la catégorie “révélation scène” de l’année, Clara Luciani s’est bel et bien construite en tournée, enchaînant les dates avec un groupe de musiciens qu’elle n’hésite jamais à mettre en avant. Celle qui a démarré avec La Femme n’a rien perdu de son plaisir du collectif. Retour sur notre rencontre avec elle. C’était à l’occasion de la sortie de son album Sainte Victoire, qui vient d’être réédité.

Je rejoins Clara Luciani mi-janvier dans un studio rue de Bretagne, à Paris, où s’achève sa session photo pour Mixte. Après cinq heures passées sous les flashs, décision est prise d’aller discuter dans un restaurant de la rue Béranger voisine. Clara Luciani est d’une gentillesse et d’une simplicité qui rendent le contact naturel. Ce qui n’empêche pas cette grande jeune femme (1,82 m) aux yeux noirs et vifs d’avoir un caractère bien trempé. Le clip de sa nouvelle chanson “La Grenade” vient de sortir. Le morceau est le premier de son album Sainte Victoire qui sort aujourd’hui, composé avec Sage et Benjamin Lebeau de The Shoes. C’est une déclaration de force féminine, sur fond de basse intrépide et de batterie inflexible, promue par une vidéo dans laquelle des femmes scandent les paroles du refrain “sous mon sein, la grenade”, en guise d’avertissement à tous ceux qui les sous-estimeraient.

Clara porte un costume et une chemise en coton et laine écrus Gucci

À l’heure de la seconde Women’s March, on pourrait parler d’un empowerment au timing opportun. Pourtant Clara a écrit sa chanson un an avant l’affaire Weinstein et la polémique française autour de la tribune défendant “la liberté d’importuner”, qui l’a choquée. “Ce n’est pas du tout l’actualité qui m’a motivée. La place des femmes a toujours été au cœur de mes préoccupations. Quand j’étais en tournée avec Raphaël, je n’étais entourée que de garçons et je me disais que c’était fou de voir à quel point la musique est encore très genrée. Quand j’ai commencé à jouer seule avec ma guitare électrique, on me lançait : ‘T’as des couilles pour une fille’… Ça m’est resté dans un coin de la tête et j’avais envie d’écrire une chanson qui disait qu’on n’est pas juste des petites choses fragiles.” L’album vient compléter un EP, paru fin avril 2017 à la suite d’une rupture amoureuse, aux titres évocateurs : “Pleure Clara, pleure”, “À crever”, “Monstre d’amour”.

Clara porte une veste en laine à manches en soie sauvage, pantalon en laine et ceinture en cuir noirs Alexander Mcqueen

Il y a un vrai contraste entre l’EP et l’album. J’ai eu la sensation de me relever après cet EP et le fait de renaître de mes cendres, de reprendre des forces et l’appétit de vivre s’entend sur l’album.” On sent une écriture à fleur de peau et certaines idées saisies sur le vif, comme la mélodie “Comme toi”, enregistrée sur son téléphone dans le métro de peur de la laisser s’échapper. “C’est important pour moi de conserver ma spontanéité. Je ne relis pas trop mes chansons. Je compare ma façon de faire de la musique à l’art brut : je ne suis une technicienne ni du chant ni de la guitare, je n’ai pas envie d’apprendre, non par paresse, mais pour conserver quelque chose de rugueux et de sensible. Il y a des choses que je ne souhaite pas qu’on m’explique, sinon ça les désacralise.

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Clara a débuté avec le groupe La Femme, rencontré par hasard après l’un de leurs concerts au festival Pantiero à Cannes. Alors âgée de 19 ans, elle décide d’arrêter ses études d’histoire de l’art pour venir chanter à Paris. Une manière de suivre ses pulsions : à 11 ans, elle avait vendu tous ses jouets pour acheter sa première guitare électrique ! “Toutes mes grandes décisions, je les ai prises sur des coups de tête. À chaque fois que je sens profondément qu’il faut que je me lance, je le fais sans me poser de questions, et jusqu’à maintenant, ça m’a toujours réussi.” L’aventure commence alors. De petits boulots en studios parisiens minuscules, elle se fait vite une place parmi la jeune génération que l’on perçoit comme le renouveau de la chanson française et dont elle apprécie l’énergie : “Ça m’aide, je me sens soutenue par les gens que j’ai rencontrés l’année dernière. Il y a quelque chose de bienveillant, on ne fait pas juste semblant de s’entendre pour la photo, c’est sincère et précieux. Parmi les femmes qui ont participé à la vidéo pour la promotion de ‘La Grenade’, on retrouve Juliette Armanet, Cléa Vincent, Clémence de La Femme, Lou Lesage, L’Impératrice… et tout cela s’est fait très naturellement.

Clara porte un gilet en brocard brodé de lurex imprimé multicolore sur manteau en coton noir Louis Vuitton

Un entourage qui a certainement compté dans la confiance que cette ex-grande timide a su acquérir, notamment sur scène, où elle joue désormais de ce qui l’a longtemps complexée. “Je suis très grande, j’ai été hyper mal à l’aise avec ça pendant des années. Maintenant, au contraire, j’aime porter des pantalons taille haute et évasés pour avoir vraiment l’air d’une créature atypique, d’un monstre d’amour, s’amuse-t-elle. J’adore l’oversize.” La veste Alexander McQueen qu’elle porte dans notre série va dans ce sens d’exagération des volumes. Dans le clip de “La Grenade”, elle porte une veste Ellery et elle apprécie aussi les marques Gucci depuis l’arrivée d’Alessandro Michele, Céline, Chloé ou encore Jacquemus, originaire de Marseille comme elle et dont elle porte l’une des créations sur la pochette de son EP. Pour autant, Clara ne se sent pas fashion victim. À l’aise en jean tee-shirt, cette hyperactive affectionne les outfits confortables et les chaussures plates pour pouvoir courir partout. Et vu sa vitesse de progression, il va falloir garder la forme pour ne pas la perdre de vue…