M. Le vestiaire de cette nouvelle collection est marqué par des jeux d’opposition, comme des foulards recouvrant entièrement la tête associés avec des chemises à découpe. Quelle était votre vision pour cette collection ?
Serhat. Ces derniers mois, notre quotidien, pour Benjamin et moi ainsi que pour notre entourage proche, a été marqué par notre implication dans les manifestations pour un cessez-le-feu à Gaza et contre la montée de l’extrême droite en Allemagne. Ce vestiaire est inspiré de ce que nous avons porté et observé sur nos ami·es et d’autres personnes lors des manifestations.
Benjamin. Les oppositions sont toujours très présentes dans nos collections. Nous sommes deux hommes queer avec un héritage culturel musulman, nos créations explorent les tensions entre ces deux univers. Notre collection Fall Winter 2022 intitulée “Talisman” était très axée sur cette dichotomie entre le fait de grandir dans une culture imprégnée de la religion, de la spiritualité mais aussi de certains tabous liés au sexe notamment, et la culture queer berlinoise, très libérée et décomplexée.
M. Certaines pièces de la collection “Untitled Nations” ont été réalisées en collaboration avec des réfugié·es palestinien·nes et syrien·nes. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Benjamin. Nous avons collaboré avec SEP, une marque éthique basée en Europe qui travaille avec des réfugié·es palestinien·nes et syrien·nes dans un camp basé en Jordanie. Ils·elles ont réalisé les keffiehs brodés à la main de notre collection. SEP est une entreprise sociale qui garantit un salaire juste et une stabilité financière aux réfugié·es.
M. Quelles sont vos impressions sur la manière dont la mode a reçu Untitled Nations ?
Benjamin. Honnêtement, on ne savait pas trop à quoi s’attendre avant de présenter le show. On s’attendait au pire, à voir des gens quitter les lieux. Nous avons reçu beaucoup de messages de soutien et de remerciement après le show qui nous ont touchés et soulagés.
Serhat. J’ai ressenti de la gratitude envers nous de la part de l’industrie de la mode, qui, dans sa grande majorité, reste silencieuse face aux événements à Gaza. Les acteur·rices et les musicien·nes appellent à un cessez-le-feu, mais l’industrie de la mode, elle, reste de marbre, comme si elle sentait immunisée et non concernée.