Double nettoyage, exfoliation chimique, base face, sérum hydratant, contour des yeux, SPF…Cette recette miracle afin de rendre sa peau plus lumineuse n’a rien de low cost et ne s’adresse pas à toutes les bourses, puisqu’il faut compter environ 150 euros afin de s’équiper correctement si l’on veut faire partie des actuels canons de beauté. Pour preuve, la vidéo postée par Bella Hadid en mars dernier dans laquelle la clean girl en chef vient nous narguer de sa morning routine aussi longue et incompréhensible qu’un film de Christopher Nolan. Sérums buvables, 13 gélules des compléments alimentaires, gel de mousse de mer et tout un tas d’autres liquides WTF composent cette odyssée du wellness au budget XXL, perpétuant ainsi un certain mépris de classe laissant penser que seuls.es les fortunés.es peuvent s’offrir une hygiène de vie respectable.
En plein essor, le marché des skin boosters voit apparaître de nouveaux protocoles chaque saison, à l’image de Skinvive, un tout nouveau traitement de médecine esthétique apparu il y a moins d’un an aux USA et dont les propriétés hydrophiles de l’acide hyaluronique réhydratent la peau en profondeur, moyennant 500€ pour un résultat s’estompant entre 8 et 24 mois. Un “agent de comblement” dont raffole la nouvelle génération, mais qui prouve aussi une certaine schizophrénie du marché de la médecine esthétique, dans un pays où les professionnels du secteur affirment désormais qu’elles·eux programment autant d’opérations pour injecter des fillers à base d’acide hyaluronique que d’opérations pour les enlever afin de paraître plus naturel. En France aussi, les codes de beauté ont tendance à changer, comme nous l’apprend le docteur Laurent Bataille, médecin esthétique exerçant dans le deuxième arrondissement de Paris : “Contrairement aux USA, les doses injectées en France ont toujours été raisonnables, surtout pour la patientèle parisienne qui prône une beauté plus naturelle. On assiste aujourd’hui à une demande de plus en plus forte, celle de la non injection. Les patients se tournent plus volontiers vers des soins afin de retirer ce qu’ils considèrent comme des défauts, comme des rides, et le marché se développe en ce sens en proposant de nouvelles alternatives à l’injection, tel que les lasers, de plus en plus performants, ainsi que le peeling.”
Une course au naturel que l’on upgrade par un petit passage dans son cabinet : “La nouvelle tendance est de faire appel au naturel sous toutes ses formes, on peut stimuler le collagène naturellement, en réveillant les cellules. Ce processus plait beaucoup plus que de combler par un artifice injecté, il révèle une fraîcheur et une beauté qui ne sont pas artificielles.”
Une fraîcheur made in clean girl qui, bien que prônant une beauté naturelle, a aussi des détracteur·ices, à l’instar de la journaliste beauté américaine Chelsea Candelario. La jeune femme explique, sur le site Purewow, sa colère face à cette tenfdance qu’elle estime problématique : “L’expression “clean girl” implicite le fait qu’il existerait une “dirty girl”. C’est comme si la trend actuelle décidait de vous rendre moins désirable si vous décidez de vous maquiller tout le visage ou si votre teint est unifié. On peut se demander si avoir de l’acné, des cheveux non coiffés ou des poils vous rangent aussi dans la catégorie “dirty” ? Cette esthétique punit ceux et celles qui ne se plient pas à cette signification du “clean”.”
Racisée, la journaliste y voit aussi clairement une double discrimination : celle du genre, ainsi que celle envers toutes les peaux qui ne sont pas blanches : “L’esthétique clean girl place principalement les femmes blanches au premier plan en tant que figure aspirationnelle sur Tiktok. Cette tendance invisibilise les femmes BIPOC (Black, Indigenous and People of Color ndlr), les grosses, les handicapées, les femmes plus âgées…De plus, l’ajout de “girl” empêche les personnes non binaires de se sentir inclus·es et nous diminue en tant que femmes en préférant utiliser le terme de “fille”. Cela ne fait que perpétuer notre peur de vieillir.” Ou quand la clean girl fait vraiment du sale.